Le moteur Google Search ne peut pas traiter toutes les requêtes pareillement. Les ingénieurs s’en sont notamment aperçus le 11 septembre 2001. Alors que l’effondrement des Twin Towers était relayé en direct par les chaînes de télévision du monde entier, et que les stations radio avaient interrompu leurs programmes pour commenter la catastrophe, les internautes effectuant sur Google Search la requête « World Trade Center » étaient redirigés vers des pages qui ne mentionnaient pas les attentats en cours(2). Dans les mois qui suivirent, un employé de Google, Krishna Bharat, décida de spécifier un champ d’indexation où ne seraient intégrés que des sites identifiés au préalable comme étant spécialisés dans le traitement de l’information d’actualité(3). Sur ces sites, les robots d’indexation de Google appelés crawlers, chargés de prendre connaissance du contenu, augmenteraient la fréquence de passage de sorte que le moteur puisse indexer les articles quelques minutes après leur publication. C’est ainsi que Google Actualités vit le jour. Dès lors qu’une requête serait effectuée par un internaute sur le moteur de recherche généraliste, et que le dispositif identifierait qu’elle était possiblement liée à un événement d’actualité, un transfert serait proposé depuis la liste de résultats produite par le moteur généraliste Google Search vers une liste produite par le moteur spécifique Google Actualités. Le fait de proposer à l’internaute de transférer sa requête vers un type de contenu spécifique permettrait de spécifier la nature du besoin d’information et de maximiser ainsi les chances de satisfaire ce besoin.
Google Search est en situation de quasi-monopole dans l’Union européenne avec plus de 90 % des parts de marché. Mais les moteurs spécifiques de Google, quant à eux, ont des concurrents. Kelkoo est un concurrent de Google Shopping, Expedia de Google Flights, Allociné de Google Movies, ViaMichelin de Google Maps. Dès lors, le fait d’intégrer les moteurs spécifiques au moteur généraliste pourrait constituer un abus de position dominante : utiliser le monopole de Google Search pour concurrencer déloyalement les homologues de Google Shopping, Google Flights, Google Movies, Google Maps, etc. Cette situation n’est pas sans faire penser à l’affaire ayant valu à Microsoft une amende de près d’un demi-milliard d’euros réclamée par la Commission et confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne, cela parce que l’entreprise avait utilisé sa position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation pour concurrencer déloyalement les acteurs du marché des lecteurs multimédia, en installant par défaut Windows Media Player sur les ordinateurs clients du système d’exploitation Windows.
En échange de services gratuits, les internautes laissent Google monnayer des données les concernantContrairement au moteur de recherche, de nombreux services développés par Google exigent qu’on s’identifie en créant un compte personnel pour pouvoir les utiliser. Les listes de résultats adressées par Google Search à l’utilisateur de Gmail, Google Agenda, Google Plus, etc., pourront ainsi être personnalisées. Le navigateur Chrome permet quant à lui de mieux comprendre les parcours de navigation des internautes. Grâce au système d’exploitation Android, Google peut suivre les internautes en mobilité, ailleurs que dans le seul cadre de l’ordinateur connecté à Internet. Le projet « Google Glass » poursuit le même objectif : accompagner l’individu partout. Les données récoltées par les différents services sont traitées et recoupées de façon à enrichir ce que Google appelle « l’expérience utilisateur » tout en donnant de la valeur aux services monnayés par la firme sur le marché de la publicité. En échange de services extrêmement qualitatifs et gratuits, les internautes laissent Google enregistrer et monnayer des données les concernant.
La firme Google est le plus important acteur mondial du marché de la publicité en ligne, mais elle n’y est pas pour autant en position de monopole. Elle a de sérieux concurrents desquels elle doit se démarquer (par exemple la régie Ligatus). Sur ce marché, Google pratique la vente directe, en proposant aux annonceurs d’afficher des publicités sur les pages de résultats de son moteur et sur les pages de certains de ses services qui ne sont pas directement liés à la recherche, comme Gmail. Google est également un intermédiaire : la firme lie des partenariats avec des éditeurs en distribuant sur les pages de leurs sites web les annonces de ses clients annonceurs ; les revenus sont alors partagés entre l’éditeur et Google.
Le fait de détenir un moteur de recherche est, là encore, central. Google Search permet de connaître les besoins d’information exprimés par un internaute, et de distribuer des publicités en rapport avec ce besoin sur les pages de Google directement, ou bien sur les pages des éditeurs partenaires du réseau de syndication.
L’activité d’intermédiation pose à nouveau certains problèmes de concurrence : la firme utilise-t-elle la position monopolistique de son moteur de recherche pour être plus attractive sur le marché de l’intermédiation publicitaire ? Autrement dit, Google Search sert-il d’argument auprès des annonceurs, qui préfèreraient distribuer des publicités chez les éditeurs partenaires de Google simplement parce que Google a aussi un moteur de recherche qui lui permet de mieux connaître les besoins et les centres d’intérêt des internautes ?
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