Voilà deux ans, j'écrivais
une lettre de rupture à Facebook publiée par Télérama. J'en avais assez des manœuvres de Facebook qui tentait d'étaler ma vie privée, mes goûts, les musiques débiles que je pouvais écouter, en public, devant mes « amis », qui, pour au moins la moitié d'entre eux ne sont même pas des « copains », tout juste des connaissances.
Passée la fureur, j'ai fait la gueule à Facebook, je ne lui ai plus beaucoup parlé, mais, peut-être par lâcheté, je suis resté avec lui. Et aujourd'hui, nous formons un vieux couple. Soyons clairs : si nous sommes encore ensemble, c'est uniquement pour des raisons techniques. Facebook m'est utile, je suis utile à Facebook. Il n'y a plus aucun sentiment, plus d'addiction. Nous pourrions vivre l'un sans l'autre, mais le quotidien serait moins simple puisque Facebook me permet toujours d'entrer en contact facilement avec qui je veux, quand je veux, d'organiser en deux clics des fêtes, des rendez-vous, de rester en contact avec la famille lointaine, les amis à l'étranger... Moins engageant qu'un coup de fil ou un sms, Facebook me permet de maintenir ces liens qui, dans les années 1990, auraient été détruits ou distendus par le silence.
Facebook est donc encore dans ma vie, mais je me félicite tous les jours de la mort de la passion des débuts. J'ai autant de sentiments pour lui que pour mon tournevis : c'est juste un outil. Je m'en sers quand j'en ai besoin. J'ai pris le temps de verrouiller mon profil pour protéger ma vie privée et quand bien même je ne l'aurais pas fait, je ne poste quasiment plus jamais d'informations privées ou de photos. Un statut toutes les deux semaines en moyenne, un coup d'oeil sur les profils des autres de temps en temps, un message ici, un bon anniversaire par là, la réception d'une invitation... Facebook est juste un agenda mouvant. D'ailleurs, j'ai remarqué que nous avons tous mûris ensemble, au même moment, nous autres, les utilisateurs de Facebook. Qui compte encore ses « amis » ? Personne. Qui publie encore des statuts adulescents sur ses petits problèmes personnels ? Quasiment personne. Qui publie des photos de son fils ou de sa fille qui se met de la pâte à modeler dans les oreilles ? Plus grand monde. Qui compte encore les «
likes » sous ses statuts ? Franchement, presque plus personne. Facebook n'est plus ce repère d'exhibitionnistes et de voyeurs dont je fis partie et qu'il fut, dans la folie de la découverte, à ses débuts. Dépassionné, il offre une revue de presse permanente, une sélection de papiers, de vidéos, de moins en moins connes, sauf exception. C'est devenu un Twitter de poche, sans l'hystérie lié à cet outil-là ; Facebook est beaucoup plus lent, vit à son rythme, n'est pas collé aux faits d'actualité, ne cherche plus à faire le mariole à coups de bons mots et autres brèves de comptoir. En tout cas, mon Facebook, celui peuplé par mes relations. Peut-être que le Facebook des autres est très différent. À chacun d'usiner son outil pour qu'il corresponde à l'utilisation qu'il veut en faire. Je n'hésiterais plus à supprimer de mes contacts quiconque poste des photos de panda roux huit fois par jour ou se parle tout seul en pleurnichant. Voilà comment ça devait finir : deux ans après ma lettre de rupture, Facebook et moi, on marche encore sur le même trottoir, mais on ne se tient plus par la main. En revanche, de temps en temps, on cause. Et croyez-le ou non, vu qu'on a mûri tous les deux, ce qu'on se dit est souvent intéressant.
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Justin R / Flickr