La banque Citigroup va-t-elle faire disparaître la maison de disque EMI ?

Après l’affaire Terra Firma contre Citigroup, la célèbre maison de disque EMI risque de se retrouver aux mains d’une banque américaine et d’être rachetée par Warner Music.
Temps de lecture : 2 min

Dans la lutte entre Terra Firma et Citigroup, la maison de disque EMI joue son avenir. Guy Hands, à la tête du fond d’investissement Terra Firma qui possède le célèbre label, a en effet intenté un procès fin 2009 contre la banque Citigroup, l’un des plus grands créanciers d’EMI détenant 4,2 milliards de dollars de dette. Guy Hands reproche à la banque d’avoir fait monter les enchères de façon déloyale lors de l’achat d’EMI en 2007. Citigroup, dirigé par David Wormsley, aurait poussé Terra Firma à surenchérir sur le fonds Cerberus Capital Management, alors que celui-ci se serait déjà retiré des enchères à ce moment-là. Pour cet achat, Terra Firma a donc contracté un emprunt de 3.8 milliards de dollars auprès de cette banque. Selon Guy Hands, cette somme était bien trop élevée surtout dans un contexte difficile pour l’industrie du disque. Dans cette opération, Citigroup a gagné pas moins de 185 millions de dollars.



Guy Hands (à gauche) et David Wormsley (à droite)

Cette affaire est décisive pour l’avenir de la maison de disque EMI qui compte dans son catalogue des artistes renommés comme Gorillaz, Coldplay, David Guetta, les Beatles ou Pink Floyd. En effet, EMI est actuellement en grande difficulté financière et a du mal à affronter la contraction du marché du disque et la concurrence d’Internet. Elle avait indiqué en mai 2009 qu’elle allait recevoir des fonds de Terra Firma afin de ne pas se retrouver surendettée et de ne pas pouvoir honorer ses échéances bancaires. Si Citigroup remporte le procès, cela signifie que la maison de disque appartiendra alors à la banque pour presque rien. Le risque est de taille pour EMI qui pourrait alors être revendue morceau par morceau dans l’intérêt de Citigroup.

Très récemment, le juge du tribunal de l’US District Court à Manhattan a tranché en faveur de Citigroup, affirmant que l’opération était du « mauvais business » mais ne constituait pas une « fraude ». Selon David Wormsley, le résultat du procès montre bien que « les accusations irresponsables de Terra Firma n’étaient rien de plus qu’une tentative mal inspirée d’avoir plus de poids dans des négociations de restructuration de dette », a-t-il commenté dans un communiqué. Pour lui, le verdict a été « un moment d’émotion incroyable » selon le New York Times.

La situation actuelle est donc très compliquée pour Terra Firma puisque la société doit rembourser 4.1 milliards de dollars à Citigroup avant le mois de mars 2011. Si le fonds d’investissement ne parvenait pas à injecter assez d’argent - afin d’éviter de perdre totalement le contrôle d’EMI - Citigroup prendrait alors les rennes du label et pourrait décider de le vendre à Warner Music qui convoite le label depuis longtemps. La seule solution de Guy Hands pour garder le contrôle d’EMI est de négocier lui-même la vente ou une restructuration du capital avec Citigroup.

L’achat d’EMI en 2007 pour 5.5 milliards de dollars passe pour être la plus mauvaise opération de ces dernières années, ce qui a poussé des artistes comme Paul McCartney ou Radiohead à signer ailleurs, si bien que la maison de disque est surnommée depuis « Every Mistake Imaginable ». Guy Hands a notamment été critiqué pour son manque de compréhension des musiciens et des artistes. Il a pourtant été l’un des investisseurs britanniques qui a le mieux réussi, en achetant et vendant des sociétés comme Angel Trains et les cinémas Odéon en réalisant de bons profits. Pourtant ce dernier tient à délivrer encore un message positif au Telegraph : « Je continue à me concentrer sur mes investisseurs, comme cela a toujours été tout au long de ce processus. Lundi matin je serai donc de retour pour m’occuper de leurs 3.3 milliards de dollars qu’il nous reste à investir et maximiser la valeur des 41 milliards de dollars du portefeuille que Terra Firma gère en leur nom ».

En conséquence EMI a perdu cette année le marché britannique au profit de Warner, même si elle a augmenté ses parts dans le marché américain. EMI affiche donc une perte annuelle de 85.5 millions de dollars pour la saison 2009/2010. À la suite de ce procès retentissant, Providence Partners et Apax Partners seraient déjà intéressés pour investir dans le label, profitant de la perte d’influence de Guy Hands. D’autres sociétés pourraient également être intéressées par le rachat d’EMI comme Sony/ATV Publishing, une filiale de Sony Corp et de la société de Michael Jackson, ou BMG Rights Management, une filiale du fonds d’investissement Kohlberg Kravis Roberts & Co et rattaché au groupe média Bertelsmann.

A voir aussi

- Richard Wachman, “Guy Hands's $4bn purchase of EMI sounded off-key from the start”, The Guardian, 4 novembre 2010

- Helia Ebrahimi and Amanda Andrews, “David Wormsley: EMI verdict was 'an incredibly emotional moment'”, The Telegraph, 21 novembre 2010

- Grant McCool, “Citigroup defeats fraud claim over EMI deal”, Reuters, 4 novembre 2010

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