Une telle organisation nécessite de mobiliser un très grand nombre de modérateurs professionnels. La société Netino possède plusieurs centaines de modérateurs répartis entre la France, l’Amérique Latine, le Québec et surtout à Madagascar.
Si les sites d’information externalisent, les sociétés qui s’en chargent procèdent elles aussi à une forme d’externalisation, plus connue sous le nom de « délocalisation »… Jérémie Mani, président de Netino, justifie ce choix par deux arguments. Le premier est économique. Bien que payés au-dessus du salaire minimum, les modérateurs étrangers sont bien moins rémunérés que les modérateurs français. Toutefois, l’intérêt de délocaliser la modération ne s’arrête pas là.
Tout d’abord, modérer s’avère être une activité particulièrement laborieuse et le modérateur étranger va posséder « le recul nécessaire, l’absence de jugement » face une actualité qui, bien souvent, ne le concerne pas. La logique des sociétés de modération est très proche de celle des centres d’appels. Il s’agit de faire travailler à bas coût des gens qui ne voient « aucun inconvénient à effectuer ce travail répétitif ». Toutefois, un modérateur français est remplacé par « 3 ou 4 modérateurs malgaches » précise Jérémie Mani. Il faut donc un certain temps pour former et encadrer ces équipes qui travaillent depuis chez eux ou dans des locaux de 250 m
2. Les modérateurs étrangers sont souvent d’anciens journalistes que le secteur de la presse a poussés vers le chômage et qui sont « très fiers »
de travailler pour
« de grands médias français
».
D’un point de vue qualitatif, les sociétés de modération attachent une grande importance à la formation de ces modérateurs. Les périodes de formation s’enchaînent et le travail des nouveaux recrutés est surveillé de près par des cadres-formateurs. Beaucoup de modérateurs étrangers commencent par modérer « à blanc » (c’est à dire des contenus déjà traités par d’autres professionnels) avant de se lancer définitivement. Rapidement, ils connaissent les sujets d’actualité, s’imprègnent des débats qui animent les lecteurs français et identifient les commentateurs chevronnés. Une fois véritablement intégrés, Jérémie Mani affirme qu’ils travaillent aussi efficacement,
« voire plus
», que les modérateurs français.
La seule différence entre les salariés français et les salariés étrangers est liée au temps dont dispose chaque modérateur pour traiter les commentaires. Un modérateur malgache aura plus de temps pour comprendre et contextualiser le commentaire avant de prendre sa décision. Enfin, parmi ses clients, la société Netino compte aussi des entreprises publiques telle que France Télévisions. Ces dernières font uniquement appel aux équipes françaises de Netino, soit une cinquantaine de modérateurs dont vingt-cinq en télétravail.