Capture d'écran des Anges de la téléréalité.

Un épisode de la saison 9 des Anges de la téléréalité, l'émission de téléréalité la plus diffusée de la dernière décennie. 

© Crédits photo : Capture d'écran YouTube.

Depuis Loft Story, les codes de la téléréalité ont conquis la télévision

Volume de diffusion, assouplissement des situations d’enfermement, jeunesse du public, essaimage de certains codes dans d’autres programmes ou exportation de productions françaises : La Revue des médias revient pour vous sur les principaux enseignements de l’étude du CSA sur l’influence et les évolutions de la téléréalité entre 2010 et 2019.

Temps de lecture : 5 min

Il y a 20 ans, les émissions de téléréalité faisaient leur apparition en France. En 2001, Aventures sur le net (TF6), Loft Story (M6), Koh-Lanta (TF1), Popstars (M6), la Star Academy (TF1) et d’autres investissaient nos petits écrans. Si ses aspects voyeuristes et sulfureux lui ont d’abord donné des connotations négatives, la téléréalité a su s’inscrire dans la durée. À l’occasion de cet anniversaire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a analysé les évolutions et influences de la téléréalité entre 2010 et fin 2019. En voici cinq enseignements.

La télévision française compte plus de « téléréalité » (au sens large) que d’information 

En 2019, les émissions de téléréalité au sens large — soit les programmes de « vie collective » et ceux qui en reprennent le « mode narratif » (avec des retours face caméra comme les concours de talents, émissions de coaching, dynasty shows...) — ont cumulé 11 700 heures de diffusion, dépassant de 4 000 heures le volume horaire des programmes d’information (7 500 heures) à la télévision (hors chaînes info). La téléréalité distance par ailleurs de 7 000 heures les programmes de cinéma et de 10 000 heures ceux du sport. 

Volume horaire des différents genre de programmes TV
Les programmes qui reprennent les codes de la téléréalité ont représenté un volume horaire plus important que les programmes d'information en 2019. Crédits : « La téléréalité a 20 ans : évolution et influence », Conseil supérieur de l'audiovisuel, 29 janvier 2021. 

En dix ans, la diffusion de téléréalité de « vie collective » et des programmes satellites destinés à promouvoir ou commenter les scènes du programmes principal, a presque triplé en volume (+ 262 %). L’année 2017 constitue un pic notable avec près de 3 000 heures, dont plusieurs occupées par des épisodes en rediffusion.

La diffusion de ce format est toutefois très concentrée sur trois chaînes privées de la TNT, qui ont fait de la téléréalité un axe majeur de leur programmation : NRJ 12 (Les Anges de la téléréalité, La Maison du bluff), TFX (Secret Story, La Villa des coeurs brisés) et W9 (Les Marseillais, Les Ch’tis). Entre 2010 et 2019, ces trois chaînes ont diffusé 86 % des programmes de téléréalité de « vie collective ».

De la téléréalité d’enfermement à la téléréalité de « vie collective »

Onze participants enfermés dans une maison dite « de rêve » pendant plus de deux mois et un concept a priori simple : filmer (24/24h) et diffuser la vie quotidienne d’anonymes placés dans une situation artificielle. Tel était le principe du Loft, la plus marquante des premières téléréalités diffusées en France (sur M6), à partir d'avril 2001. « La pratique de l’enfermement des participants a cependant rapidement disparu », indique le rapport. Le CSA avance plusieurs raisons à cela, comme l’ennui que pouvaient susciter de longs épisodes parfois monotones ou des relations qui se dégradent entre la production et les candidats, « de plus en plus conscients des ressorts internes du programme ».

Si ces nouvelles émissions reposent encore sur une cohabitation de plusieurs jours ou semaines, les candidats ont, cette fois-ci, des objectifs : remporter des épreuves, percer dans le domaine professionnel ou faire des rencontres amoureuses. Ils peuvent conserver leur téléphone ou garder contact avec leur proches. Cette évolution vers une situation de « vie collective » assouplie s’accompagne d’un dispositif de captation allégé. Les caméras fixes sont remplacées par des équipes mobiles, suivant les participants en mode reportage. 

Les codes de la téléréalité se sont étendus à d’autres programmes

En même temps que la téléréalité s’est banalisée, certains de ses codes ont essaimé dans  d’autres programmes relevant du divertissement mais aussi du magazine, du documentaire ou de la fiction. Le retour face caméra, aussi nommé « interviews narratives », est sans doute le plus répandu. À l’image du « confessional » de Loft Story, l’objectif est de recueillir, à chaud, les émotions des participants. Avec l’arrivée de la téléréalité, ce genre narratif s’impose à des programmes qui, avant 2000, faisaient plutôt appel à des commentaires hors-champ.

Plusieurs chaînes nationales gratuites s’inspirent aujourd’hui de ces « interviews narratives » allant des concours (L’école des stars sur C8, Prodiges sur France 2 ou Masterchef sur TFX), aux programmes de rencontres amoureuses (L’amour est dans le pré sur M6) en passant par les jeux d’aventures (Rendez-vous en terre inconnue sur France 2). 

Un public plus jeune que la moyenne

Les émissions de téléréalité se distinguent aussi par la jeunesse de leur public. En 2019, la moitié des téléspectateurs des Marseillais, des Anges de la téléréalité et de La Bataille des Couples (TFX) avait moins de 35 ans, alors que ce public ne représente que 18 % de l’audience globale de la télévision, indique le rapport. La tranche 15-18 ans ne représentait en 2016 que 4 % des téléspectateurs mais 11 % du public de Secret Story et 19 % de celui des Anges 8 : les retrouvailles, relève le CSA.

La téléréalité suscite, en plus, une intense conversation numérique sur les réseaux sociaux, entraînant un « cercle vertueux » qui ramène le public devant le poste : une manière de contrer la concurrence des plateformes.  La téléréalité a d'ailleurs été conçue, dès ses débuts, comme un feuilleton transmédia.

La téléréalité française s’exporte 

La France n’est pas pionnière dans le lancement de la téléréalité, les premiers programmes diffusés sont donc issus de formats étrangers qui s’adaptent à la culture télévisuelle locale. Ainsi, Loft Story ou Secret Story sont des adaptations du néerlandais Big Brother, L’amour est dans le pré est inspiré de l’anglais Farmer Wants a Wife et l’Île de la tentation de l'états-unien Temptation Island. « L’adaptation de formats déjà testés à l’international permet de réduire les aléas d’audience », indique le CSA. 

Mais depuis quelques années, les producteurs français ont créé leurs propres concepts et Les Anges de la téléréalité ou Les Marseillais sont des créations exportables, affirme le CSA. Antoine Henriquet, fondateur de Ah ! Production, nous confirme : « La Grèce est en train d’adapter La Bataille des couples et les Pays-Bas, la Belgique, la Suède et le Danemark ont mis des options sur La Villa des cœurs brisés. »

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