Qu'est-ce que la grille d'été de France Inter, que représente-t-elle ?
Yann Chouquet : La grille été est une expérience créative avec des grands auteurs, des voyageurs, beaucoup plus de musique, des idées ; c’est un laboratoire. Les grands carrefours de l'information, comme la matinale, le 13 heures et le 18 heures, restent fondamentaux, mais les programmes sont plus légers. Même si nous conservons nos fondamentaux que sont l’information, la culture, l’humour et la musique, les émissions s'intéressent un peu plus à la vie culturelle des festivals par exemple. On sort un petit peu plus du studio que pendant la saison d’hiver.
Quels sont les objectifs de la grille d'été ? Différent-ils de la grille du reste de l'année ?
Yann Chouquet : Que ce soit l'été ou l'hiver, France Inter reste France Inter, une radio qui a l’ambition d’informer, cultiver et divertir. Évidemment, il y a des changements : les producteurs partent en vacances, l’été leur permet de faire un break puisqu’ils prennent peu de congés pendant l’année. Il y a aussi une forme de tradition de « la grille d’été » : pendant la période estivale nos auditeurs aiment découvrir des voix, des voix que l'on entend dans l'année, mais à des endroits différents. Certains chroniqueurs occupent ainsi des postes de premiers plans, comme Dorothée Barba présente tous les matins dans Le 5/7 à 6 h 48 pour sa chronique sur la télévision et les médias. Durant l’été, elle produira et animera entre midi et treize heures le Débat de midi, une émission qui aborde les questions de société.
« Complémentaires lors de l’année écoulée, certaines voix deviennent, pendant l’été, les voix principales de la station. »
On retrouve aussi Christophe Bourseiller, qui officie pendant la saison d’hiver, le soir aux côtés de Laurent Goumarre, et qui présentera cet été une émission culturelle à 9 h le matin. Même chose pour Frédérick Sigrist, Laurent Delmas, Mélanie Bauer, Daniel Fievet, etc. Nos auditeurs ne sont donc pas décontenancés, parce qu'ils connaissent ces voix. Complémentaires lors de l’année écoulée, elles deviennent, pendant l’été, les voix principales de la station.
Les émissions sont-elles enregistrées au fur et à mesure de l'été, ou certaines sont-elles terminées avant le 1er juillet ?
Yann Chouquet : Certaines émissions sont effectivement terminées avant le lancement de la grille d’été, et pour celles-ci nous proposons d’ailleurs une autre chronologie de diffusion : elles sont disponibles à l’écoute depuis le 20 juin pour notre opération « L'été avant l’heure ». C’est le cas, par exemple, de celle de Michka Assayas sur Woodstock, ainsi que celle de Leila Kaddour-Boudadi sur Michel Legrand, qui sont de grandes séries thématiques.
Les habitudes d’écoute et les publics changent-ils l’été ?
Yann Chouquet : C'est le même public, mais les rythmes changent. Une partie des auditeurs est en vacances au cœur de l'été et l’on rythme moins sa vie sur la radio quand on est en vacances.
Comment faites-vous, justement, pour que les auditeurs de podcasts ne se désabonnent pas ou soient trop déçus lorsqu'ils constatent que leurs émissions préférées ne sont pas mises à jour, quelle communication faites-vous à ce niveau ?
Yann Chouquet : Généralement, sur les dernières émissions de l'année, nous demandons au présentateur d’enregistrer un message que nous diffuserons sur le fichier mis dans le flux du podcast. Si vous êtes abonné au podcast de « Par Jupiter », Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek diront : « On vous retrouve à la rentrée, mais pour continuer à écouter France Inter cet été, on vous conseille de vous brancher sur le podcast d’un tel, ou d’une telle, qui vous parlera de ça, etc. » Nous faisons de la préconisation, comme l'année dernière, et en particulier pour les programmes et les animateurs qui ont un lien, par exemple Mathieu Vidard, dont l'émission est consacrée à la science, et Daniel Fievet, qui aborde aussi la découverte et le voyage. Au début du podcast, on envoie un petit message disant : « La Tête au carré s'arrête, mais abonnez-vous à au Temps d'un bivouac de Daniel Fiévet. »
À partir de quand construisez-vous cette grille ?
Yann Chouquet : Généralement je m'y mets avec Laurence Bloch
fin décembre. En février, j'ai déjà une copie terminée à 80 %, et je peux par exemple commencer à lancer la production des séries comme celle de Michka Assayas sur Woodstock. Il faut s'y préparer un peu avant : nous avons des séries qui sont maintenant terminées [l’entretien a été réalisé au début du mois de juin 2019] parce que l'on a commencé la production en février, et la grille est finalisée depuis un mois. Ensuite on affine, il y a des petites détails, nous rentrons vraiment dans des questions de timing, de rythme, avec des conducteurs à la seconde près. Toutes les voix, toutes les chroniques, tous les talents sont trouvés. Maintenant à cette heure, on fait de la mécanique de précision.
Comment jugez-vous du succès d'une émission à la fin de l'été ?
Yann Chouquet : Les indicateurs immédiats en radio sont les retours des auditeurs, qui nous donnent des indications cruciales. Quant aux sondages, ils sont publiés tous les deux mois, nous aurons donc ceux de l’été à la fin du mois de septembre. Le panel sur lequel sont réalisés ces sondages est moins important que ceux de l'année, de ce fait nous les regardons avec prudence. Nous faisons aussi confiance à nos oreilles, tout simplement. Mais tout est complémentaire : si les auditeurs plébiscitent, si nous nous trouvons les émissions vraiment excellentes, si les équipes en interne apprécient le programme, il y a des chances que l’on retrouve ce rendez-vous sur la grille suivante.
« Se faire voler les bonnes idées est aussi un indicateur du succès. »
Il existe également des rendez-vous que j'aurais aimé reconduire d’une année sur l’autre, mais comme ils ont connu beaucoup de succès, les animateurs qui étaient sur le projet se sont vues proposer du travail, donc ne peuvent plus le faire. Se faire voler les bonnes idées est aussi un indicateur du succès, et nous le rencontrons souvent à France Inter, parce que nous lançons beaucoup de gens, qui se font débaucher par d’autres médias, des radios, des journaux, des sociétés de production, etc.
Avez-vous parfois des regrets, sur des émissions que vous avez lancées, ou au contraire que vous auriez aimé lancer sans pouvoir le faire ?
Yann Chouquet : Oui, bien sûr. Nous prenons moins de recul et de temps de réflexion sur le choix d'une case sur la grille d'été que sur la grille d’hiver, donc évidemment il y a des prises de risques qui sont sanctionnées par des échecs, ça arrive, c'est déjà arrivé.
Vous ne basez pas votre programmation d'été sur la rediffusion. Il y en a, mais elle ne constitue pas la part la plus importante des programmes. Est-ce un choix compliqué à tenir ?
Yann Chouquet : Pour être honnête, nous avons un petit volume de rediffusion tout de même, dans la nuit et dans la soirée. Prenons Le grand atelier, produit par Vincent Josse, que l'on rediffuse tous les soirs entre vingt-deux heures et minuit : c'est une émission formidable diffusée le dimanche, entre 15 h et 17 h, sur la grille d’hiver, dans laquelle Vincent Josse donne carte blanche à une grande figure, un artiste, un intellectuel. Cette émission est écoutée une seule fois, mais c'est un programme vraiment intemporel, un grand moment de deux heures avec des personnalités marquantes. Ce n’est pas se moquer de l’auditeur que de le faire réentendre l'été. Il en va de même pour Affaires sensibles — notre blockbuster en ce qui concerne le podcast —, émission diffusée à 15 h durant l’année, et à 20 h l'été. Ce sont des rediffusions assumées, parce que ce sont de très belles émissions.
Ces émissions ont-elles été conçues dans l'idée qu'elles pourraient être rediffusées l'été ?
Yann Chouquet : Nous ne prenons jamais en compte le critère de la possible rediffusion, il est surtout beaucoup plus facile de rediffuser des émissions que l'on appelle de « stock ». Par exemple, lorsque l’on rediffuse La marche de l’histoire de Jean Lebrun, si l’émission est consacrée à Aliénor d'Aquitaine, il y a peu de chance que beaucoup de faits aient changé entre la première diffusion en mars et la deuxième diffusion pendant l'été. C'est la même chose pour Affaires sensibles quand est diffusée une émission sur l'accident du Concorde... Une fois que l'on a déterminé le planning de rediffusion, je dis bien aux producteurs que l'on reste en contact. De toute façon, ces gens-là suivent l'actualité, car, au fond, c'est notre métier. Nous sommes très vigilants : si jamais il y avait une évolution sur le dossier, nous changerions la programmation.
Vous avez tout de même assez peu de rediffusions sur la masse de contenu qui est produite pour l'été, cela représente-t-il un effort budgétaire particulier ?
Yann Chouquet : Non, il n'y a pas de soucis au niveau budgétaire. Durant l'été, il y a un public à conquérir pour France Inter, et il en va de même pour France Culture, qui propose une très belle grille. Le service public, l'été, s'adresse à des gens qui ont plus de temps, nous devons donc leur proposer de bonnes émissions à écouter en longueur, car c’est une saison idéale pour prendre le temps d'écouter de la radio.
« Ce n’est pas parce qu'il y a moins d'écoute en audience cumulée qu'il faut la négliger la durée d'écoute. »
C'est vraiment un investissement sur les audiences de la rentrée. L'enveloppe budgétaire est moins importante, mais nous ne diminuons pas l’exigence pour produire ces grilles d'été. Ce n’est pas parce qu'il y a moins d'écoute en audience cumulée qu'il faut négliger la durée d'écoute, c’est ce sur quoi nous misons. Nous ne souhaitons pas donner à entendre un sous-programme à des auditeurs qui ont l’occasion d’écouter la radio plus longtemps.