Cinéma et jeu vidéo : secteurs voisins, langage commun ?

Cinéma et jeu vidéo : secteurs voisins, langage commun ?

Secteurs profondément entremêlés, jeu vidéo et cinéma ont en commun un certain vocabulaire. Détour par les mots pour éclairer les relations de ces deux composantes majeures des industries culturelles.
Temps de lecture : 14 min

Cinéma et jeux vidéo. Pour certains c’est « du pareil au même », pour d’autres ces deux domaines n’ont « rien à voir ». Pourtant, force est de reconnaître que du dispositif technique au modèle économique, en passant par les étapes de production, les relations tissées entre jeu vidéo et cinéma se déclinent sur de nombreux plans. Alors pour mieux comprendre pourquoi et comment ils sont associés ou comparés, il est temps de (re)découvrir leurs points communs et leurs divergences. « Interface », « caméra », « animation » … les « mots » du jeu vidéo et du cinéma vous semblent familiers ? Ils recèlent pourtant bien des surprises…

Convergence média

Pour expliquer les rapprochements entre jeu vidéo et cinéma nous pouvons tout d’abord évoquer la notion de « convergence », commune aux deux domaines sous certains aspects. Phénomène complexe lié au développement des « médias », la « convergence média », « convergence des médias », « convergence médiatique » ou « convergence numérique » est considérée comme l’un des facteurs de la crise profonde qui touche actuellement la définition des rapports entre supports et contenus, et qui concerne à la fois jeu vidéo et cinéma.
 
De manière synthétique, on peut dire que la convergence c’est à la fois un contexte idéologique et technique qui offre la possibilité de consulter « un contenu média en dehors de son support média d’origine » et la mise en œuvre de cette possibilité. Dit autrement, la convergence c’est ce qui s’apparente à la déclinaison d’un « contenu média » (texte, image, son, et image animée) sur différents « supports médias »(1) et à la diffusion via un même « support média » de plusieurs types de « contenus médias », la définition allant jusqu’à englober les conditions mêmes de ces opérations.
 
On peut donc parler de convergence à propos du jeu vidéo et du cinéma, mais dans un cas de figure bien spécifique : si on les considère comme des « médias », et plus précisément comme deux « dispositifs médias ». C’est à ce titre qu’ils peuvent être comparables et substituables, en tant que dispositifs au sein desquels des « contenus médias » (jeux et films) sont diffusés sans relation de dépendance ou d’exclusivité par des « supports médias » (consoles de jeu et salles de cinéma).
 
Deux éléments entretiennent la confusion pour le grand public comme pour les professionnels dans toute tentative de comparaison entre les deux domaines. D’une part, l’omission fréquente par les locuteurs qui ont recours à ces comparaisons qu’il s’agit d’envisager jeu vidéo et cinéma en tant que « médias » (or ils peuvent être envisagés de bien d’autres manières comme nous allons le voir par la suite). D’autre part, la complexité vient de la surexploitation du terme « média ». En effet, l’emploi du même terme comme raccourci pour désigner indifféremment support et contenu stigmatise un déficit terminologique qui s’avère relativement problématique, puisqu’il finit par provoquer des problèmes de communication, voire un « appauvrissement » de la langue.
 
De la même manière, on peut noter que l’expression « convergence média » est également très employée, en particulier dans le domaine du marketing dès la fin des années 1990, sans être véritablement définie. Elle ne fera l’objet de travaux critiques que très récemment (en France du moins), avec par exemple La culture de la convergence de Henry Jenkins, publié en 2013 (2006 pour la version originale américaine).
 
C’est donc a posteriori que l’on a pu parler de l’avènement de la « convergence média », qui, bien qu’elle ne porte pas encore ce nom, a peut être identifiée dès la fin des années 1950 sous deux aspects notables qui vont nous intéresser ici.

Interface

À la fin des années 1950 les films de cinéma commencent à être diffusés à la télévision (2). Le dispositif de la salle de cinéma perd dès lors son monopole, ce qui engendrera une baisse de la fréquentation, et la mise en place de mesures spécifiques en France pour enrayer cette crise(3). La migration des contenus cinématographiques vers la télévision annonce l’ère des « terminaux interconnectables » et des contenus qui « peuvent circuler de l’un à l’autre »(4).
 
Le jeu vidéo OxoAu même moment, au sein des laboratoires de recherche en mathématiques et en électronique (l’informatique n’existera en tant que discipline qu’à partir des années 1960) se développent des alternatives en terme d’interface graphique. Aux imprimantes et aux « roues totalisatrices » succèdent les oscilloscopes et les panneaux de diodes, qui, connectés à l’EDSAC et au Donner model 30 permettent la démonstration de programmes de jeu comme Tennis for two et OXO, annonçant in fine un essor des « interfaces hommes machines (5)».
 
Le tube cathodique viendra ensuite consacrer l’avènement du jeu vidéo, d’abord en équipant les moniteurs des ordinateurs, mais surtout les bornes d’arcades et les postes de télévision auxquels les consoles de jeux viendront se greffer à partir de 1972, l’année de sortie de la première « console de salon » : l’Odyssey.
 
Les écrans des postes de télévision sont donc historiquement la première zone de « cohabitation » entre jeu vidéo et cinéma. Mais si le fait de pouvoir indifféremment jouer ou regarder un film avec le même équipement comporte des avantages, cela a également de quoi troubler les utilisateurs. En effet, quand pratique, fonction et matériel se trouvent dissociés, les mots viennent à manquer pour parler du « monde de la vie ». Il faut alors trouver des solutions d’appoint pour pallier à cette pénurie. C’est ainsi par exemple que l’emploi du terme « écran » s’est répandu, désignant indifféremment des dispositifs, qui, bien que distincts lors de leur conception, peuvent à présent se substituer en terme d’usage.
 
Jeu vidéo et cinéma sont donc ostensiblement réunis par l’écran de télévision, et y deviennent concurrents à hauteur de la durée que leur accorde le public sur son temps de loisir. Bien entendu, il faut rappeler que le poste de télévision reste pour le premier comme pour le second un mode de diffusion parmi d’autres : la pratique du jeu comme le visionnage de film poursuivirent leur développement sur d’autres terrains, qui du côté des consoles portables, qui du côté de la salle. Jeu vidéo et cinéma possèdent donc des interfaces communes, et des interfaces propres, qui permettent au public de « communiquer » avec le dispositif. On parlera alors d’ « interaction » homme machine. Mais là encore n’est-ce pas un faux ami ? Le sens qu’on attache au mot « interaction » ne diffère-t-il pas selon que l’on parle de jeu vidéo ou de cinéma ?

Interaction

« L’interaction », au sens d’« action réciproque de deux ou plusieurs objets » connaît des déclinaisons aussi bien cinématographiques que vidéoludiques. En phase de production, la définition en est d’ailleurs très similaire, si l’on prend le cas des preview et du betatesting. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de faire tester une version d’un produit à un panel, un segment du public, et de bénéficier de son retour pour effectuer des modifications. L’interaction avec le public est alors envisagée comme une étape dans la stratégie marketing, affectant le produit final, film ou jeu.
 
Si l’on regarde maintenant plus spécifiquement la question de l’interaction en terme de processus impliquant des périphériques d’entrée et de sortie, visant à créer une boucle de rétroaction et à instaurer un dialogue avec la machine, la question des interfaces se pose-t-elle différemment ?
À première vue, il semble que oui.  Dans le cas du jeu vidéo, l’interaction est manifeste et matérialisée, elle est intégrée au principe de jeu. Pour qu’il y ait jeu, il faut qu’il y ait interaction entre le joueur et le dispositif. Une projection de film par contre n’est pas soumise à cette règle. Certes le film suscite des réactions de la part du public, mais il n’y a pas de rétroaction durant la séance.
 
Diverses expériences ont bien été menées à partir du cinéma, pour y amener de l’interaction, d’abord par Maurice Lemaître et ses confrères lettristes(6), par des chercheurs isolés comme Raduz Cincerova(7) et par des artistes contemporains, comme Anthony McCall  et ses films de lumière solide ou Guy Sherwin.
 
On peut également citer certains projets proposés dans des parcs à thème tels que le Futuroscope(8) ou lors d’évènement comme Pocket Films Festival (en particulier le projet E1000  présenté en 2008). Qualifiés de « cinéma interactif », ils se situent à la frontière du jeu et du cinéma et contribuent à la fois à donner un aperçu des interactions possibles entre les domaines, mais également à mieux définir leurs limites. En définitive ces différents exemples empruntent à la fois au cinéma et au jeu vidéo … sans en être(9).

Commandes

Par nature le cinéma, c’est-à-dire la diffusion de longs-métrages en salle, n’est pas interactif. C’est donc du côté de la diffusion des films à la télévision que des transformations vont s’opérer. La télévision, en mettant les films à la portée du public, en les faisant quitter l’espace public pour l’espace privé, va permettre de modifier le rapport au film.
 
D’une part, lors d’une diffusion de film dans son salon, le spectateur se trouve délivré de la présence du public et de l’opérateur. Maintenant, c’est bien lui qui est aux commandes. Et bien que la nécessité d’interagir régulièrement et rapidement avec le poste de télévision n’ait pas été concomitante des premiers essais (nonobstant les quelques réglages disponibles pour améliorer la qualité du signal), elle s’est rapidement faite ressentir à plusieurs niveaux. Tout d’abord l’augmentation de l’offre – et donc la possibilité de choisir son programme – a permis l’essor de la relation homme-film, et ce grâce à la télécommande. L’arrivée de la publicité en 1968 a encore renforcé l’usage de cet outil, permettant à l’utilisateur de changer de chaîne ou de baisser le son en cas de désaccord avec le principe de la réclame. Muni de son boîtier, préfigurant les manettes de jeu, le téléspectateur est entré dans la culture de l’interaction.
 
D’autre part, la commercialisation du magnétoscope au début des années 1970 viendra consacrer le pouvoir du téléspectateur sur le film, puisqu’il donne la possibilité d’enregistrer, de faire une avance rapide ou de revenir en arrière, de faire une pause sur une image. Même si c’est de façon sommaire, le spectateur peut maintenant modifier le montage et vivre une expérience différente de celle de la salle.

Supports

Le développement du DVD poursuivra cette même voie, permettant d’élargir les limites du film, puisque, autour du titre initial, le principe sera de proposer un choix de langues, de sous-titres, d’angles de vue de l’action, de commentaires, et des bonus tels que « des interviews du réalisateur et des acteurs, le scénario, des photos ou un petit film du tournage lui-même (le making of), voire un échantillon du matériel de promotion (affiches, bande-annonce). Parfois, le film s'accompagne d'un bêtisier, de scènes éliminées au montage, notamment des fins différentes de celle retenue pour la version « officielle » » . Et pour renforcer les analogies, rappelons que le support choisi pour diffuser les films sous leurs versions numérisées, le « disque vidéo numérique » ou « disque numérique à usage varié », issu du CD-ROM, remplacera également les cartouches de jeu à partir du milieu des années 1990.
 
Avec le DVD, le film devient le point central d’un univers dans lequel le spectateur peut naviguer. Cette structure ne vous rappelle-t-elle pas quelque chose ?

Narration

L’ « univers », un terme là encore bien général pour désigner la fiction narrative sous sa définition la plus large. Intéressons nous maintenant de plus près à ce nouveau point de comparaison entre jeu vidéo et cinéma, qu’on serait tenter de traduire par « récit ».
 
S’il est indéniable que les jeux vidéo s’offrent aux joueurs sous une forme narrative, peut-on pour autant appeler celle-ci récit, comme c’est le cas pour le cinéma narratif ? Dans le cadre du retour d’expérience que peut faire le public, il y a bien récit lorsque joueurs et spectateurs relatent le déroulement d’une partie ou d’une séance. Toutefois, on peut légitimement questionner l’utilisation du terme « récit » dans le domaine vidéoludique, si l’on admet qu’il désigne à la fois une suite organisée d’évènements et le discours qui la relate. En effet, s’il y a bien une suite d’évènements, celle-ci peut différer lors de chaque phase de jeu, le nombre d’évènements peut varier, ainsi que leur ordre d’apparition. Le principe du jeu, c’est d’ailleurs que cette indétermination quant à la série d’évènements soit en quelque sorte « prévue » lors des étapes d’élaboration du projet, en amont, lors de la phase de production. Pour déterminer si le terme « récit » est d’actualité dans le domaine vidéoludique, il nous faut donc nous pencher sur la forme donnée au récit en tant que discours, sa « transcription ».

Scénario

De la production à la post-production, le texte revêt aussi bien pour le jeu vidéo que pour le cinéma une importance capitale, sans lequel le récit ne peut exister. Toutefois, la différence majeure entre cinéma et jeu vidéo se situe dans l’impossibilité pour le domaine vidéoludique de retranscrire le récit sous sa forme aristotélicienne, c'est-à-dire comme  une suite d’évènements qui se déroulent de manière linéaire, et comprennent un début, un milieu et une fin.
 
Le film, en tant qu’œuvre respectant une durée définie, suit un déroulement temporel linéaire de l’acte narratif. Le scénario partage avec le film cette qualité de continuité narrative définie, et fourni un format alternatif au film en termes de récit. Mais le principe du jeu repose lui sur le modèle de l’arborescence. La linéarité n’intervient que par l’actualisation d’évènements potentiels, lors d’une partie. Alors, existe-t-il un équivalent au scénario de film, mais avec une application vidéoludique ? Cela semble évident, mais ce qui l’est moins, c’est la forme que peut prendre un tel document.
 
En premier lieu, comme outil commun au jeu vidéo et au cinéma, adjuvant du scénario, on peut citer la « bible ». Ce document de travail utilisé en phase de production est le fil conducteur du travail, qui récapitule et identifie les points clé du projet. À cette bible s’ajoutent dans le cas du jeu un ou plusieurs documents où se trouve décrit le « champ d’action du joueur ». Notion subjective, synthétisée par le terme « gameplay », il s’agit de cette « partie indéfinie de contenu, qui laisse place à l’expression de l’utilisateur »(10). Elle résulte de deux éléments : la structure et les règles à respecter d’un part, la liberté d’action au sein de ces règles d’autre part. Le « gameplay » c’est donc l’application dans le champ narratif du principe de l’algorithme : « un système qui se caractérise par un ensemble de règles préétablies, et la possibilité d’y introduire des variables. »(11)
 
À l’aide de la bible et des documents où se trouve consigné le « gameplay », le gamedesigner va ainsi pouvoir, tel un « architecte de la narration »(12), définir les niveaux de jeu (équivalents des chapitres), leur nombre, leur objet et leur durée minimum.
 
Récit vidéoludique et récit cinématographique sont donc bien deux formes singulières, pour lesquels des outils spécifiques ont été développés. Si le terme scénario est parfois utilisé pour le jeu vidéo, on voit qu’il n’est en réalité pas approprié, puisque le récit vidéoludique a ceci de spécifique qu’il intègre le joueur comme une de ses variables, comme élément indissociable de la narration.

Caméra

Du côté de la production toujours, et de la mise en scène du récit, voyons maintenant le cas de la caméra. Le terme « caméra » dans le domaine du cinéma désigne historiquement le dispositif qui permet l’enregistrement des images, l’« appareil de prise de vues ». Prise en main par les opérateurs et les techniciens de l’image, elle a permis la réalisation d’effets visuels spécifiques. De là, par abus de langage, les résultats obtenus sont rapidement devenus des « effets de caméra ». Il s’est donc opéré un glissement sémantique entre l’outil et l’effet qui a eu des conséquences directes sur la terminologie du jeu vidéo et plus généralement des techniques d’animation des images.
 
Dès les débuts du cinéma, la caméra avait déjà révolutionné l’appréhension de l’espace scénique en proposant de libérer le regard des contraintes spatio-temporelles, rendant le quatrième mur  mobile. Dès lors, le point de vue du spectateur profite de la mobilité de la caméra, se fond en lui.
 
Mais il s’agit bien entendu d’une illusion puisqu’en réalité le quatrième mur est toujours présent, renvoyant au temps de la captation, à l’instance de production. Tout le jeu de la technique du cinéma a donc été de garantir cette illusion, en préservant le regard du spectateur du moindre signe manifeste de la présence matérielle de la caméra et des « coulisses » de la production. De Citizen Kane (1941) à Taxi Driver (1976), des stratagèmes ont par exemple été inventés pour pouvoir filmer les scènes de miroir. Pour qu’il y ait immersion fictionnelle, bonnettes, câbles, techniciens et jusqu’à l’ombre de la caméra sont interdits de séjour dans l’image. Le jeu vidéo, à l’instar du cinéma d’animation, s’est donc trouvé doté d’une liberté de mouvement inédite, permettant au joueur de faire « le tour » de l’image sans jamais rencontrer le « hors-champ »(13). Si la caméra est présente, c’est comme dit précédemment en termes d’effets. Du zoom au choix « d’angles de vue » (et non plus de « prise de vue »), l’une des tendances du jeu vidéo a été d’offrir au joueur sa revanche sur les contraintes cinématographiques.

Animation

Le cadrage vidéoludique emprunte donc à toute la tradition des arts visuels et plus particulièrement au cinéma. La réciproque, l’influence du jeu vidéo sur le cinéma, existe également, mais est elle surtout à chercher du côté du défilement des images. Le scrolling est par exemple un effet obtenu par le déplacement d'un calque de décors dans un jeu vidéo en deux dimensions. Le scrolling, qui peut se trouver sous trois formes, horizontal, vertical, ou multidirectionnel consiste à découper l’image en plans, et à faire défiler ces « tranches » d’images, à des vitesses différentes. Cela permet de donner une « impression de profondeur à travers des portions de décors défilant à vitesse légèrement variable ». On parlera alors de perspective de mouvement.
 
Certes, cette technique emprunte en réalité au cinéma d’animation, mais le jeu vidéo se l’est réapproprié, et on a pu parler d’un « effet scrolling », à son tour remprunté et interprété par le cinéma, entre autre dans le film Avalon de Mamoru Oshii (2001), en particulier dans la séquence d’ouverture où les nuages générés par les explosions se figent en une succession de couches de pixels, et sont montrées comme des strates séparées par du vide, indépendantes les unes des autres.
 
Le jeu vidéo a également exploité d’autres effets de caméra, comme l’effet travelling. Généralement latéral dans les jeux de plate forme, ou travelling avant dans les jeux de tir, l’effet travelling, rendant l’impression de la progression de l’avatar dans le décor, peut parfois être vertical (notamment dans le jeu Defender de 1980, première occurrence du scrolling), et dans les premiers jeux de la licence Zelda, (de 1986 à 1989). Cette technique qui transforme une partie de jeu en plan séquence mettant en scène l’avatar au centre du cadre devint rapidement une figure de style à part entière, et fut réinterprétée par le cinéma dans des films tels que Elephant (2003) ou Old Boy (2003).

Industrie

Citons enfin les cinématiques, ces séquences majoritairement « non jouables » qui ponctuent certains jeux vidéo, intervenant entre deux niveaux pour faire un lien narratif, justifiant un changement de décor ou notifiant l’existence de nouveaux évènements. Véritable intrusion du cinéma dans le jeu, ces séquences ont permis le rapprochement des deux domaines en faisant appel à des techniques communes. Les studios d’animation ont alors pu entamer la mutualisation des moyens de production pour produire des images de synthèse. Jeu vidéo et cinéma deviennent dans ce cas là des champs d’application pour les professionnels formés aux métiers de l’animation 3D .
 
Bryce 3D ProgramC’est ce type de rapprochements, touchant à la fois à la technique, au modèle économique et de facto à une certaine idéologie qui a surtout fait l’objet d’analyses, notamment celle d’Alexis Blanchet dans son ouvrage de référence Des Pixels à Hollywood (2010) ou dans son article « Adaptation des films de cinéma en jeux vidéo : une analyse statistique ».
 
 


Industries de prototypes produisant des oeuvres collectives, soumises au jeu des licences, jeu vidéo et cinéma ont mis en commun des savoirs faire, des techniques de production (studios, logiciels…) et de diffusion (les « écrans »), ainsi qu’une classification par genre (aventure, combat…) pour un public qu’on sait à présent capable de cumuler les appétences. Des techniques de narration aux effets visuels, du clin d’œil au réemploi sauvage, les figures de styles circulent également entre les deux domaines. Mais s’il est indéniable qu’ils profitent chacun de ces références, on peut toutefois regretter le relatif anarchisme lexical qui jette le trouble sur la paternité des innovations réalisées. Un véritable travail autour du lexique est maintenant nécessaire pour pouvoir comparer ce qui est comparable et mieux appréhender les limites de ces « univers », procurant des expériences que leurs publics, bien qu’ils manquent de mots pour le dire, ne sauraient confondre.


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Crédit photo :
- visuel principal : Bryce 3D program / G.E Mont
- Le jeu Oxo / Wikimedia Commons
- Red Orchestra / Game Informer

(1)

Supports papier pour la presse et terminaux de réseaux (salles de cinéma, télévision, téléphone, internet). Et parmi les éléments ajoutant encore à la confusion, rappelons que le terme média peut également désigner les acteurs économiques du secteur (« les grands médias ») dont les activités touchent à divers supports médias et contenus médias (!). 

(2)

Annexe 5 de La diffusion des films à la télévision en 2012, publié le 02/10/2013 sur le site du CNC au format pdf et le document Statistiques de la radiodiffusion et de la télévision : http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001359/135951fb.pdf 

(4)

Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER, Révolution numérique et industries culturelles, La Découverte, Paris, 2005. p18. 

(6)

Des œuvres comme Le film est déjà commencé intègrent la participation de figurants et du public à la projection envisagée dans son caractère d’évènement. Voir à ce sujet « Le lettrisme », par Fabien Danesi, dans le Dictionnaire de la pensée du cinéma, sous la direction d’Antoine de Baecque, p 397-398. 

(7)

Raduz Cincera proposera le Kineautomat en 1957 http://www.kinoautomat.cz/

(8)

Par exemple l’attraction l’Aquascope, ouvert de 1994 à 2002. 

(9)

À ce sujet voir par exemple Raymond Bellour, La Querelle des dispositifs, P.O.L., 2012. 

(10)

Sébastien Genvo (dir.), Le Game Design de jeux vidéo. Approches de l’expression vidéoludique, L’Harmattan, 2005. 

(11)

Julien Favre, «  Fiction interactive : quels formats? », Les Nouveaux Dossiers de l'Audiovisuel, Quels contenus pour Internet ? Numéro 92, juillet-août 2000. 

(12)

La notion de « narrative architect » fut proposée par Henry Jenkins dans son article « Game design as narrative architecture », paru dans l’ouvrage de Noah WARDRIP et Pat HARRIGAN (dir.) First Person : New Media as Story, Performance, Game, MIT Press 2004. Voir la traduction française est disponible en ligne : http://arcade-expo.fr/?page_id=206

(13)

Différentes définitions du hors champ sont proposées dans des ouvrages tels que : Jacques AUMONT et Michel MARIE, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, Armand Colin cinéma, 2005 ; André GARDIES et Jean BESSALEL, 200 mots clés de la théorie du cinéma, Cerf, 1992 ; Antoine de BAECQUE (dir), Dictionnaire de la pensée du cinéma, PUF, 2012. 

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