L’institutionnalisation de la chaîne
La légalisation d’al-Mânar fait écho au renforcement de l’assise sociale du Hezbollah. Mais elle témoigne aussi de la profonde évolution politique qui a été la sienne à la suite de sa participation systématique, à partir de 1992, aux différentes échéances électorales (législatives et municipales) au Liban. L’entrée du parti dans le jeu politique conventionnel a suscité également un réajustement de la mission dévouée à la chaîne. Alors qu’elle était jusque-là quasi-exclusivement consacrée à la « résistance armée », al-Manâr va tenter progressivement d’assumer deux nouvelles fonctions. D’une part, entretenir l’allégeance au parti de la large base populaire qui lui est déjà acquise sans s’engager pour autant dans ses structures, d’autre part, atteindre un nouveau public non chiite, favorable à l’action militaire du Hezbollah mais ne se reconnaissant pas, néanmoins, dans son identité confessionnelle et religieuse. De plus en plus al-Manâr va donc s’afficher comme une chaîne généraliste, intégrant dans sa grille de programmation, divertissements, émissions sociales, sport et talk show. Durant le mois de ramadan 2007, elle diffuse ainsi le très populaire feuilleton syrien Bab al-Harâ qui lui permet de prendre la tête des télévisions libanaises, tout au long du mois sacré (annexe 1).
Annexe 1
Sondage d’opinion effectué en septembre 2007
Echantillon de 400 personnes tenant compte des paramètres confessionnels et territoriaux
Question posée : « Votre chaîne préférée pour le mois de Ramadan »
Source : le quotidien libanais Al-Akhbar
Parallèlement, elle fait appel à des journalistes et à des animateurs non affiliés au parti.
Cette métamorphose s’accompagne d’un effort exceptionnel en termes de professionnalisation. Al-Manâr s’installe dans de nouveaux locaux plus vastes, elle se dote d’un équipement perfectionné, recrute un personnel diplômé et compétent, instaure des sessions de formation continue pour ses employés et fait appel à des experts nationaux et internationaux en communication pour améliorer sa grille de programmation et évaluer son audience. L’organisation interne de la chaîne est rationalisée par la mise en place de départements spécialisés ainsi que par la constitution d’une société de production et de diffusion de la « culture de la résistance ». En 1998, elle signe un contrat avec Thomson qui lui permet d’acquérir la technologie digitale.