Avance sur recettes : le grand oral

Avance sur recettes : le grand oral

L'avance sur recettes a fêté ses 55 ans d'existence au festival de Cannes : restée fidèle à l'esprit de son créateur, André Malraux, elle a cependant connu des changements dont le plus récent est le « grand oral » que doivent passer les réalisateurs candidats.

Temps de lecture : 2 min

Par un joli hasard, pour les 55 ans de l'avance sur recettes, parmi les 3000 films qui en ont bénéficié depuis sa création, le Centre National du Cinéma en a compté 55 ayant reçu un prix au festival de Cannes, dont des monuments comme Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, Le tambour de Volker Schlöndorff, Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat, Entre les murs de Laurent Cantet, ou enfin Amour de Michael Haneke, pour ne citer que les Palmes d'or. À l'origine de cette aide sélective à la production résidait une volonté politique, portée par André Malraux, afin de favoriser le renouvellement de la création. Et si depuis sa naissance, le reproche le plus courant fait à l'avance sur recettes est qu'elle soutient des films qui ne rencontrent pas le public, n’oublions pas qu’elle a justement été créée à destination d’un cinéma indépendant et audacieux, au regard des normes du marché. Par ailleurs, quasiment chaque année, un succès public est là pour démentir ce reproche, comme Joyeux Noël, Azur et Asmar, Amour, Les combattants ou encore Timbuktu... Et comme son nom l'indique, l'avance sur recettes est remboursable par les producteurs au CNC : ainsi elle l'a été entièrement pour Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois en 2011.

Diriger l'avance sur recettes est une mission chronophage, comme l'avoue Serge Toubiana, l'actuel président, qui depuis un an ne lit plus de romans mais uniquement des scénarios. Le CNC reçoit environ 700 demandes par an pour une cinquantaine d'avances attribuées. Des premiers lecteurs réunis en sous-commissions réalisent une pré-sélection, puis les neuf membres de l'avance sur recettes débattent en séance dite plénière d'une quinzaine de projets par session. Les premiers films ont leur propre collège, quelque peu protégés par rapport à la concurrence de leurs aînés. C'est d'ailleurs pour ces premiers films (premier collège) qu'a été mis en place voici trois ans un système d'audition des réalisateurs sélectionnés "en plénière", aussitôt étendu pour tous les autres films (second collège).
 Les réalisateurs jouent leur sort en quinze minutes  

Ces auditions devant les membres de la commission génèrent souvent un trac immense pour les réalisateurs, qui jouent leur sort en quinze minutes : répétitions avec leur producteur, nuits blanches avant la date fatidique, longue marche autour des locaux du CNC pour oublier le stress en attendant leur tour, l'expérience est de l'avis général éprouvante. Et elle est valable pour tous. Ainsi Alain Resnais s'est déplacé deux fois pour obtenir finalement l'avance pour son dernier film Aimer boire et chanter.

Selon Marie Masmonteil, la vice-présidente de l'avance sur recettes (second collège), "pendant cette audition le scénario est véritablement au cœur des questions posées au réalisateur, avec qui l’on parle surtout de mise en scène mais aussi de l'équilibre du projet". La présence de leur producteur à leurs côtés leur permet de se sentir moins seuls. Certains peuvent revenir jusqu'à trois fois avant de l'obtenir comme récemment Renaud Fély pour son deuxième film, un projet sur saint François d'Assise. Car l’avance sur recettes représente un pilier financier pour nombre de films d’auteurs : son montant maximal a même grimpé voici quelques années pour être porté à 700 000 euros, même si la moyenne des attributions est de 400 000 euros au second collège. Son apport n’est d’ailleurs pas uniquement financier : un accord de l’avance sur recettes peut déclencher celui d’autres partenaires en donnant une forte crédibilité artistique au projet. Si elle n’existait pas, il faudrait certainement l’inventer !
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Crédit photo
Gilles Klein / Flickr

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