Enquête sur le Media Mix Japonais, entre animé et character business
Marc Steinberg étudie de façon très intéressante le modèle économique du merchandising dans les animés Japonais.
Marc Steinberg étudie de façon très intéressante le modèle économique du merchandising dans les animés Japonais.
Le commerce des personnages et de produits dérivés de séries animées – le « character business » - représentait en 2007 environ 17 milliards de dollars de chiffre d’affaires au Japon. Dans un ouvrage stimulant, Marc Steinberg se penche sur ce phénomène de société au Japon, caractéristique d’une convergence médiatique appelée « media mix ». Ce terme désigne la déclinaison sur divers supports médiatiques simultanément d’un même personnage, voire d’un même univers. Pour Marc Steinberg, cette spécificité japonaise est propre aux caractéristiques intrinsèques à un médium particulier, l’animé télévisé, qui a vu le jour au début des années 1960 au Japon.
C’est en effet à travers l’étude de cas du premier animé TV Tetsuwan Atomu (plus connu en France sous le titre Astro Boy) que l’auteur, professeur assistant de « film studies » à l’université de Concordia, à Québec, nous introduit dans le monde de l’animé et du « character business ». Tetswan Atomu révolutionne en effet l’écologie médiatique en vigueur alors au Japon avec le merchandising de personnage, au point que toutes les marques, villes, institutions publiques et jusqu’à la police se sont dotés aujourd’hui d’un personnage-médium permettant de communiquer avec le public. Le but de l’ouvrage est de donner une définition rigoureuse de l’animé et de comprendre son influence sur le marketing mondial.Marc Steinberg s’essaie dans un premier temps à démontrer en quoi les spécificités de l’animé – le dessin animé télévisé japonais – expliquent le phénomène de transmédia et notamment le passage vers le merchandising de personnages. Selon lui, cette facilité s’explique par un « mouvement limité », une « immobilité dynamique » qu’incarne parfaitement Tetsuwan Atomu.
L’animé est pensé dès le départ comme une animation limitéeL’animé s’appuie sur deux éléments de la culture populaire japonaise : le manga et le kamishibai, petit théâtre portatif où le narrateur fait défiler des images tout en racontant une histoire. L’animé est donc pensé dès le départ comme une animation limitée. Tezuka Osamu lui-même a théorisé dans un ouvrage les règles propres à l’animé et les a appliquées dans son studio, Mushi Productions : « 8 images par secondes », au lieu de 12 à 18 images dans le cinéma d’animation ; le « stop images », tout ce qui n’est pas indispensable à l’histoire devant être stoppé ; « tirer la cellule » ou l’art de donner la sensation de mouvement sur des images fixes ; la répétition d’images, ou la réutilisation d’images précédentes grâce à une banque d’images ; ou encore « sectionner le personnage » en ne faisant bouger qu’une partie du corps, souvent la bouche, en deux images.
Comme l’explique Marc Steinberg, le modèle économique de Mushi Productions ne peut pas reposer que sur la vente des dessins animés : Tezuka vend à prix très bas, à un coût inférieur à celui de la production. Il faut donc rentabiliser via deux autres canaux : la vente de licences et merchandising, d’une part ; l’exploitation des droits internationaux, d’autre part. Ce modèle économique, propre au studio de production de Tezuka, va devenir la règle surtout après avoir été adopté par le principal studio de l’Archipel, Toei Animation.
Le « character business » au Japon représentait en 2007 un marché de 17 milliards $L’auteur s’intéresse dans cet ouvrage à la première voie de financement du dessin animé Tetsuwan Atomu, la vente de licences. Plus connu sous le nom de kyarakutâ bijinesu au Japon, ce marché représente en 2007 environ 1 600 milliards de yens, soit 17 milliards de dollars de chiffre d’affaires(1) .
Pour Marc Steinberg, le personnage par son ubiquité, son immobilité dynamique, devient le point de convergence entre les différents médias : télévision, jouets, manga, autocollant, publicité, etc. Mais cette convergence ne signifie pas pour autant fusion comme l’explique Steinberg : « Chaque apparition du personnage [ici Astroboy] renforce la propriété de chaque média : l’immobilité en mouvement pour l’animé ; narration séquentielle pour le manga ; intériorité et réalisme pour les romans ; poids, dimensionnalité et manipulabilité physique pour les jouets ; interaction et interface pour les jeux vidéos […] »(3) .
Selon Marc Steinberg, on est passé d’une « chosification des médias » à une « médiatisation des choses »Une partie de l’ouvrage de Marc Steinberg développe ainsi l’histoire du « character business » au Japon, et notamment l’évolution juridique des droits d’auteurs. Mais l’auteur, au-delà de l’enjeu économique, s’intéresse aussi à ce que ce succès des personnages révèle sur la société nippone. Pour Marc Steinberg, d’une « chosification des médias » - jouets créés à l’effigie des personnages d’Astro boy par exemple - on passe progressivement à une « médiatisation des choses ». L’idée de Steinberg est que les objets – badges, autocollants, jouets – deviennent en soi des média, et créént du lien, de la communication. Il remarque que dans les années 2000, l’ « idée que les produits représentant des ‘characters’permet la communication intra et intergénérationnelle s’est imposée comme principale explication à leur succès. »(4)
Quelle place pour les femmes dans les médias ? Cette question récurrente fait l’objet de nombre d’enquêtes depuis plus de 20 ans. Sans surprise, en ressort une constante : les femmes sont peu et mal représentées. Pourquoi ce plafond de verre ? De quoi s’interroger sur les présupposés de ces enquêtes.
Dans Fact-checking vs fake news - Vérifier pour informer (Éditions INA), Laurent Bigot revient sur l'essor des sites et rubriques de vérifications des faits et propos. Et explique comment le fact checking met en lumière des manquements dans les pratiques professionnelles des journalistes. Extraits.