Les designers cannibalisent notre attention
Pour mieux se rendre compte à quel point notre attention est captée par la technologie, un coup d’œil aux chiffres suffit : en France, nous consultons, en moyenne, entre 26 et 47 fois par jour nos smartphones. Ce chiffre grimpe même à 82 fois par jour chez les 18-24 ans. Tristan Harris avance lui le chiffre de 150 fois par jour. Cette observation illustre l’importance des enjeux évoqués à
Ethics by design. En ouverture de la journée, Hubert Guillaud, rédacteur en chef du site
InternetActu, a dressé un tableau des enjeux que pose notre rapport à la technologie. En premier lieu, les accusations concernant les technologies de l’information et de la communication (TIC) qui nuiraient à notre vie sociale et notre ouverture au monde ont été réfutées, car plusieurs études menées à ce sujet aux
États-Unis et en
Europe ont démontré le contraire.
La surabondance de l’information a entraîné une baisse globale de l’attention.
Cependant, face au constat de notre addiction aux TIC, la responsabilité des designers des interfaces numériques existe bel et bien. Ces interfaces sont pensées pour se rendre indispensables dans notre quotidien et influencer nos choix, en s’appuyant sur les possibilités technologiques. Pour étayer la réalité de cette pression que font peser sur nous les interfaces numériques, James Williams, passé par Google avant de cofonder le label Time Well Spent avec Tristan Harris, rappelle que sur les terminaux Android, l’OS le plus répandu sur les smartphones dans le monde, 11 millions de notifications sont envoyées par jour. Selon celui qui est désormais chercheur spécialisé dans l’éthique du design, la surabondance de l’information a entraîné une baisse globale de l’attention, faisant de cette dernière une denrée rare que les entreprises, les GAFAM en premier lieu, cherchent à capter. Quant au déconnexionnisme prôné comme une solution à l’addiction, Hubert Guillaud explique qu’il s’agit là d’un moyen de rejeter la responsabilité sur les utilisateurs uniquement. Or, selon lui, notre addiction est plus un symptôme qu’une cause, car les GAFAM ont pour objectif d’optimiser nos usages, de nous faire consulter nos fils d’actualités, nous faire réagir, commenter, partager. De ce fait, ce ne serait pas tant leur rôle de se poser des questions éthiques, mais plutôt celui du législateur ou des designers eux-mêmes.