Logiques génériques et logiques sérielles
L’attribution d’un genre à un film est une question toujours épineuse : un même film peut être caractérisé par plusieurs genres. Nous raisonnerons donc ici davantage en termes d’étiquettes génériques que de genres à proprement parler à propos des films donnant lieu à adaptation. Nous avons utilisé la classification par genre de la principale base de données en ligne consacrée aux films de cinéma, Internet Movie Database (IMDb), afin d’obtenir une forme de consensus sur les genres employés par les films adaptés : la base IMDb attribue à un même film plusieurs étiquettes génériques et permet ainsi de couvrir l’ensemble des genres auxquels celui-ci peut prétendre. Observées quantitativement, ces orientations génériques de la production font rejaillir quelques tendances fortes du corpus élargi.
Catégorisation des films adaptés par genre
selon Internet Movie Database
La répartition par genres révèle l’importance des catégories
adventure et
action,qui caractérisent la moitié des films adaptés. Les dénominations
comedy et
thriller arrivent en troisième et cinquième position, représentant environ un tiers du corpus. Se retrouvent ainsi en haut de classement les genres de prédilection du New Hollywood, c’est-à-dire les plus spectaculaires et les plus populaires.
Les films donnant lieu à adaptation appartiennent donc majoritairement aux genres de prédilection du cinéma spectaculaire contemporain destiné à un public adolescent, avec une forte prédominance des catégories
action et
adventure, mais aussi des genres
fantasy,
sci-fi,
animation et
horror, qui oriente clairement ce type de produits vers un public jeune composé d’enfants et d’adolescents. Par ailleurs,
fantasy,
sci-fi et
horror sont des genres très développés depuis la deuxième moitié du XXe siècle par d’autres médias comme la littérature populaire, les feuilletons radiophoniques, la bande dessinée, les programmes télévisés. La circulation intermédiatique des œuvres cinématographiques se situant sous ces étiquettes en est ainsi largement facilitée.
Enfin, le corpus révèle deux tendances lourdes de l’industrie hollywoodienne : d’une part, la présence dans le corpus d’une centaine de films pouvant être qualifiés de
blockbusters ou de
tent poles, ces superproductions estivales produites par les
majors hollywoodiennes et, d’autre part, le nombre important de
sequels dans l’ensemble des films adaptés. Ainsi, 261 films de l’ensemble du corpus appartiennent à 117 séries de films différentes composées d’au moins 2 productions. Parmi ces séries de films, nous retrouvons les sagas à succès des années 1980 comme
Star Wars,
Alien,
Terminator,
RoboCop,
Predator,
James Bond,
Rocky,
Rambo,
Indiana Jones,
Back to the Future,
Gremlins,
Lethal Weapon,
Die Hard,
Ghostbusters, des années 1990 comme
Batman,
Addams Family,
Jurassic Park,
The Crow,
Bad Boys,
Austin Powers,
Toy Story et enfin des années 2000 avec
Matrix,
Lord of the Rings,
Harry Potter,
Star Wars,
Spider-Man,
X-Men,
Charlie’s Angel,
Pirates of the Carribean,
Shrek,
Ice Age,
Fantastic Four,
Madagascar,
Transformers…
Comme le rappelle Geoff King, le New Hollywood a procédé à une reconstruction des genres par l’usage qui en a été fait pour la production de
blockbusters. Des genres, jusqu’alors cantonnés aux budgets réduits des séries B, se voient dotés de moyens financiers considérables pour répondre aux besoins de spectaculaire et aux castings prestigieux des blockbusters estivaux. Ces genres employés par la production de
blockbusters peuvent se résumer en une formule, que notre corpus élargi illustre de fort belle manière, qui serait « science-fiction/action/aventure agrémentée d’une touche de comédie ».
Par ailleurs, les quelques cinématographies étrangères significativement représentées dans ce corpus outrageusement dominé par les productions hollywoodiennes – comme le cinéma français, britannique et quelques coproductions européennes – le sont surtout grâce à leur production de films grand public dans les genres action (
Taxi 2 et
3), science-fiction
(Le Cinquième Élément,
The Earth Dies screaming,
Flash Gordon,
Thunderbirds) ou
heroic fantasy (
Krull,
Kruistocht in spijkerbroek). Concernant les phénomènes d’adaptation en jeu vidéo, les cinématographies étrangères semblent donc s’ajuster aux canons hollywoodiens en appliquant à leurs films, conçus sur le modèle américain, le même type de diversification.