Grands noms et petits budgets
Les réalisateurs canadiens contemporains sont nombreux à rayonner sur les écrans nationaux et étrangers : Denis Côté (Boris sans Béatrice), François Delisle (Chorus), Denis Villeneuve (Incendies), Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole), Maxime Giroux (Felix et Meira), Denys Arcand (Les Invasions Barbares) ou Xavier Dolan (Mommy). Ils complètent le panel des auteurs devenus internationaux, comme David Cronenberg et Atom Egoyan.
Le Canada produit en effet, selon les années, entre 80 et 120 films par an (103 en 2015). Le budget moyen est bas, autour de 3,6 millions de dollars.
Les films de plus de 10 millions de dollars sont rares, passant de 9 % à 5 % en 2015. A titre de comparaison, un blockbuster américain coute en général entre 80 et 120 millions de dollars. Le marché du film canadien se rapproche en cela du marché du film français, avec un nombre faible de gros budgets. Mais la structure de production est bien plus fragile : 72 % des films canadiens ont un budget inférieur à 5 millions de dollars.
Le Québec concentre un peu plus de 50 % de la production nationale
Le Québec concentre un peu plus de 50 % de la production nationale de films, contre 30 % pour l’Ontario et 20 % pour la Colombie britannique. 1 % du volume de production est localisé dans l’Alberta, et aucun film n’est tourné dans les autres provinces !
Malgré la domination du Québec, les œuvres en langue française constituent moins d’un tiers de la production nationale (97 millions de dollars sur 350), soit une trentaine de films contre 70 longs métrages en anglais. Les films en langue française ont aussi des budgets plus bas, à 2,9 M de dollars en moyenne contre 3,5 M de dollars - écart qui s’explique par le plus grand nombre de films en anglais au budget conséquent, notamment les coproductions internationales.
Une myriade de petits producteurs maillent le tissu industriel canadien. Côté francophone, Luc Dery et Kim McRaw de MicroScope Media ont produit Denis Villeneuve et Stéphane Lafleur (Tu dors Nicole) ; Sylvain Corveil, Pascal Bascaron et Nancy Grant, de Meta films, ont financé Xavier Dolan et Denis Côté ; Marc Daigle et Bernadette Payeur (ACPAV) ont produit Sebastien Pilote (Le Démantèlement). Chez les anglophones, Atom Egoyan a été produit par Robert Lantos et Ari Lantos de Serendipity Point ; Cronenberg par Martin Katz de Prospero Pictures. Comme en France, ces petites sociétés de producteurs sortent un ou deux films par an, dans une économie assez fragile et reposant largement sur le succès en festival de leurs films pour espérer un rayonnement international.
La part de marché totale du cinéma canadien au Canada reste très faible, autour de 3 %
La production des films canadiens repose sur une économie très majoritairement soutenue par le secteur public. Pour cause, sa part de marché sur le territoire national reste faible : le cinéma national représente 10 % des recettes salle sur le marché de langue française, et moins de 2 % sur le marché de langue anglaise. La part de marché totale du cinéma canadien au Canada, majoritairement en langue anglaise, reste donc très faible (24 à 28 millions de dollars sur un total de 900 millions à 1 milliard de recettes salle, soit autour de 3 % de part de marché), malgré un parc de salles de plus de 3 000 écrans de cinéma pour une population de 35,9 millions d’habitants (soit un écran pour 11 000 personnes). L’exportation (préventes et avances de distribution) des films canadiens, quant à elle, a permis de récolter 103 millions de dollars en 2015 – plus de trois fois le box-office national !
Mommy de Xavier Dolan fait partie des plus gros succès au box-office pour un film canadien en langue française, avec près de 3 millions de dollars de recettes, tandis que Pompeii tire le box-office des films canadiens en langue anglaise. À titre de comparaison, Les Gardiens de la Galaxie (1er succès étranger en 2015) a récolté 36 millions de dollars.
La consommation de films au Canada se fait désormais en grande majorité ailleurs qu’au cinéma
Mais de fait, avec la multiplication des écrans et des canaux de diffusion, la consommation de films au Canada se fait désormais en très grande majorité ailleurs qu’au cinéma : 81 % à la maison, 16 % au cinéma et 3 % sur appareils mobiles. Or, les spectateurs consomment plus de films canadiens chez eux qu’au cinéma – au global, la part de marché du cinéma canadien est légèrement supérieure que la valeur de la salle : 4 % contre 3 %. Le marché se met à sanctionner cette dynamique en proposant de plus en plus d’œuvres directement sur les plateformes de vidéo à la demande ou en sortie simultanée (c’est le cas de Turbo Kid, par exemple, une des principales sorties nationales en 2015).