Martin Vidberg

© Crédits photo : Martin Vidberg

Éduquer les jeunes aux images, un enjeu de citoyenneté

Avec Internet et les réseaux sociaux, nous sommes tous devenus des médias, producteurs et diffuseurs d’images et d’informations. Ce changement civilisationnel conduit à l’impérieuse nécessité d’une éducation aux médias et à l’information, dont l’apprentissage des images constitue un volet majeur.

Temps de lecture : 13 min

Nous n’avons jamais eu accès à autant d’images qu’aujourd’hui. Mais le changement le plus radical qui s’est opéré est la possibilité de produire, de partager et de diffuser des images et des informations en temps réel sur Internet. Cette caractéristique de notre culture contemporaine nous oblige à considérer l’éducation aux médias et à l’information comme un enjeu démocratique majeur du XXIe siècle.

La querelle des images

Pourquoi et comment éduquer aux images ? Cette question nous invite d’abord à opérer un bref détour historique pour mieux comprendre comment s’est façonné, historiquement, notre rapport aux images.

La méfiance originelle vis-à-vis des images trouve ses sources dans la philosophie platonicienne. « Depuis Platon, l’image est suspectée par les intellectuels de conduire à l’erreur en faisant croire aux esprits trop influençables qu’elle leur donne directement accès à la connaissance des choses. Le leurre, en la matière, procède entre l’objet représenté et sa représentation. L’image ne donne jamais à voir que des représentations. À ce titre, elle écarterait de la connaissance véritable des choses ». Ainsi, pour le chercheur André Gunthert, Platon peut être considéré comme le père des iconoclastes.

Avec son célèbre tableau La Trahison des images, qui représente une pipe et indique « Ceci n’est pas une pipe », le peintre surréaliste belge Magritte illustre de manière magistrale cette distinction entre l’objet et son image. En effet, la représentation n’est jamais le réel. Pour autant, l’image est une source de savoir et sa fabrication, un moteur de connaissance.

 Support et relais de nos croyances, l’image détiendrait une puissance qui, depuis toujours, fascine et effraie  

Support et relais de nos croyances, l’image détiendrait une puissance qui, depuis toujours, fascine et effraie. La relation que nous entretenons aux images a également été influencée historiquement par les tensions qui ont traversé le champ de la représentation du divin.

Entre 730 et 843, Constantinople fut le théâtre de la querelle des images (ou des icônes). Deux camps s’affrontèrent : d’un côté les iconoclastes, hostiles au culte des images du Christ, de la Vierge et des saints, qui exigèrent leur destruction avec une justification théologique : le culte des images, condamné par le texte biblique, était de l’idolâtrie. De l’autre côté, les iconodules (ceux qui se prosternent devant les images), qui défendaient cette position : Dieu ayant choisi de s’incarner, il convenait de lui donner un visage et de l’adorer. On lit dans la Genèse : « Dieu créa les humains à son image : il les créa à l’image de Dieu » (1-27). Les iconodules voyaient dans « l’image une forme sacrée qui portait en elle « la réalité secrète d’un rapport original avec le divin » et lui attribuait une valeur pédagogique et mystérique à la fois. »(1)  Le second concile de Nicée, en 787, apporta le triomphe des iconodules. Parmi les travaux fondateurs du pédagogue Coménius, la publication du premier ouvrage d’apprentissage des mots par l’image, l’Orbis Pictus (1658), s’oppose au rejet de l’image dans les collèges jésuites de la même époque.

 Nos sociétés sont plus que jamais en prise avec la surabondance, l’adoration et la guerre des images  

Une succession de révolutions techniques, religieuses et culturelles ont, depuis, transformé notre rapport aux images : de l'invention de l'imprimerie à la Renaissance, de la naissance de la photographie, du cinéma, de la télévision, de la publicité jusqu’au développement des industries culturelles et numériques. Pourtant, ces tensions entre iconoclastes et iconodules n’ont pas disparu. Nos sociétés sont plus que jamais en prise avec la surabondance, l’adoration et la guerre des images. Pour Carole Desbarats, critique et historienne du cinéma, « nous vivons dans une société dans laquelle coexistent d’un côté des iconoclastes violents qui veulent supprimer les images, et de l’autre ce qu’on pourrait appeler des iconodules, des personnes qui font des images sans arrêt, avec leur téléphone portable. La coexistence de ce flux d’images personnelles, qui sont mises sur Internet dans le même temps où elles sont faites, et d’images condamnées ou faites pour condamner d’autres images, est une particularité intéressante. »

Comment nous sommes tous devenus médias

L’industrialisation des images mais, surtout, la possibilité d’en produire et d’en diffuser en temps réel sur Internet constituent un changement majeur. De spectateurs, nous sommes devenus producteurs etdiffuseurs d’images et d’informations. Sur Internet et les réseaux sociaux, nous sommes tous des médias potentiels.

 De spectateurs, nous sommes devenus producteurs et diffuseurs d’images et d’informations. Sur Internet et les réseaux sociaux, nous sommes tous des médias potentiels 

Les réseaux sociaux offrent des espaces de visibilité qui réinventent la mise en scène du quotidien et de soi, avec le selfie notamment (le musée du selfie a ouvert ses portes en avril 2018 à Los Angeles, pour célébrer cet art de l’autoportrait numérique). Ces dispositifs nourrissent une sociabilité numérique et redéfinissent la frontière entre sphère privée et sphère publique. L’extimité, conceptualisée notamment par le psychiatre Serge Tisseron, traduit ce désir de rendre visibles certains aspects relevant jusque-là d’une intimité « cachée ».

 Les outils numériques ont ainsi fait émerger de nouveaux « arts de faire » des images 

Massivement utilisé sur les réseaux sociaux, le GIF — animation très courte (extraits de films, de séries, créations) qui se répète à l’infini — est devenu un incontournable de la grammaire visuelle du Web. Les outils numériques ont ainsi fait émerger de nouveaux « arts de faire » des images, pour emprunter une expression de Michel de Certeau (L’Invention du quotidien, 1990).

« Appareil photo universel », selon André Gunthert, le smartphone permet d’enregistrer chaque instant de notre vie, du plus insignifiant au plus extraordinaire. Attentats, violences policières, accidents, fusillades, sont documentés et commentés en direct. Récemment, lors du massacre du lycée de Parkland en Floride, en février 2018, de nombreux élèves ont live-twitté la tuerie et posté des vidéos via leur story dans l’application Snapchat. Cette instantanéité dans la diffusion de l’information modifie les régimes narratifs et les modes de production classiques de l’information : la grande messe de 20 heures — le JT des chaînes généralistes — coexiste aujourd’hui avec le flux des notifications et des chaînes d’information en continu.

Dans cette conversation globale et connectée, le flux d’images ne se tarit jamais. « Intégrées par l’intermédiaire d’outils polyvalents aux systèmes connectés, les formes visuelles sont devenues un embrayeur puissant des conversations privées et publiques », constate André Gunthert. Un média social comme Brut, 100 % vidéo (en France, aux États-Unis et en Inde), définit par exemple son positionnement éditorial par sa capacité à générer des conversations sur les réseaux sociaux.

Quatre cents heures de vidéos sont diffusées chaque minute sur YouTube. La surcharge informationnelle — infobésité — nous menace. Les images postées par les internautes occupent le même espace que celles des agences de presse et des médias professionnels. Dans ce nouvel environnement, toutes les sources se « valent », ce qui complexifie le tri entre information vérifiée et fiable et intox, rumeurs et canulars. Moins d’un internaute sur deux identifie clairement la source d’un contenu lorsqu’il y accède par le biais d’une plate-forme sociale, alors même que l’accès à l’information via les réseaux sociaux devient prépondérante chez les jeunes générations.

Dans ce nouveau contexte informationnel, l’image compte finalement moins que l’échange qu’elle permet. Sur Snapchat, la photo s’efface après sa réception. Pendant des siècles, la production d’images était réservée à une élite artistique qui bénéficiait du privilège de pouvoir représenter le monde. Si les images ne sont plus rares et « sacralisées », notre époque ne les a pourtant jamais autant consacrées. La majorité des titres de presse écrite sont devenus producteurs de vidéos courtes sur Internet. Le journal Le Monde — dont l’adage attribué à son fondateur, Hubert Beuve-Méry, en 1944, était « Messieurs, faites chiant » — offre aujourd’hui une version animée en infographies sur Snapchat. Les radios abandonnent progressivement l’imaginaire inhérent à l’oralité pour installer des caméras dans leurs studios et accroître la viralité des contenus. Les premières chaînes de la TNT (télévision numérique terrestre) sont apparues en 2005. En une dizaine d’année, le nombre de chaînes gratuites nationales est passé de 7 à 27.

À l’heure où chaque foyer français compte en moyenne six écrans, le temps que les jeunes enfants passent sur Internet a plus que doublé ces cinq dernières années(2) . Ils sont sur-connectés, sur-équipés, mais maîtrisent-ils leur identité numérique et exercent-ils leur esprit critique face aux entreprises de désinformation ?

Devenir un « média citoyen »

« L’éducation aux médias est d’abord une prise de conscience de ce monde médiatique, de l’obligation vitale, individuelle et collective, d’en apprendre les données, comme on apprend à lire et à écrire, pour ne pas devenir analphabète », explique Jacques Gonnet, fondateur du Clemi (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information)(3) .

De même que l’on apprend à lire, écrire et compter pour devenir autonome, la maîtrise des codes et langages médiatiques — chercher, produire et publier — constitue un socle indispensable pour exercer sa citoyenneté au XXIe siècle.

Loin du mythe du « digital native » (natif numérique) — concept développé par le chercheur américain Marc Prensky dans l’article « Digital Natives, Digital Immigrants » —

postulant que les jeunes nés avec les nouvelles technologies sont dotés d’un rapport quasi inné beaucoup plus intuitif et naturel que les générations précédentes, les compétences numériques, informationnelles et communicationnelles sont le fruit d’un apprentissage. On devient un « média » responsable et citoyen grâce à cet apprentissage.

L’éducation aux images se déploie aujourd’hui à travers deux grands axes tout au long de la scolarité des élèves, de l’école au lycée, qui parfois se chevauchent. D’une part, « l’image artistique » est abordée dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle (qui comprend l’enseignement du cinéma, né dans les années 1920, incluant les dispositifs du CNC, et des arts visuels) et d’autre part, « l’image médiatique » abordée avec l’éducation aux médias et à l’information, souvent associée à l’enseignement moral et civique.

Nous nous focalisons ici sur l’éducation aux images comme composante majeure de l’éducation aux médias et à l’information (EMI). Le champ de l'éducation aux médias et à l'Information « développe une éducation à l'image indispensable, derrière laquelle se jouent les fondamentaux de la démocratie » écrit Isabelle Féroc Dumez, directrice scientifique et pédagogique du Clemi (Histoires d'images... ou les images qui changent l'Histoire, Fiche information, parue dans le dossier de la Semaine de la presse 2016). L'EMI permet aux élèves d'apprendre à lire, à décrypter l'information et l'image, à aiguiser leur esprit critique, à se forger une opinion. Elle s’intègre dans tous les champs du savoir.

Né en 1983 sous l’impulsion de l’universitaire Jacques Gonnet, le Clemi est chargé de l’Éducation aux médias et à l’information dans l’ensemble du système éducatif. Il a pour mission de former les enseignants et d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias, avec le concours actif des professionnels des médias. Service de réseau Canopé, opérateur du ministère de l’Éducation nationale, le Clemi développe ses activités en ÉMI autour de plusieurs axes : la formation des enseignants des 1er et 2nd degrés, de toutes disciplines ; la production et la diffusion de ressources pour les enseignants et les familles, l’accompagnement des productions médiatiques des élèves ; le conseil et l’expertise en France et à l’International, ainsi que l’animation d’un réseau de coordonnateurs académiques. En 1989, le Clemi a initié la Semaine de la presse et des médias dans l’école, opération majeure du ministère, au succès grandissant (3,8 millions d’élèves et 220 000 enseignants inscrits en 2018).

Le site du Clemi propose de nombreuses fiches et conseils pratiques. Dans le domaine de l’éducation aux images, le Clemi Montpellier a développé une expertise particulièrement pointue.

L’éducation aux médias et à l’information s’appuie sur une pédagogie active, qui donne une large place à la collaboration et la coopération entre élèves. La production médiatique des élèves permet de s’initier à la production et à la publication de contenus, mais implique aussi l’observation des médias professionnels et la découverte de leur fonctionnement.
 

Décoder les images dans les médias

Les images sont un langage. L’image revêt une pluralité de fonctions : dénotative, informative, incitative, argumentative, narrative, testimoniale, symbolique, conative, esthétique… Aucune image n’est porteuse que d’une seule de ces fonctions, elles s’entrelacent. De nature polysémique, l’image exige une méthodologie pour être interprétée. Identifier les signes de l’image, leur donner un sens, les décoder : l’apport de la sémiologie — et notamment du pionnier Roland Barthes — est riche pour construire une culture critique de l’image (consulter la fiche pédagogique  Décoder les images dans les médias , Clemi, 2018).

De nature polysémique, l’image exige une méthodologie pour être interprétée

L’étude du rapport texte / image est un volet majeur. « Une image douée de sens ne va jamais seule : elle est accompagnée d'un texte ou d'un contexte qui la rend lisible. L'image sans le texte demeure infirme », souligne le philosophe Daniel Bougnoux. Dès l’école primaire, il est possible de se prêter à un exercice de légendage d’images (que les enfants ont choisies ou ont eux-mêmes photographiées).

Les images sont des sources de connaissance historique, scientifique, sociologique, politique (consulter les fiches pédagogiques Les images politiques : décrypter l’affiche électorale et Le rôle des images dans l'information scientifique, Clemi, 2015 et 2017)… Via les images de propagande, par exemple, on découvre les codes de cette communication spécifique, dont l’objectif est la manipulation de l’opinion publique. Les images sont aussi le produit de représentations qui sous-tendent des rapports sociaux de domination. L’éducation aux images est ainsi l’occasion d’apprendre à repérer et déconstruire des stéréotypes sexistes, racistes, dans les images publicitaires notamment. Le Clemi propose ainsi des vidéos comme celles de DéclicCritique ou les ressources du concours #ZéroCliché pour l’égalité filles garçons, permettant de repérer les stéréotypes sexistes dans les médias.

 D’où provient l’image ? Savoir identifier et évaluer sa source, c’est apprendre à s’informer  

D’où provient l’image ? Savoir identifier et évaluer sa source, c’est apprendre à s’informer. Le nombre de « vues » n’atteste pas de la véracité d’une vidéo, comme le montre la vidéo Déclic’Critique Comment vérifier l'authenticité d'une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, (Clemi, 2017). De nombreux outils existent aujourd’hui pour vérifier la provenance des images (Tineye, Google Images). Le travail pédagogique mené par la professeure des écoles Rose-Marie Farinella est particulièrement inspirant. Centrées autour de la vérification des images, ses ateliers en classe de CM2 donnent les clés et des outils méthodologiques aux élèves pour faire la différence entre l’info et l’intox sur le Web. En fin d’année scolaire, un diplôme « d’apprenti hoaxbuster » (détective du Web) leur est décerné lors d’une cérémonie, au cours de laquelle ils prêtent serment sur la tête de la souris de leur ordinateur : « Avant d’utiliser ou de transmettre une information, toujours, je la vérifierai ». Savoir identifier la source de l’image permet également de saisir son circuit de diffusion: comment une image peut être manipulée, détournée et utilisée dans différents contextes de publication. Par exemple, la fiche pédagogique Le cas du faux tigre de Seine-et-Marne  (Clemi, 2018) retrace, à travers une étude de cas, la circulation des images et le manque de prudence caractéristique de l’emballement médiatique. Cela permet de travailler la notion de source.

Devenir lecteur critique des images, c’est aussi être capable de contextualiser leur réception. Les jeunes de 13 à 19 ans s’informent majoritairement via les réseaux sociaux, le risque qu’ils soient confrontés à des images violentes ou des entreprises de désinformation est considérable. Il importe d’aborder la question du  fonctionnement des algorithmes des réseaux sociaux, qui façonnent des « bulles de filtres » qui ont tendance à enfermer dans un entre-soi numérique en donnant une sur-visibilité aux personnes qui partagent les mêmes opinions.

Se protéger de la violence des images et maîtriser leur charge émotionnelle, c’est ne jamais perdre de vue la volonté agissante qui existe derrière l’image. Qui me parle ? Quelle est son intention ? Comme l’explique Isabelle Féroc-Dumez, directrice pédagogique et scientifique du Clemi : « Les jeunes citoyens doivent apprendre que l'image n'est pas seulement un objet de signification et l'expression d'émotions, mais qu'elle est aussi une relation à l'autre, génératrice de liens psychiques et sociaux. Par ce qu'elle nous transmet, des représentations et une expérience fictive, l'image nous transforme : elle permet de rêver ou bien peut aussi nous paralyser et devenir tel un écran au monde réel. Quand des clichés portent une charge émotionnelle extrême, ce qu'ils nous transmettent est si dérangeant qu'ils agissent comme des traumatismes médiatiques, qu'il faut tenter de soulager, particulièrement chez les plus jeunes. » (Histoires d'images... ou les images qui changent l'Histoire, Fiche information, parue dans le dossier de la Semaine de la presse 2016).

Dans le « Guide pratique de La famille Tout Écran » publié par le Clemi, Isabelle Féroc-Dumez et Serge Tisseron proposent une « Trousse de secours en cas d’accidents d’images » qui donne des pistes d’accompagnement concrètes pour les parents.

Savoir produire et publier ses propres images

Fabriquer des images est l’un des meilleurs moyens d’éviter d’être piégé par des images manipulées. Comme l’explique Laurent Gervereau : « La manipulation recouvre deux aspects différents : manipuler les images et manipuler le public. Dans le premier, intervient la fonction du travail manuel de laboratoire sur les images, qui sont de toute façon toujours des interprétations du réel. Dans le second, se place la volonté d’obtenir un effet sur le public, de conditionner son comportement. »(4) .

L’éducation aux médias et à l’information offre de multiples opportunités de mettre les élèves, dès la maternelle, dans une situation de producteurs d’images (qui s’articule avec le travail de lecture et de publication). La création / participation à un média scolaire, la réalisation d’un reportage photographique(5) , d’une vidéo, d’un web-documentaire permettent d’acquérir des compétences techniques et d’opérationnaliser les notions de cadrage, de point de vue, d’éprouver la nature polysémique de l’image, l’importance de la légende, du rapport texte/image, du montage, l’importance du droit d’auteur et droit à l’image.

Savoir publier ses images est tout aussi important que savoir les fabriquer. Plus de 60 % des internautes partagent des informations sur Twitter sans les avoir lues, souligne Arnaud Legout, (co-auteur de l’étude Social Clicks : What and Who Gets Read on Twitter ?, Université de Columbia et Institut national français, 2016). L’usage pédagogique des réseaux sociaux offre une riche palette d’activités pour former et responsabiliser les futurs cybers citoyens et initier une réflexion critique sur la manière dont les dispositifs (Facebook, Twitter, YouTube, Instagram, Snapchat) conditionnent nos réflexes et formatent nos émotions.

De la twictée, centrée sur l’enseignement et l’apprentissage de l’orthographe, à la twittographie de l’image de presse, en passant par le projet twittvillage, sur le patrimoine local, les projets innovants soutenus par les équipes du Clemi foisonnent pour faire découvrir aux plus jeunes des usages intelligents, collaboratifs et créatifs. Les réseaux sociaux peuvent également être utilisés dans un cadre pédagogique pour réaliser un média scolaire en ligne. C’est un moyen efficace pour travailler ensuite sur les règles de publication en ligne.

Enfin, apprendre à publier, c’est aussi apprendre à construire son identité numérique et à gérer ses données personnelles.
 

Une mission majeure de l’école du XXIe siècle

La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République pose parmi les missions de l'École de « développer les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l'exercice de la citoyenneté dans la société contemporaine de l'information et de la communication ». Au-delà du rôle crucial des professeurs documentalistes, maîtres d’œuvres de l’éducation aux médias et à l’information, nous constatons des avancées significatives dans la manière dont tous les enseignants s’emparent de cette éducation.

Pour autant, la demande d’EMI à l’école est de plus en plus forte. Selon le dernier baromètre La Croix /Kantar Médias (janvier 2018) 71 % des Français souhaitent un enseignement à l’information et aux médias pour tous les élèves et 88 % jugent important d’apprendre aux élèves à rechercher sur Internet des informations vérifiées et à repérer les fausses nouvelles. 

Face aux enjeux démocratiques posés par la dérégulation du marché de l’information, comment l’école peut-elle accompagner au mieux tous les élèves afin qu’ils deviennent des « médias citoyens », libres et éclairés ? La réponse à cette question viendra, pour commencer, par l’ambition et les moyens investis dans la formation des enseignants en EMI. Malgré de fortes disparités territoriales, le Clemi s’efforce depuis 30 ans de respecter l’exigence de cohésion et d’équité des territoires pour qu’aucune académie ne soit laissée de côté dans l’accès à l’offre de formation, grâce à son réseau de coordinateurs.

30 000 enseignants ont été formés en EMI par le Clemi en 2017, sur un effectif de 861 000 au total. Cette action de formation initiale et continue doit être significativement renforcée et amplifiée. Les mutations numériques et informationnelles ont conduit à un changement civilisationnel majeur. Dans notre « société apprenante », la formation des enseignants est un levier d’action fondamental pour donner les moyens aux futurs citoyens de relever les défis du XXIe siècle.

    (1)

    René La BORDERIE, Éducation à l'image et aux médias, Nathan Pédagogie, 1996  

    (2)

    Chiffres cités dans « Familles connectées », Réalités familiales, Unaf, n° 114-115, 2016

    (3)

    Jacques GONNET, Éducation aux médias : Les controverses fécondes, Hachette Éducation, 2001

    (4)

    Laurent GERVEREAU, Un siècle de manipulations par l'image, Paris, Somogy-BDIC, 2000

    (5)

    En 2018, le CLEMI propose, en partenariat avec Images singulières et Mediapart, un prix du reportage photo documentaire Vues de chez nous. Il s’agit pour les équipes participantes de produire un reportage de photographie documentaire, composé d’un maximum de 15 photos légendées sur le sujet de leur choix.

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