Le cas Nintendo : la casualisation par une jouabilité résolument plus accessible
Peu après la sortie de la Wii, les gens [...] ont commencé a percevoir la Wii comme une machine casual, et placé les consoles de Microsoft et Sony [comme] des machines exclusivement dédiées aux passionnés de jeux vidéo.
Il est impossible de penser le succès de jeux comme
Le programme d'entraînement cérébral ou
Wii Fit sans prendre en compte le support qui les accompagne. Nintendo, un constructeur qui avait toujours accordé plus d’importance que ses concurrents à l’aspect démocratique et familial de ses machines comme de ses jeux,a été un pionnier de la casualisation des jeux vidéo, en proposant des équipements de jeu bien plus conviviaux et intuitifs que les standards de la concurrence. La console portable Nintendo DS, sortie en 2004 en Amérique du Nord et au Japon puis en 2005 en Europe, proposait une nouvelle manière de jouer à l'aide de son écran tactile et de son stylet, technologies jusque-là réservées aux smartphones et reproduisant le geste quotidien de manier un stylo. La simplicité de ces contrôles, ainsi que la grande diversité de jeux produits destinés à tous les publics (
Mario Kart,
Nintendogs,
Cooking Mama) a permis à la console de connaître un immense succès et fait de Nintendo un des grands acteurs de l'accession de nouveaux publics au jeu vidéo. La DSi XL, nouvelle version de la console sortie en 2009, confirmait l'orientation prise par Nintendo sur le marché : incluant le
Programme d'entraînement cérébral et équipée d'un écran plus grand et plus lumineux que celui de la DS originale, la console se rendait accessible à un public plus âgé.

Tableau : liste des 20 jeux les plus vendus de tous les temps sur tous les supports par le site
VGChartz. On note la prédominance de Nintendo, à la fois consolier et éditeur de jeux à succès. La liste montre, à quelques exceptions près (comme la présence de Grand Theft Auto à la 18ème place, jeu emblématique d’un public adolescent et masculin), une dominante de titres conviviaux et à vocation familiale :
Wii Sports, Wii Play, Mario Kart… D’autres, comme
Nintendogs ou
Brain Age (le
programme d’entraînement cérébral) sont aujourd’hui emblématiques du succès de la démarche
casual de Nintendo.
Le succès de la Wii, produite à partir de 2006, a suivi la même logique et séparé le marché des consoles de salon en deux : d'un côté les constructeurs
Microsoft et Sony, de l'autre Nintendo.
La Xbox360 et la PS3, sorties respectivement en 2005 et 2006/2007, suivent la logique traditionnelle du marché des consoles de jeu : une puissance de calcul accrue permettant d'afficher des graphismes plus perfectionnés, une multiplication des possibilités multimédias...

En revanche les commandes, comme les types de jeu produits, restent sensiblement identiques par rapport aux générations de consoles précédentes. Avec la Wii, Nintendo a pris un chemin radicalement différent : plutôt que de tenter d'égaler technologiquement ses concurrents, le constructeur a décidé de concevoir une console moins performante mais moins chère, et entièrement basée sur une innovation de jouabilité : la détection de mouvements.
En simplifiant volontairement le système de contrôle, Nintendo s'est détourné d'une partie du public traditionnel des jeux vidéo mais a ouvert un marché là où il n'existait pas encore. Il s'agissait moins avec la Wii de cibler un public particulier que d’agrandir le marché et les utilisateurs potentiels. Les commandes simples et intuitives induites par la détection de mouvements, associées à des jeux de lancements conviviaux comme
Wii Sports (Nintendo) ou
Rayman contre les lapins crétins (UbiSoft), ont permis de séduire des publics familiaux et intergénérationnels en quête de divertissement simple et rapide. Avec près de 50 % de parts du marché des consoles de salon, Nintendo a clairement démontré le succès d'une politique commerciale basée sur l'ouverture. Les lancements en 2010 des systèmes Move par Sony et Kinect par Microsoft, en souhaitant égaler Nintendo sur le plan de la détection de mouvements, ont montré la préoccupation des deux constructeurs pour le marché casual désormais accaparé par leur concurrent.