Internet et le règne du « fake »
Dans Virtual Unreality, le journaliste Charles Seife explique comment le numérique a permis à n’importe qui de prendre en otage l’information et de la manipuler.
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Dans Virtual Unreality, le journaliste Charles Seife explique comment le numérique a permis à n’importe qui de prendre en otage l’information et de la manipuler.
Internet est sûrement la plus grande révolution technologique de ces dernières décennies. Grâce à lui, le monde entier (ou presque) peut accéder à l’information. Mais si Internet a, en un sens, élevé les consciences, il autorise aussi n’importe qui à travestir l’information et donc à manipuler la vérité. C’est contre cette dérive que Charles Seife décide de lutter dans Virtual Unreality, afin d’aider son lecteur à discerner le vrai du faux sur le web.
En 2011, alors que le soulèvement débutait en Syrie, la jeune Amina Arraf décrivait son quotidien difficile sur son blog Gay Girl in Damascus. Des médias et des internautes du monde entier s’en sont vite émus. Seulement voilà, si personne n’a jamais vu Amina en vrai, c’est que tout était faux. Amina s’appelait en fait Tom MacMaster, un étudiant d’Edimbourg. Frustré de ne pas être pris au sérieux sur Internet pour son opinion sur la révolution syrienne, il a créé de toute pièce l’identité numérique d’Amina, pour donner à ses idées une crédibilité. L’ère digitale « a rendu plus facile la création et l’entretien d’une marionnette et, par conséquent, a augmenté notre susceptibilité à être manipulé par de fausses personnes » explique Charles Seife. Il est impossible de rencontrer la plupart des gens avec qui nous interagissons en ligne. Nous créons des avatars et leur donnons l’identité que nous voulons, et ceux-ci ne correspondent pas tout à fait à qui nous sommes réellement. Charles Seife définit plusieurs types d’usurpateurs, mais dans la plupart des cas, l’objectif reste le même : gagner en autorité et en attention. L’autre versant de la problématique autour des fausses identités sur Internet réside dans l’utilisation mercantile de l’intelligence artificielle, toujours plus adaptée à celle de l’Homme. Au-delà des fausses jeunes femmes sur les sites de rencontres et les arnaques visant à soutirer de l’argent, les « bots » prennent de plus en plus d’importance. Ces petits programmes algorithmiques n’ont pas vocation à imiter l’Homme, mais à feindre un effet de masse. « Ce sont comme des marionnettes sous stéroïdes », explique le journaliste. Créés en masse, ils peuvent être achetés pour diverses raisons, la plupart du temps malhonnêtes. Et là encore, des politiques en abusent. Ce fût le cas en 2011, lorsque le candidat américain à la primaire républicaine Newt Gingrich revendiqua 1,3 million de « followers » sur Twitter, soit « six fois plus que tous les autres candidats réunis. » Il aura fallu qu’un de ses anciens conseillers se confie pour que le pot-aux-roses soit dévoilé : les followers avaient été achetés. Au-delà du ridicule de la manœuvre, cette histoire révèle comment n’importe qui peut tenter d’améliorer son image et sa crédibilité en achetant l’adhésion d’une masse fictive pour une poignée de dollars. Et face à ce genre de contrefaçons de l’information, les journalistes ont de plus en plus de mal à distinguer le vrai du faux.
Vous n’avez pas pu passer à côté de ces vidéos rapides et rythmées qui pullulent sur les réseaux sociaux. Il est probable que ces contenus aient été produits par des médias présents uniquement sur ces plateformes. Le concept, né aux États-Unis, est aujourd’hui en train de se développer en France