Hunan Broadcasting Group, nouveau conglomérat tourné vers l'international
La contraction au tournant du millénaire est donc difficile pour ces jeunes stations de télévision en plein développement, notamment pour Hunan TV qui vacille pour la première fois et traverse une crise financière sérieuse. La chaîne fait pourtant le pari de persister sur la voie de la commercialisation : en 2002, Hunan TV décide de se concentrer uniquement sur les 16-24 ans. Elle supprime ainsi de sa grille toutes les émissions généralistes et produit toujours plus de séries, de talk-shows et de jeux, tout en cherchant à tirer profit de toutes les retombées commerciales possibles. En cela, Hunan TV confirme une fois de plus qu’elle reste à la pointe de ces réformes et mutations, les précédant souvent et avec succès.
Même d’un point de vue structurel, Hunan TV évolue rapidement. Dès 1997, le groupe scinde ses opérations. Toutes ses activités non liées à l’information sont transférées vers la structure Hunan TV & Broadcast Intermediary Corporation. Celle-ci entre à la Bourse de Shenzhen en 1999 . Un mouvement qui se révèle trop audacieux pour la SARFT qui interdit temporairement de telles pratiques. Cependant, cette pratique est prônée quelques années plus tard comme ligne de conduite à suivre. Hunan TV opte donc pour la diversification et l’intensification de ses activités commerciales dans un environnement qui lui permet de développer ces opportunités de synergie. Ces deux dernières années, des accords de partenariat cruciaux ont ainsi été conclus pour démultiplier le champ d’action de Hunan TV. Déjà propriétaire du label EEMedia, qui représente certains des plus célèbres artistes chinois et développant beaucoup de séries télévisées et de programmes musicaux, HBS se lance encore plus en avant. En 2009, Hunan TV crée la société de production et de distribution Shengshi Films, en association avec Shanda International. L’entreprise dispose d’un capital de 600 millions de yuan renminbi principalement fourni par Shanda. Shanda est loin d’être un partenaire anodin. Il s’agit en effet du leader en Chine des ultra-populaires jeux en ligne et il possède également une maison d’édition, offrant ainsi de vastes possibilités de synergie et de déclinaison d’un même produit ou contenu via différents supports.
Hunan TV cherche résolument à accéder aux opportunités créées par les nouveaux médias. En effet, les perspectives sont intéressantes : le taux de croissance de la publicité vidéo en ligne devrait augmenter de 35 % à 45 % dans les 5 années à venir, avec un
marché estimé à 5,2 milliards de dollars en 2014. Dans la lignée de Happigo, une chaîne de télé-achat lancée en 2006, Hunan TV s’allie en 2009 à Taobao.com, l’équivalent chinois d’eBay, et en 2010 à QQ, le logiciel chinois de messagerie instantanée et véritable réseau social. Un autre accord, toujours en 2010, conclu avec AdChina lui apporte expertise en B2C et en e-commerce. Comme l’a déclaré
Ruobo Zhang, CEO de Hunantv.com: « Hunantv.com […] a construit une ligne de produits de divertissement qui intègrent l’actualité, la vidéo en ligne, les réseaux sociaux, les jeux en ligne et des services
via Internet, la téléphonie mobile et la télévision digitale […] ».
Dans le domaine télévisuel, deux avancées majeures récentes consacrent son nouveau statut de groupe médiatique national et international. D’une part, Hunan TV rachète en 2009 Qinghai TV, chaîne de la province du Qinghai, une région pauvre et désertique du sud-ouest de la Chine. D’autre part, elle crée une société de production chargée de toute la programmation de Qinghai TV, hormis évidemment les actualités locales. Hunan TV détient la majorité des parts de cette nouvelle société et fournit la majeure partie de son personnel. Bref, un rachat, mais qui semble profiter à tous avec une
hausse de 174 % des téléspectateurs de QTV entre décembre 2009 et mars 2010. Son image est désormais celle de la chaîne « verte » du groupe, en accord avec la nature rurale et sauvage du Qinghai lui-même.
Hunan TV aspire également à s’implanter à l’étranger et c’est le premier émetteur provincial à s’imposer. Elle est présente via satellite depuis 2000 aux États-Unis. En 2002, elle lance une chaîne satellite internationale, The Global Channel, basée à Hong Kong, lui donnant ainsi plus d’autonomie vis-à-vis des autorités de tutelle de la partie continentale. En 2004, elle rejoint le « Great Wall Chinese TV Network », un bouquet de chaînes chinoises accessible sur abonnement. Désormais implantée au Canada, en Australie, à Hong Kong, en France, au Mexique, au Brésil et à Taiwan, entre autres, Hunan TV est le diffuseur provincial chinois le plus populaire à l’étranger.
Mais sa vision évolue. Retransmettre des programmes destinés au public chinois de la partie continentale à sa communauté expatriée n’est plus suffisant. C’est la raison pour laquelle elle ouvre en avril 2010 MangoTV, dédiée exclusivement à la diffusion par satellite d’un contenu entertainment. La chaîne est ainsi résolument tournée vers l’extérieur : des campagnes internationales sont lancées pour recruter des présentateurs et des candidats parmi les Chinois de la diaspora et il est largement tenu compte dans la programmation du caractère globalisé de ces nouveaux publics. Comme le prouve l’évolution de son slogan : de « Kuai le Zhongguo » (« La Chine heureuse ») à « Kuai Le Quan Qiu Hua Ren » (« Les Chinois du monde entier heureux »). Et même au-delà. Car la Chine et les Chinois, où qu’ils se trouvent, ressemblent de plus en plus culturellement et socialement du reste du monde. C’est en prévision de ce rapprochement et pour conserver sa prééminence que la Chine s’est lancée dans une telle refonte de son secteur télévisuel.
Aujourd’hui, renforcée par sa position de force au sein de l’économie mondiale après la crise de 2008 qui lui a ouvert les portes des marchés internationaux, la Chine se sent désormais capable d’affronter les compagnies transnationales sur leur propre terrain. Car, comme
Zhang Huali, vice-président de
Hunan Satellite TV, l’expliquait en 2000 « C’est seulement lorsqu’une telle situation se produit que des groupes peuvent émerger, et alors seulement nous pourrons concurrencer des compagnies internationales comme Murdoch […] Autrement, quels que soient les efforts faits par le gouvernement pour apporter nos chaînes en Europe ou en Amérique, seuls les Chinois de l’étranger les regarderont ».