Des conflits de plus en plus contemporains et réalistes
Le premier jeu de tir à la première personne
, Wolfenstein 3D (1991), propulsait le joueur en pleine Seconde Guerre mondiale. Mais le jeu suscita à sa sortie une telle controverse (à cause de sa violence considérée comme excessive et de la représentation omniprésente de symboles nazis) que l’industrie délaissa pendant presque une décennie les thématiques de conflits réels pour ce type de jeux. La science-fiction (plus politiquement correcte, où le joueur affronte souvent des extra-terrestres ou des êtres mutants) a donc longtemps été la thématique dominante des jeux de tir à la première personne, jusqu’au retour de la représentation de conflits armés réels à partir de la fin des années 1990. Les séries Medal of Honor (1999), Battlefield (2002) et Call of Duty (2003) sont devenues des best-sellers en proposant des jeux historiques où le joueur incarnait un soldat allié durant la Seconde Guerre mondiale. L’esthétique de ces jeux était à l’époque très hollywoodienne, rappelant les superproductions cinématographiques contemporaines telles que Il faut sauver le soldat Ryan (1998). Ces trois licences de jeux vidéo ont connu une évolution similaire en délaissant, à la fin des années 2000, la Seconde Guerre mondiale pour les conflits contemporains (Call of Duty 4 en 2007, Battlefield 3 en 2011 et Medal of Honor en 2010).
Les éditeurs ont désormais coutume de consulter des officiers de l’armée pour élaborer leurs jeux
Le réalisme est peu à peu devenu un argument de vente pour les jeux vidéo de guerre
et les éditeurs ont désormais coutume
de consulter des officiers de l’armée pour élaborer leurs jeux. Ce rapprochement atteint son paroxysme lorsque l’armée américaine décide de développer ses propres jeux, pour l’entraînement des marines (comme avec
Marine Doom en 1996) ou pour promouvoir l’armée auprès du public (avec le développement de
America’s Army en 2002 ou la participation au financement de
Full Spectrum Warrior en 2004).
Sur le plan visuel, l’esthétique des jeux de guerre à gros budget comme Battlefield 4 (2013) retranscrit les interventions américaines récentes au Moyen-Orient.
Qui dit jeu de guerre réaliste dit théâtre de guerre cohérent. Le Moyen-Orient est ainsi largement mis à contribution dans les jeux de guerre récents, suivant la logique des interventions militaires américaines dans la région depuis l’administration de Georges W. Bush et
la politique du « War on Terror ». Les interventions militaires en Irak et en Afghanistan ne sont cependant pas toujours mentionnées comme telles dans les jeux. Le tabou de la guerre est encore fort pour les opérations les plus récentes, et l’éditeur de jeux vidéo Konami en a fait les frais,
contraint d’annuler la sortie de son jeu Six Days in Fallujah en 2009. Les jeux de guerre à gros budget comme ceux de la série
Call of Duty sont souvent fictifs, se déroulant dans un futur proche et/ou dans une zone géographique archétypique sans nom (dans
Call of Duty 4, le pays du Moyen-Orient dans lequel évolue le joueur n’est ainsi jamais nommé).
Tout est cependant fait pour rappeler aux joueurs les opérations militaires en Irak ou en Afghanistan : les uniformes portés par les soldats, les armes disponibles (drones predator, bombardier AC 130) et l’esthétique de ces jeux s’inspirent fortement de la réalité. L’industrie évolue cependant, et les jeux retranscrivant spécifiquement les opérations militaires américaines
en Irak et
en Afghanistan se multiplient. Et s’il est indéniable que le développement des jeux de guerre contemporains et « réalistes » a pour conséquence une surreprésentation des opérations au Moyen-Orient, la représentation des territoires de guerre et des forces ennemies obéit souvent à des logiques plus diverses que la simple recherche du réalisme.