Morozov contribue publiquement et fréquemment aux débats autour des nouvelles technologies et on ne peut certainement pas affirmer que ses idées sont occultées par les médias. Ses contributions apparaissent régulièrement dans le New York Times, le Wall Street Journal, The Economist, Il Corriere della Sera, El País ou le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Dans son écriture, Morozov ne s’économise pas en slogans, parfois excessifs, mais certainement drôles (« C’est comme si les solutionnistes n’avaient jamais vécu une vie à eux et que tout ce qu’ils avaient appris venait des livres et que ces livres n’étaient pas des romans mais des modes d’emploi pour réfrigérateurs, machines à laver et lave-vaisselle » p. 8).
Tout en ayant été parfois critiqué pour cette médiatisation excessive, le rayonnement global de sa pensée a le mérite de problématiser l’approche de l’opinion publique sur le rôle des nouvelles technologies, et cela d’un point de vue politique en particulier. Il suffit de penser au succès de ces mouvements politiques qui souhaitaient mettre en place une sorte de démocratie directe basée sur Internet (notion qui reste assez floue), en Allemagne, en Italie ou dans les pays scandinaves (les partis Pirates ou le Movimento Cinque Stelle), mais pas seulement.
La Silicon Valley s’est lancée en politique avec un groupe de pression soutenu par Mark Zuckerberg (FWD.us) qui s’annonce assez puissant.
De ce point de vue, le fait de focaliser l’attention médiatique sur la nécessité de solutions techniques à des problèmes humains est tout sauf innocent. Larry Page, cofondateur de Google, a récemment affirmé qu’ « il y a beaucoup de choses très excitantes que l’on pourrait faire et que l’on ne peut pas faire, tout simplement parce qu’elles sont illégales ou interdites par la régulation » : Zeke Miller de
Time Magazine affirme que
le but de ces groupes de pression reste la libéralisation, c’est-à-dire l’intention de faire passer une vision du monde avec comme objectif d’enlever des contraintes législatives qui compliquent le développement économique des entreprises de l’Internet. En plusieurs circonstances, ce que les solutionnistes appellent problèmes n’en sont pas vraiment (p. 354) et l’accent mis sur des initiatives improbables (comme celle d’ « utiliser les smartphones pour mettre fin à l’abus des droits humains ») ne peut que relever de la manipulation utilisée à d’autres fins, comme par exemple la collecte de données. Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’efficacité médiatique du message de
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