Le marché des accréditations
« Les tentatives de nous faire payer les accès sont de plus en plus nombreuses », regrette Didier Lauras, chef du Département Sports de l’AFP, « Nous sommes face à des puissances financières qui veulent maximiser la rentabilité de leurs événements ». En Inde notamment, l’agence de presse rencontre des difficultés avec les organisateurs de matchs de cricket qui veulent faire payer aux journalistes le droit de faire des commentaires live. « Dans ce cas-là, on se bat », explique-t-il. « Dès qu’un événement est public, on a le droit de le raconter ». Accéder à l’événement est indispensable pour le journaliste et, quand « on propose un tel régime de restriction et de blocage d’accès à l’information, on considère qu’on ne peut plus travailler correctement ». Un rapport de force s’installe alors et faire valoir son droit à informer dépend largement de la capacité de médiatisation des médias.
Ce fut le cas lors de
la Coupe du monde de rugby en 2007. Plusieurs agences de presse, dont l’AFP, Reuters et Associated Press, ont menacé l’organisateur de l’événement, l’International Rugby Board (IRB), de boycotter la manifestation. La raison du divorce : le contrôle des images. L’instance sportive de rugby voulait limiter à 50 le nombre de photos par match alors que l’IRB et la coalition des agences de presse s’étaient initialement entendus pour pouvoir en diffuser 6 000. L’organisateur de la Coupe du monde souhaitait pour couronner le tout avoir un droit d’utilisation gratuit et à vie sur les photos prises lors de l’événement, condition
sine qua non à l’accréditation des journalistes. Les agences ont finalement gagné leur bras de fer après un jour effectif de boycott, la puissance médiatique de celles-ci étant trop importante pour être négligée.
Tous les médias ne résistent pas autant à la pression qu’imposent certains organisateurs d’événements sportifs. Lors
des Championnats du monde de handball en 2015, Europe 1 avait ainsi cédé aux exigences de Pitch, la société en charge de la commercialisation des droits audiovisuels, et payé 25 000 euros pour avoir le droit de commenter en live les matches. Les radios françaises s’étaient pourtant entendues pour refuser toute monétisation de ce droit garanti en France. Le droit d’accès des radios aux événements sportifs pour le commentaire est effectivement garanti par
l’article 333-7 du Code du sport. Il dispose que « la cession du droit d’exploitation d’une manifestation […] ne fait pas obstacle à la réalisation et à la diffusion gratuite par tout service de radiodiffusion sonore […] du commentaire oral de cette manifestation ».
L’Union des Journalistes de Sport en France, qui s’occupe de l’accréditation des journalistes aux grands événements et de leurs bonnes conditions de travail, veille au grain pour que ces mesures soient respectées. « L’IHF [International Handball Federation, NDLR] nous a demandé de faire payer les droits radios pour les Mondiaux que la France organise en 2017 », avance le secrétaire général Alexandre Audabram, « On a bien sûr refusé au nom du droit à l’information français ». La France fait figure d’exception, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie ou encore l’Espagne payent eux des droits de retransmission radiophoniques.
Plus le sport et l’événement sont médiatisés, plus il est difficile d’obtenir des accréditations
« Obtenir des accréditations pour tous les journalistes est une négociation permanente », explique-t-il, « Les ligues et les fédérations ont besoin d’argent, mais que cela ne se fasse pas sur le dos de la liberté d’expression et de la liberté d’informer ». Plus le sport et l’événement sont médiatisés, plus il est difficile d’obtenir des accréditations. Sur 489 demandes pour l’Euro 2016, 250 journalistes dont 60 photographes ont obtenu le graal tant recherché.