Contenus, marque, public : le credo numérique de la NPR

Contenus, marque, public : le credo numérique de la NPR

Entretien avec Zach Brand, vice-président des médias numériques de la NPR (National Public Radio), le réseau de radios publiques américaines.
Temps de lecture : 4 min

Zach Brand a rejoint la NPR en 2007 où il est en charge de la stratégie numérique de toutes les plateformes : site web, podcasts et applis mobiles. Nous l’avons rencontré à l’occasion des Rencontres Radio 2.0.


Pouvez-vous nous décrire la stratégie numérique de NPR ?

Zach Brand : Avec plaisir ! La stratégie numérique de NPR est avant tout une stratégie axée sur l'audience : comment amener les gens à écouter la radio publique aux États-Unis, comment les pousser à se tourner vers elle plus régulièrement, puis comment créer un lien plus profond avec eux. Donc, pour ce qui est du numérique, nous devons trouver les moyens de toucher le public utilisateur de plateformes numériques. Nous devons donc aller à sa rencontre là où il se trouve, et lui offrir des expériences à la hauteur de ses attentes afin de le recruter et de tisser un lien fort avec lui.
 

Considérez-vous les plateformes de streaming telles que Spotify comme des concurrents ?

Zach Brand : Absolument... Les entreprises comme Spotify, TuneIn ou même Apple représentent à la fois une opportunité et une partie de notre concurrence. Ce sont des plateformes formidables avec lesquelles nous collaborons naturellement car elles permettent à un public nouveau de découvrir NPR, mais elles peuvent également créer une désintermédiation... Elles créent une relation avec le public, le public a une relation avec elles et si le public ne comprend pas le lien avec nous, alors ce n'est pas très bénéfique. Nous devons donc nous assurer, lors de ces collaborations, que nous comprenions bien qui est le public et que le public comprenne qui nous sommes, qu'il ressente un vrai lien avec nous. Ce sont donc parfois des collaborations profitables, mais parfois nous les considérons comme nos concurrents.
 

Et comment expliquez-vous au public la différence entre ces plateformes et la NPR ?

Zach Brand : Eh bien... nous préférons toujours qu'il vienne sur l'une de nos plateformes.
Nous devons donc les rendre aussi bonnes et intéressantes que possible, mais certaines personnes utiliseront ces autres plateformes, évidemment. Donc ce que nous cherchons à faire, c'est mettre en place avec ces sociétés des collaborations où notre nom et notre identité de marque sont très visibles et qui nous donnent l'opportunité de donner à ce public un lien clair pour découvrir certaines de nos plateformes. Nous pensons que si nous mettons à disposition un très bon contenu, cela aura un écho et les gens se diront : "Ouah, ce reportage était excellent ; c'était du journalisme de qualité." Et donc si nous pouvons avoir la garantie que notre nom et nos marques sont bien distinctes et que notre public a l'opportunité d'en découvrir plus avec nous directement, alors nous jugeons que c'est pour nous une bonne voie.
 

Donc si je comprends bien, vous avez deux atouts : votre marque et votre contenu.

Zach Brand : Oui ! [N.d.T. En français dans le texte]
 
 
Utilisez-vous l’expérience utilisateur dans votre stratégie ?

Zach Brand : Tout à fait. C'est d'une importance cruciale. Si vous ne satisfaites pas les attentes du public quant au type de fonctions, mais aussi quant au caractère intuitif et à la facilité d'utilisation, alors il n'aura pas envie de fréquenter votre plateforme. Nous faisons de la radio depuis 40 ans et nous réfléchissons depuis tout ce temps sur l'esthétique et l'expérience utilisateur en radio, en déterminant quel programme doit passer après quel autre programme, mais nous n'avons eu que très peu de temps pour véritablement comprendre l'expérience utilisateur sur écran, parce la radio...
 
 
… est un autre média ?
 
Zach Brand : Mais il est tout aussi important de créer une excellente expérience utilisateur qui mette en valeur le contenu, car un très bon contenu sans expérience utilisateur n'est pas une bonne expérience pour le visiteur. Le public vit avec ces deux choses réunies : l'interface et le contenu.
 

Quelles caractéristiques du son et de la radio sont à prendre en compte pour une application ou pour un site Internet ?

Zach Brand : Nous pensons que le public numérique a un certain nombre d'attentes : il veut que les choses soient à la demande, il veut avoir la possibilité de consommer le contenu quand il le veut et non pas quand vous décidez de le publier, il veut qu'il soit personnalisé, il veut qu'on sache que... par exemple "j'aime la science, mais je n'aime pas la politique," ou "je m'intéresse particulièrement aux informations sur Paris, mais beaucoup moins aux informations sur Washington DC." Donc nous devons bâtir des plateformes et des expériences qui apportent le meilleur de la narration issue de l'histoire audio de la radio mais, également, des plateformes et des expériences où nous pouvons réunir ces fonctionnalités.
 
Les podcasts sont une version simplifiée de cela, les gens peuvent consommer des podcasts lorsqu'ils le désirent et ils peuvent avoir une expérience d'auditeur plus riche ; mais les podcasts, en eux-mêmes, sont très difficiles à découvrir. On en écoute un et puis c'est tout, il n'y a rien à la suite [contrairement au flux de la radio NDLR]. Il s'agit donc aussi de trouver comment nous pouvons créer des expériences qui aident le public à découvrir ce qu'il ne savait pas qu'il adorerait.
 

Utilisez-vous des algorithmes ou la recommandation humaine ?

Zach Brand : Oui et oui !
 
 
Les deux donc…
 
Zach Brand : Nous avons remarqué que les algorithmes sont très efficaces pour prédire lequel des deux sujets un individu préfèrera, mais un algorithme ne permet pas – Pardonnez-moi, je devrais parler d'apprentissage automatique – l'apprentissage automatique ne permet pas de préparer une expérience d'écoute de longue durée aussi bonne. Lorsque nous avons testé l'apprentissage automatique face à la recommandation humaine, la recommandation humaine était en fait supérieure.
Au cours d'un des tests, nous avons augmenté le temps d'écoute de 25 à 30 minutes : 25 minutes pour l'apprentissage automatique et 30 pour la recommandation humaine. Mais la meilleure opportunité réside dans la réunion des deux. Donc si je parle d'apprentissage automatique et pas d'algorithme, c'est que la recommandation humaine peut en fait être comme un algorithme qui fonctionne en se réajustant, cela consiste par exemple à vous raconter une histoire vraiment poignante, mais pour ensuite comprendre que nous devons vous offrir quelque chose qui vous procure une certaine libération émotionnelle parce que vous venez d'écouter quelque chose de très dur. Donc l'algorithme est peut-être quelque chose de très fort et, vous savez, comme dans un repas, n'est-ce pas ? un digestif et puis par exemple un amuse-bouche que vous connaissez...


C'est intéressant : je me demandais ce qui fonctionnait le mieux, la recommandation humaine ou l'algorithme. En fait, c'est différent...


Zach Brand : Oui, nous pensons avoir besoin des deux. Donc, sur une plateforme que nous avons conçue et qui réalise tout ceci pour nous, NPR One, la recommandation est faite par les humains. Nous avons des humains pour la recommandation quotidienne et des humains pour la recommandation de l'algorithme global décidant de l'enchaînement d'une chose à l'autre. Au sein de chaque collection, pour chaque occasion que vous avez d'entendre quelque chose, il choisit la meilleure possibilité parmi plusieurs pour vous. Donc s'il va vous raconter le sujet principal de la journée, il y a peut-être deux ou trois sujets notables, et nous regardons lequel est le plus important pour vous.

 
Il peut l'être pour une personne, mais pas pour une autre, par exemple ?

Zach Brand  Exactement.

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Crédit photo :
Didier Allard. INA

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