Le développement tardif d'une offre légale de musique en ligne
Si le piratage a pu prospérer si longtemps, c’est aussi en grande partie en raison de l’arrivée très tardive des acteurs de la musique numérique en Pologne. Il aura ainsi fallu attendre 2008 et le lancement du portail Muzodania par l’opérateur de téléphonie mobile Plus pour voir un acteur de poids débarquer sur ce marche, mettant fin à près d’une décennie de disette. C’est d’autant plus vrai que les acteurs mondiaux du secteur, comme Apple, ont très longtemps bloqué aux consommateurs polonais l’accès à leurs plateformes globales de vente. Désintérêt flagrant pour les marchés d’Europe centrale ? Négociations sur les droits d’auteur enlisées ? Peur du piratage et incompréhension face à la passivité apparente des pouvoirs publics ? C’est vraisemblablement pour toutes ces raisons que les majors ont tergiversé.
Un autre facteur d’explication est sans doute à chercher du côté des goûts musicaux des Polonais. La Pologne est en effet un marché qui reste largement dominé par les artistes nationaux, ce qui n’est pas le cas de tous les pays industrialisés. Qui plus est, certains genres bien particuliers y rencontrent un succès important : c’est par exemple le cas du rap ou encore du fameux disco polo, une invention typiquement polonaise et héritée de la musique dance des années 1980. Preuve de la vitalité du genre, pas moins de deux chaînes musicales – Disco Polo et Polo TV – ont d’ailleurs été créées ces deux dernières années et réalisent désormais les meilleures audiences devant des ténors internationaux tel que VIVA ou MTV.
On recense actuellement en Pologne une vingtaine de plateformes de distribution de musique numérique. Parmi ces sites, deux grands modèles économiques se détachent :
- Les offres payantes ou semi-payantes (freemium)
- Le téléchargement à l'unité :
C’est le mode de distribution le plus ancien et celui qui se rapproche le plus des circuits de distribution traditionnelle. Les fichiers sont généralement encodés en format MP3 ou en WAV et induisent parfois l’usage de verrous numériques (DRM en anglais) qui restreignent l’utilisation des fichiers : c’est par exemple le cas lorsque l’internaute dispose d’un nombre limité de transferts de copie d’un ordinateur à l’autre. Les principaux acteurs sont Apple avec son iTunesStore, Empik.pl, Muzodajni, iPlay.pl. D’autres sites marchands ont adopté ce modèle économique, parmi lesquels OVI Muzyka, Twoja Nuta, T-Mobile Muzyka, Soho, Nuplays.pl. Plusieurs sites ont mis la clé sous la porte ces dernières années, et notamment les boutiques développées par les grands portails Internet polonais. C’était notamment le cas de Melo.pl (Interia) ou encore Mp3.pl (Wirtualna Polska). Depuis quelques mois, les opérateurs polonais mettent davantage l’accent sur l’achat de packs mensuels de chansons à télécharger afin de rendre leurs offres plus attractives et de mieux fidéliser la clientèle. Certains ont même franchi le pas des forfaits dits « illimités » : les internautes peuvent alors télécharger un nombre illimité de titres qui restent lisibles pendant toute la durée de l’abonnement.
- Le streaming (musique dans le cloud) :
Apparues récemment en Pologne, les plateformes de musique dites « dans le cloud » fonctionnent différemment des boutiques de musique numérique de première génération. Ici point de téléchargement requis : tous les morceaux sont lus en streaming depuis les serveurs de l’éditeur.
Cette solution technique induit de nombreux avantages puisque le client n’a plus à se soucier de l’espace de stockage. Il favorise également la mobilité des internautes qui peuvent utiliser librement leur smartphone ou leur tablette pour se connecter au service. Les principales offres sont Muzo.pl, Spotify.pl, Wimp.pl, Deezer.pl. Tous les éditeurs polonais ont opté pour une offre de type freemium combinant une option de base gratuite et des options premium payantes. Web 2.0 oblige, ces services incluent également de nombreuses fonctions communautaires afin que les internautes puissent aisément partager leurs playlists ou leurs goûts musicaux. Fait remarquable : la plupart se sont alliés à un opérateur de téléphonie mobile pour commercialiser leur offre sur portable. C’est notamment le cas de Deezer avec Orange Polska et de Wimp avec Play. En revanche, la filiale polonaise de T-Mobile traîne toujours des pieds, alors même que Spotify a signé un accord global avec le géant allemand des télécoms. En cause, les prix trop élevés de l’opérateur qui seraient encore au-dessus des attentes du marché. Il est en revanche très probable que Muzo.pl s’allie rapidement avec l’opérateur polonais Polkomtel car les deux groupes ont en commun la même maison mère. Un quatrième acteur est également présent sur ce segment : il s’agit de la plateforme Mood mais cette dernière ne distribue de la musique que par l’intermédiaire des bouquets satellite, des fournisseurs d’accès Internet et des câblo-opérateurs. À ce jour, elle est déjà présente dans l’offre du Français Cyfra + ainsi que de Vectra, Netia, Toya et Dialog.
- Les webradios thématiques :
L’apparition en Pologne des premiers portails de webradios remonte à 2007. Ces plateformes proposent gratuitement aux internautes d’écouter de la musique sur plusieurs dizaines de stations regroupées par genre musical (rock, pop, chanson polonaise, française etc) et accessibles en streaming. En règle générale, la qualité de son est excellente, sous réserve que la connexion de l’internaute suive. La plupart des grandes radios généralistes polonaises (Eska, Radio Zet, RMF FM) possède désormais leur propre plateforme, même si on compte également quelques éditeurs indépendants. Les éditeurs se rémunèrent généralement sur les publicités qui apparaissent lorsque l’internaute lance le player ou bien durant l’écoute. Voici les principales plateformes : Polska Stacja,
Polskie Radio, Open FM, Tuba FM, RMF ON, ESKA GO.
- Les portails de clips vidéo :
Ici le concept est quelque peu différent puisque l’internaute bénéficie, en plus, de l’image et choisit directement les clips vidéo qu’il souhaite visionner. En règle générale, le catalogue proposé est plutôt restreint et compte surtout des nouveautés même si certains sites proposent également de visionner d’anciens succès. Le modèle économique est sensiblement le même que celui des webradios thématiques mais plus rémunérateur puisqu’une publicité s’ouvre systématiquement à chaque fois qu’un clip est demandé. À noter que la plupart de ces sites sont l’œuvre des grands portails Internet polonais (Onet, Wirtualna Polska, Interia) ou des stations de radio. Les principaux portails sont :
Onet, Wirtualna Polska, ESKA GO, Radio Zet, Clipy 24, Dzentelman, N Teledyski, Teledyski Info.
- Les webTV musicales :
On trouve dans cette catégorie deux types d’acteurs : les « pure-players » et certaines chaînes musicales, qui émettaient déjà sur le câble et le satellite, et ont opté pour une diffusion simultanée sur Internet. Pour autant, toutes les chaînes musicales polonaises ne diffusent pas sur Internet, certaines, telles que MTV, étant liées par des accords d’exclusivité qui limitent leur liberté d’action. En revanche les stations plus récentes – et donc moins connues – font systématiquement le pari d’une diffusion multi-support et investissent massivement dans le web. Voici la liste des chaînes musicales polonaises qui diffusent également sur Internet : 4FunTV, Eska TV, Polo TV, TV Disco, Rebel TV, Stars TV. À côté des chaînes musicales traditionnelles, on trouve certains acteurs du web qui proposent également leurs propres Web TV musicales, sur le modèle des webradios. Une série de clips vidéo est alors diffusée en boucle avec parfois une programmation par genre.
- Les portails vidéo généralistes :
En Pologne, un pourcentage non négligeable d’internautes « consomment » directement de la musique depuis les principales plateformes vidéo telles que l’Américain
YouTube ou le Français Dailymotion.
Longtemps honnie par les majors qui l’accusaient de contrefaçon, la filiale de
Google semble désormais être prisée par certains labels qui publient délibérément les clips de leurs artistes dans l’espoir de capter une partie de la manne publicitaire. Le projet
VEVO, auquel se sont associées les maisons de disques Universal Music Group et Sony Music, illustre parfaitement cette stratégie qui a déjà fait ses preuves outre-Manche. Il n’en reste pas moins qu’une partie des clips disponibles sur YouTube ou d’autres plateformes est toujours diffusée sans l’accord des ayants-droit, générant ainsi un manque à gagner évident pour les éditeurs. Les principaux portails sont :
YouTube PL ,
Dailymotion PL,
Wrzuta.pl.