Cyril Hanouna et les autres : quand la télévision dépasse les bornes
Le dernier débordement de Cyril Hanouna fait scandale. Mais, avant lui, d’autres émissions avaient choqué les téléspectateurs. Jusqu’où aller pour faire de l’audience ? Analyse.
Le dernier débordement de Cyril Hanouna fait scandale. Mais, avant lui, d’autres émissions avaient choqué les téléspectateurs. Jusqu’où aller pour faire de l’audience ? Analyse.
Tous les réseaux sociaux, relayés par les médias, bruissent quotidiennement de polémiques, d’attaques, de « tacles », dont les chaînes de télévision sont la toile de fond. Mais cela ne dépasse généralement pas ce qu’on appelle le « buzz » ou, plus précisément, le « bad buzz ». La dernière affaire Hanouna va bien au-delà de ces anecdotes ou de ces petites phrases dont se délectent les internautes. Même ceux qui ne regardent pas son émission, Touche pas à mon poste, même ceux qui affectent de ne pas regarder la télévision mais qui s’informent sur l’actualité n’ont pu éviter d’entendre parler des accusations d’homophobie qui ont été portées contre lui à la suite d’un sketch dans lequel l’animateur, après avoir passé une annonce sur le site de rencontres VivaStreet, s’est moqué des hommes qui y avaient répondu en adoptant ce qu’il pensait être la façon de parler d’un homosexuel.
Les premiers scandales télévisuels surgissent dans une société où le nombre de postes est encore assez restreint et où l’on ne sait pas encore très bien ce que doit être la télévision. Dans cet univers qui se cherche, un homme se met en tête d’explorer les ressources de l’électronique, Jean-Christophe Averty. En octobre 1963, il propose Les Raisins verts, émission de variétés caractérisée par un humour « bête et méchant », assez proche de celui du journal Hara-Kiri, qui a été interdit à l’affichage en 1961. D’ailleurs, le célèbre Professeur Choron qui en est à l’origine se prête volontiers aux fantaisies que lui propose Averty. On le voit par exemple procéder à une course de sardines à l’huile sur l’écran d’un téléviseur. D’autres sketches sont beaucoup plus méchants : cette boucherie qui ne vend que du chien, ce bénitier rempli de vraies grenouilles et dans lequel « une grenouille de bénitier » trempe sa main pour se signer et, bien sûr, le fameux bébé en celluloïd passé au hachoir. C’en est trop.
Si Les Verts Pâturages ont choqué une partie des téléspectateurs, le fait que le programme n’a entraîné aucune sanction validait au fond un droit au blasphème. En revanche, l’accusation de discrimination a eu des conséquences beaucoup plus lourdes, comme le montre un scandale qui a précédé de plus de vingt ans l’affaire Hanouna. Le 23 septembre 1995, Patrick Sébastien lance une nouvelle émission sur TF1, dont le titre est à lui seul un programme : Osons. On y voit notamment deux jeunes gens attablés à une terrasse qui se voient remettre des tee-shirts siglés Éric et René, tandis qu'une chorale vient leur chanter : « Éric et René sont très contents d'être pédés, Éric et René sont les plus folles du quartier, et pour bien nous le prouver, ils vont s'embrasser », un humoriste jouant un prêtre qui drague un enfant de chœur… et, surtout, l’animateur qui chante Casser du Noir sur l’air de la chanson de Bruel Casser la voix devant un parterre de skin-heads et de jeunes filles en tee-shirt FN. Peu après, on voit Jean-Marie Le Pen chez lui qui visionne la cassette qu’il trouve très drôle.
Les annonceurs, effrayés par le scandale, menacent de retirer leurs budgets et l’émission s’arrête le 18 novembre 1995, après trois éditionsSi les deux premiers sketches ne soulèvent aucune indignation, ce n’est pas le cas du troisième.
Si les scandales suscités par Jean-Christophe Averty tenaient à la fois à son langage télévisuel et à la mise à mal de certains tabous, ce qui se produit avec Osons est d’un autre ordre. On assiste à l’intrusion de la politique dans des émissions de divertissement, qui, a priori, semble loin de cet univers. Dans le cas que je viens de rappeler, ce qui choque le plus, c’est bien le fait que Jean-Marie Le Pen ait la parole après l’imitation de Patrick Sébastien et qu’il en profite pour justifier son discours ordinaire.
Ces animateurs qui reprochent aux politiques de beaucoup parler et de ne pas agir montrent qu’ils ne comprennent pas que les paroles sont des actesCyril Hanouna est dans le sillage du Sébastien de 1995, dont il adopte la même ligne de défense. Comme celui-ci, qui s’était défendu de tout sentiment raciste, dès le lendemain de son sketch, il a répété à l’envi qu’il n’était ni raciste ni homophobe et que toute sa vie en témoignait. Dans les deux cas, ces animateurs qui reprochent aux politiques de beaucoup parler et de ne pas agir montrent qu’ils ne comprennent pas que les paroles sont des actes. Et qu’il ne suffit pas de protester de leur bien-pensance, en affirmant qu’ils ne sont ni racistes ni homophobes pour annuler ce que disent leurs sketches. La seule façon de les juger, c’est de regarder ce qu’ils font et c’est à partir de cette observation que l’on construit leur ethos, leur façon d’être. Le tribunal qui a condamné Sébastien ne s’y est d’ailleurs pas trompé.
Il a une barbe blanche, des rennes, distribue des cadeaux chaque année… et n’existe pas. Lorsqu'arrive le mois de décembre, le Père Noël est pourtant dans tous les esprits, y compris ceux de nombreux journalistes. Qui doivent alors faire un choix.