Une institution hégémonique ?
La décennie 2000 a été marquée par le développement du numérique et en parallèle des offres de la BBC. Sur Freeview, le système numérique terrestre, la BBC propose désormais neuf chaines de télé tandis qu'Internet et le DAB offrent une dizaine de chaines de radio BBC nationales.
Les accusations d'hégémonie et de concurrence déloyale au détriment du marché privé, sont anciennes, mais ont redoublé ces dernières années. Les libéraux et la presse de droite ne manquent jamais une occasion de pointer les manquements de ce "monstre étatique". En 2009, au festival de télévision d'Edimbourg, James Murdoch, vice-président du conglomérat News Corp. de son père Rupert Murdoch, et président de BskyB (le bouquet satellitaire Sky) a attaqué frontalement l'expansion du service public. Extraits choisis : "Ce qu'il faut c'est une BBC beaucoup, beaucoup plus réduite"... "Sa taille et ses ambitions donnent "la chair de poule".... "La progression du journalisme financé par l'Etat" représente "une menace pour le pluralisme".
Plus inquiétant pour la corporation, le dernier ministre de la Culture travailliste, Ben Bradshaw, semblait partager cet avis. "La BBC a atteint les limites du raisonnable en matière d'expansion", suggérait-il, en envisageant une redistribution partielle de la redevance au profit de télévisions locales à créer et une réforme du BBC-Trust, l'organisme de contrôle jugé trop conciliant avec le management.
Mais c'est sans doute la perspective d'une victoire des Conservateurs aux élections générales, - victoire effective en mai 2010 - qui a poussé la BBC à devancer des mesures contraignantes. Les Conservateurs sont traditionnellement critiques à l'égard de la BBC et très sensibles aux arguments de Sky, des journaux papiers contrôlés par News Corp. et du secteur privé en général.
Mark Thomson s'est donc engagé dans un plan pour "réduire la voilure". Une stratégie définie dans un document de mars 2010 baptisé "Putting Quality First" soumis à l'examen et à l'accord du BBC Trust, l'organe de régulation de la corporation. La BBC a proposé un vaste plan d'économie, 600 millions de £ pourraient être réaffectés à la production de programme de "haute qualité".
Dans le catalogue de mesures, on peut noter le gel des salaires et la suspension des bonus pour le top management (aux niveaux de salaires très critiqués), une réduction de l'échelle du site internet : son budget sera diminué de 25 %. La BBC a également proposé de fermer deux radios digitales, BBC Asian Network et BB6 Music, dont les audiences restent confidentielles. En juillet 2010, le Trust a accepté dans une large mesure les réformes proposées par la direction de la BBC, à l'exception remarquée de la fermeture de Radio 6Music. Il a estimé que l’intérêt de cette mesure n'était pas établi.
Une large mobilisation a certainement permis de sauver cette radio. La campagne sur Facebook "Save 6Music" a réuni 180 000 suiveurs et le Trust a reçu 50 000 réponses online lors de la consultation du public : 78 % concernaient 6Music. L'affaire est déjà analysée comme une victoire des médias sociaux.
Cependant, l'horizon n'est pas tout à fait éclairci pour la BBC. Jérémy Hunt, le nouveau ministre de la Culture continue à parler de gaspillage et évoque une baisse de la redevance, la liant aux mesures d'austérité prises par le gouvernement. L'agenda est favorable aux tractations : cette redevance doit être renégociée à partir de 2011 (pour une application à partir de 2012), tandis que Sir Michael Lyons, le président du Trust voit son mandat arriver à expiration au printemps prochain. Il a déjà annoncé qu’il ne voulait pas le renouveler.