Samuel Etienne et Étoiles lors de « La Nuit de la culture »

Samuel Étienne et Étoiles devant « Questions pour un champion » lors de « La Nuit de la culture », sur Twitch, le 16 mai 2022.

© Crédits photo : Twitch / Capture d'écran

Sur Twitch, les vidéos de réaction font le show

Regarder et commenter en direct, sur Twitch, une de ses anciennes émissions : un usage qui a le vent en poupe chez les streamers. En rejouant l'archive, ces « vidéos de réaction » permettent aux vidéastes et à leur communauté de mesurer ensemble le chemin parcouru, notamment sur des sujets de société.

Temps de lecture : 3 min

Antoine Daniel réagit à Antoine Daniel réagissant à sa conférence de Montreux. Ce « react » (vidéo de réaction) du vidéaste aux quelque 930 000 abonnés sur Twitch illustre la façon dont cette plateforme permet de dialoguer avec l’archive. En cinq ans de présence, Antoine Daniel en est devenu une figure, après avoir débuté sur YouTube. C’est à la suite du ZEvent, un événement caritatif sur Twitch qui récolte des dons contre des défis, qu’Antoine Daniel s’engage, en 2021 à regarder son premier « react », qui est aussi un de ses premiers streams, consacré au visionnage d’une conférence tenue en 2014 et qu’il qualifie lui-même de « cringe » (comprendre : qui inspire du malaise chez le spectateur). L’exercice se révèle truculent : ayant oublié ce qu’il en avait dit en 2018, le vidéaste s’amuse de sa propension à tenir les mêmes propos à quelques années d’écart.

Les vidéos de réaction, sur Twitch, à des vidéos d’archive n’est pas nouvelle, mais le phénomène est en plein développement. À côté des longs streams de react politique et médiatique, comme ceux d’Usul, se multiplient des streams plus nombrilistes, du moins en apparence. Frédéric Molas commente avec sa communauté des épisodes de la chaîne Joueur du Grenier, qu’il coanime avec Sébastien Rassiat.

Liberté de ton

Samuel Etienne n’hésite pas non plus à se regarder. L’animateur de « Question pour un Champion » (France 3) est aussi un streamer aguerri, l’un des premiers journalistes télé à avoir investi la plateforme. Lors de la « Nuit de la culture », il commente une de ses anciennes émissions tandis que son comparse Étoiles s’efforce de trouver les réponses avant les candidats. « Tu trouves vite les réponses, quand même », lui décoche le présentateur télé, admiratif. Et de dévoiler les coulisses du jeu télévisé. « Ah là je n’avais pas la réponse », confie-t-il sur une question particulièrement ardue. Il n’hésite pas non plus à dire à Étoiles ce qu’il pense des candidats et de leur façon de jouer, louant les performances des uns, ou traduisant les expressions faciales des autres : « Là typiquement, il a eu du bol », constate l’animateur en analysant le regard perdu d’un autre candidat.

Ce qui fait la force de ce type de live, c’est la liberté de ton et de format (le direct peut durer des heures sans interruption). La promesse implicite est celle de l’authenticité, de la réaction à chaud et sans montage. Ce dialogue tripartite entre les streamers, leur travail passé et les internautes qui viennent commenter la vidéo en même temps que leurs auteurs crée une alchimie singulière, propice à la confidence. « Les gens viennent pour l’ambiance, et surtout pour parler avec nous », nous raconte Ostpolitik, streamer et éditorialiste dans « Ouvrez les Guillemets », une émission de Mediapart. Avec Usul, ils ont intitulé leur live rétrospectif « Olgêne » — un jeu de mots entre « OLG », le diminutif de l’émission, et le concept de gêne, de « cringe », en vogue sur Internet. Toute la promesse du projet est contenue dans ce mot-valise : assumer l’aspect potentiellement embarrassant d’épisodes qui pourraient avoir mal vieilli.

Conjurer la gêne ?

« Pour le titre, on s’est inspiré de l’émission d’Usul, 36cringe, dans laquelle Usul regardait les anciennes émissions du 3615 [une chronique sur Jeuxvideo.com entre 2011 et 2014, NDLR] ». Ce qui intéresse les streamers, ce n’est pas tant se repaître du malaise que pourrait susciter un tel visionnage, mais plutôt une volonté de comparer d’anciens épisodes et d’évaluer, positivement ou non, son travail. « Le tchat nous permet d’avoir des retours qu’on n’avait pas eus sur le moment. Par exemple, on a eu de bons échos de l’épisode sur MeToo, alors qu’on s’attendait à plus de critiques, compte tenu du fait que l’on n’avait pas forcément le recul nécessaire à l’époque pour appréhender le mouvement. Faire se superposer le temps court de l’actualité et le temps long est forcément intéressant pour nous », explique Ostpolitik, qui se déclare « assez satisfait » du travail réalisé, « à part l’épisode où on se moque un peu maladroitement du ton des émissions sur l’écologie ».

Dans toutes les vidéos de ce type, les anecdotes de tournage plaisent autant aux spectateurs que la relation nouée avec le streamer. La possibilité d’échanger, de communier collectivement autour d’un même matériau séduit. Faire du neuf avec du vieux, mais ensemble.

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