Les candidats à l'élection présidentielle de 2017 sur le plateau de France 2

Les candidats à l'élection présidentielle sur le plateau de « Quinze minutes pour convaincre » (France 2), le 20 avril 2017. 

© Crédits photo : Martin Bureau/Pool/AFP

Tout comprendre aux règles d’équilibre du temps de parole dans la campagne présidentielle

À chaque élection, les candidats doivent bénéficier d’un temps de parole équitable. Comment le Conseil supérieur de l’audiovisuel organise-t-il ce dispositif ? On vous explique ça en 5 points.

Temps de lecture : 5 min

Assurer « le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision » : c’est l'une des missions confiées au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), par la loi du 30 septembre 1986. Celui-ci établit pour cela des règles, dont certaines exigent un équilibre de temps de parole politique pendant une campagne électorale. Explications.

Quels sont les grands principes de l’équilibre du temps de parole ?

Depuis 2017, c’est l’équité du temps de parole qui prime pendant une large partie de la campagne. La présence des candidats doit être proportionnelle à leur « représentativité » et leur « implication effective » dans la campagne. C’est aux médias d’estimer le temps imparti à chaque candidat en fonction de plusieurs éléments, selon deux critères définis par le CSA.

Premier critère : les résultats du candidat ou de sa formation politique aux précédentes élections. Problème : certains partis peuvent émerger entre deux élections, comme cela a été le cas en 2017 avec La République en Marche ! C’est là qu’intervient le deuxième critère, à savoir la « dynamique de campagne de chaque formation politique ». On entend par là l’organisation de réunions publiques, de débats, la présence sur les réseaux sociaux, ou encore, comme l’indique le CSA, « toute initiative permettant de porter à la connaissance du public les éléments du programme du candidat ». Ces preuves de la mobilisation du parti et de son implication dans la campagne peuvent justifier d’une plus grande présence à l’antenne, l’appréciation de ces éléments étant laissée aux chaînes. Par ailleurs, les chaînes tiennent également compte des sondages pour estimer le « poids » de chaque candidat ou formation politique.

En 2017, la période d’équité du temps de parole avait commencé le 1er février. À partir du 20 mars, elle était complétée par une obligation de « conditions de programmation comparables » pour les candidats, c’est-à-dire un accès équitable à chacune des quatre tranches horaires définies par le CSA : 6 h-9 h 30, 9 h 30-18 h, 18 h-minuit (avec une sous-tranche de 19 h 30 à 21 h pour les chaînes généralistes) et minuit-6 h.

Particularité pour l’élection présidentielle : une période de stricte égalité du temps de parole doit être observée par les chaînes lors de la campagne officielle (les deux semaines précédant le premier tour de l’élection). En 2017, cette période avait duré du 10 avril (à la publication des candidatures officielles) jusqu'à l’élection.

Chaque campagne se termine par une période de réserve la veille et le jour du scrutin. Le débat électoral est suspendu à la télévision et à la radio, et aucune prise de parole des candidats n’est possible dans les médias. Aucun sondage, résultat ou propos lié aux élections (qui inciterait par exemple à voter pour un candidat ou à voter tout court) ne peut être diffusé à la radio ou à la télévision. Le jour du scrutin, aucun résultat partiel ou définitif ne doit être donné avant la fermeture des derniers bureaux de vote.

Quels sont les indicateurs surveillés par le CSA ?

Le CSA mesure deux indicateurs : le temps de parole et le temps d’antenne. Les médias envoient chaque semaine un relevé des prises de parole de chaque personnalité politique sur leur antenne. Le CSA analyse ces relevés, et procède également à des vérifications par carottage, c’est-à-dire en vérifiant des tranches de programme au hasard.

Le temps de parole correspond à la durée des prises de parole du candidat lors de débats ou d’émissions en plateau, auxquelles s’ajoutent les déclarations des membres de sa formation politique, ainsi que celles de toute personne (personnalité politique, artiste, personne interrogée lors d’un micro-trottoir) déclarant son soutien — uniquement à partir du moment où celui-ci est rendu public : ce regroupement n’est donc pas rétroactif. En 2017, cette règle prévoyait deux exceptions : le temps de parole d’un candidat n’était pas décompté lorsqu'il réagissait à un événement inattendu et exceptionnel comme un attentat, ou lorsque ses propos étaient tenus dans le cadre d’une fonction publique.

Les prises de paroles des éditorialistes ne sont pas prises en compte par le CSA. Le 2 juin dernier, le député européen Stéphane Séjourné (LREM) préconisait dans L’Opinion de « compter dans le temps de parole des politiques les éditorialistes les plus engagés (…) notamment (…) Éric Zemmour ». Le président du CSA, Roch-Olivier Maistre, avait pourtant précisé dès janvier, dans un entretien accordé au Figaro , que « restreindre le débat est toujours une forme d'amputation de notre vie démocratique » et que le CSA « n’[était] pas le tribunal des opinions ». De même, le CSA ne tient pas compte des interventions politiques dans les médias en ligne. Cela comprend également les chaînes YouTube ou Twitch, qui invitent des candidats ou leurs soutiens à s’exprimer en vidéo.

Le temps d’antenne est le temps accordé à un candidat ou à sa formation politique dans les reportages ou les magazines, tant que ces propos ne lui sont pas « explicitement défavorables ».

Quels médias sont concernés ?

La presse papier, les médias sur Internet ou les vidéos en ligne ne sont pas réglementés par le CSA. Tous les médias de télévision et de radio ne sont pas non plus tenus de respecter ces règles du temps de parole. Sont concernées les chaînes de télévision généralistes, les chaînes de télévision d’information et les stations de radio d’information. Les diffuseurs visés par ce dispositif peuvent changer et le CSA les désigne lors de sa recommandation avant les élections. Pour les élections régionales et départementales de 2021, il avait retenu les médias suivants :

  • Chaînes généralistes : TF1, France 2, France 3, France 5, M6, C8, TMC, RMC Découverte, RMC Story.
  • Chaînes d’information : BFMTV, CNews, LCI, France Info, RT.
  • Radios : France Inter, France Info, France Culture, France musique, RTL, Europe 1, RMC, BFM Business, Radio Classique, SudRadio.

Quelles conséquences en cas de manquement ?

Le CSA peut être saisi par un candidat qui estimerait ne pas avoir accès au même temps de parole que ses concurrents. La « loi Léotard » dispose qu’en cas de litige, « le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d'œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent ». De plus, le conseil réalise son propre contrôle a posteriori pour savoir si le temps de parole a été respecté. S’il ne l’a pas été, le CSA peut donner un avertissement ou mettre en demeure le média concerné de respecter ses obligations dans le temps de campagne restant ou pour la prochaine élection.

Lors de la campagne des élections régionales et départementales, le CSA a mis en demeure CNews pour non-respect de l’égalité du temps de parole. Dans sa décision du 9 juin, l’institution relevait « qu’entre le 10 et le 28 mai 2021 », la chaîne d’info « a invité sur le plateau de plusieurs de ses émissions de débat et d’information le candidat présenté en tête de la liste du Rassemblement national à Paris [Philippe Balard] dans le cadre des élections régionales ». Ces interventions représentaient une durée globale d’une heure selon le CSA, alors que CNews, de son côté, avait déclaré seulement sept minutes.

Et hors campagne électorale ?

Même hors campagne électorale, les médias doivent respecter le pluralisme politique. Ils répartissent alors le temps de parole en deux blocs :

  • Un tiers du temps de parole est réservé à l’exécutif : le président de la République (lorsque ses propos relèvent du débat politique national et pas de ses fonctions régaliennes), ses collaborateurs (le secrétaire général de l'Élysée par exemple) et les membres du gouvernement.
  • Les deux tiers restants sont répartis entre les différentes formations politiques, y compris celle de la majorité, selon le principe d’équité.

En dehors des périodes électorales, le relevé et le contrôle des temps de parole par le CSA intervient seulement chaque trimestre.

Mise à jour du 9 septembre 2021 à 10 h 35 : dans une décision rendue hier, le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande aux médias audiovisuels de décompter les interventions d'Éric Zemmour portant sur le débat politique national à compter d'aujourd'hui.

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