Une nouvelle forme de communication
Le succès d’Instagram est entièrement corrélé à l’essor des smartphones et aux nouveaux usages qu’ils induisent. Au premier trimestre 2013, il s’en est vendu plus de 216 millions dans le monde. La génération des digital natives, férue de réseaux sociaux, impose une nouvelle forme d’expression basée sur l’instantané et le visuel. En 2013, plus de 80 % des mobinautes prennent des photos avec leur mobile. La photo remplace soudain le message électronique ou le SMS pour dire « je suis là ».
Petit à petit, chaque moment du quotidien est partagé : petit déjeuner, dernier achat mode, exposition tout juste visitée, vacances au bord de la mer… Certes passée à la moulinette du filtre, la vie privée de cette communauté grandissante est paradoxalement exposée sans filtre dans ses moindres détails. Le pendant de cette exposition permanente est une certaine uniformisation esthétique qui n’échappe pas à la standardisation. Cette recherche esthétique amène, en outre, une forme de scénarisation du quotidien allant jusqu’à provoquer quelques dérives. Ainsi des restaurateurs new yorkais, excédés de voir les clients dégainer leurs smartphones à tout bout de champs (le phénomène porte même un nom : foodstagram) ont interdit l’usage d’Instagram dans leurs établissements.
Le succès rapide d’Instagram, et ce zapping frénétique d’un réseau social à l’autre, a accéléré le rythme d’introduction de nouvelles habitudes dans notre quotidien. Le vocabulaire se modifie (instagrammer entre dans le langage des utilisateurs), les hashtags deviennent un nouveau tic de langage, les lolcats envahissent les réseaux sociaux… Petit à petit ces nouveaux usages se professionnalisent : Barack Obama, après Twitter, utilise Instagram pour sa campagne présidentielle, le New York Times publie une photo Instagram en couverture, les « peoples » s’y ruent pour faire leur promotion (Rihanna, Madonna). Instagram n’est plus simplement un environnement de loisir : y être c’est aussi contrôler son image.
Enfin, la force d’Instagram réside dans la constitution d’une communauté très active. Au départ simple plateforme de partage de photos avec des inconnus, l’application devient un réseau puissant avec ses propres codes (peu de politique, un optimisme de rigueur affiché en toutes circonstances, peu de critiques frontales, etc.) et ses amitiés virtuelles ou réelles qui se multiplient, like (aiment) les photos des autres, commentent voire se mobilisent autour d’événements.