Dailymotion : le défi des contenus
Malgré sa consonance anglo-saxonne, Dailymotion est un site français de partage de vidéos. Il s’agit à la fois d’une plateforme et d’un réseau social bien que son caractère communautaire soit de plus en plus supplanté par sa capacité à offrir une télévision de rattrapage. L’entreprise a été fondée en 2005 pour devenir le numéro 2 du marché derrière le leader YouTube appartenant à Google. Depuis, l’entreprise compte 15 millions de vidéos en stock (sans parler de son dernier partenariat avec l'Institut national de l'audiovisuel venant renforcer son catalogue) et a profité de plusieurs levées de fonds dont une toute particulière, en 2009, provenant du Fonds stratégique d'investissement (FSI). Le FSI, dont 51 % appartient à la Caisse des dépôts et consignations et 49 % à l’État, entrait ainsi pour la première fois au capital d’une entreprise numérique pour aider à son développement, notamment à l’international.
Cette ouverture au-delà du territoire national permet à Dailymotion d’investir de nouveaux marchés publicitaires grâce à l’accès à toujours plus de contenu. Pour autant, la plateforme ne s’appuie plus seulement sur les internautes qui postent des moments de vie ou des montages divers leur production n’assurant plus l’essentiel des consultations.
Peut-on alors encore parler de réseau social ? De moins en moins si l’on repose ce concept sur des individus isolés se retrouvant sur un même site pour apporter une forme de collaboration collective. « Seulement 3 % de l’audience de Dailymotion passe par la page d’accueil, quand plus de 50 % du trafic se fait sur une « page player », c’est-à-dire une page sur laquelle se trouve une seule vidéo », indique ainsi le blog
Work in progress dont les chiffres sont confirmés par
Dailymotion. Le site serait donc plus un hébergeur qu’un carrefour de fréquentations puisque ses vidéos sont consultées ailleurs. Toutefois, si l’on considère le fait qu’une grande partie des vidéos sont embarquées («
embeded ») et vues sur Facebook, on peut néanmoins admettre que Dailymotion est un partenaire du « web social ».
Mais en 2010, Dailymotion compte davantage sur du contenu à valeur ajoutée, des contenus « premium », issus de partenariats avec des professionnels de l’audiovisuel et du divertissement (chaînes de télévision ou de radios, sociétés de production, maisons de disques …). Entre ces derniers et les amateurs, il existe aussi une autre catégorie de membres : les
Motion makers des auteurs de courts métrages, de films d’animations, de documentaires, des producteurs de courtes émissions … La démocratisation du matériel audiovisuel et leur créativité leur permettent de proposer des contenus de qualité professionnelle. Le site est pour eux une vitrine et un tremplin puisque certains concepts et « web-séries » passent ainsi du Web à l’écran. Les sketchs du Palmashow d’abord diffusés sur Dailymotion le sont aussi désormais sur Direct 8 chaque soir et les portraits de parisiens anonymes signés «
Brèves de trottoir » qui a participé à renouveler le genre du documentaire en ligne, lauréat d’ailleurs du prix CNC pour les nouveaux médias, ont maintenant
leur relais sur la station régionale de France 3 Ile-de-France.
Un processus qui n’est pas nouveau puisque le média Internet avait révélé également, avant le lancement de Dailymotion, Rémi Gaillard. L’humoriste avait ensuite collaboré pour la télévision sur MCM. Ses vidéos sont aujourd’hui hébergées sur Dailymotion et six d’entres elles figurent dans le top 10 des plus vues sur la plateforme. Une de ces séquences,
un sketch où il joue au football dans la rue, est d’ailleurs la première vidéo du site avec plus de 9,7 millions consultations (et plus de 30 millions sur YouTube). « Il y a vraiment un phénomène Rémi Gaillard, commentait ainsi Marc Eychenne, responsable éditorial de Dailymotion en 2009 dans les colonnes de Libération
. Il est l’un des exemples les plus emblématiques de ces gens révélés par Internet après avoir échoué à se faire diffuser par les médias traditionnels. En plus, il fait ça depuis longtemps, le public le connaît : il a une légitimité.»