La chronologie des médias à la croisée des chemins

La chronologie des médias à la croisée des chemins

Les professionnels du cinéma ont récemment annoncé l'absence de modification à la chronologie des médias. Cette position, à contretemps des évolutions technologiques et des pratiques de consommation, semble difficilement tenable.
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On appelle chronologie des médias les écarts temporels qui sont fixés entre la sortie d'un film en salles et sa diffusion sur d'autres supports comme le vidéogramme (Dvd, Blu-ray…), la VOD, la télévision… L’apparition de la télévision puis de la vidéo a motivé une intervention de la puissance publique visant à réserver des « fenêtres » d’exploitation aux différents acteurs de la filière cinématographique afin d’éviter une concurrence inéquitable entre ces derniers. La France a pour particularité de déterminer une grande partie de la chronologie des médias par des décisions de la puissance publique (loi, décret, arrêté…). Le distributeur Ad Vitam l’a récemment appris à ses dépens au sujet du film d’Amos Gitaï Roses à crédit. Ce long métrage était à l’époque programmé pour passer sur France 2 début 2011. Néanmoins, le réalisateur du film a tout de même souhaité que son film soit exploité en salles avant cette date. Le CNC a rappelé qu’il est impossible qu’un film préalablement exploité au cinéma soit diffusé sur une chaîne de télévision quelques semaines plus tard. Le président de la commission d'agrément du CNC, Frédéric Brillion déclarait à l’époque : « on ne peut pas accepter qu'un film soit diffusé sur une chaîne non payante seulement trois mois après sa sortie en salles. Si on remet en cause la chronologie des médias, c'est la mort de l'économie du cinéma »(1). La démonstration paraît faite qu’il n’y a en France pas place pour l’improvisation et l’expérimentation en matière de chronologie des médias.

Pour autant, les chaînes de télévision n’ont pas manqué d’adopter des solutions originales permettant de contourner cette chronologie. Récemment, c'est la dernière réalisation d'Olivier Assayas, Carlos, qui a fait office d'expérimentation et qui démontre qu'il est assez simple de passer outre les textes relatifs à la chronologie des médias. Le film a été diffusé en premier lieu dans une version longue sur la chaîne Canal+ avant de sortir dans une version raccourcie au cinéma. Ainsi, la version longue a été diffusée sur la chaîne cryptée en mai 2010 tout en étant disponible par le biais du canal de « Catch-up tv » de la chaîne avant de sortir début juin 2010 en DVD. La version courte est pour sa part sortie au cinéma le 7 juillet 2010 ; elle fut donc encadrée par les règles de chronologie des médias. Au-delà de l’imagination des chaînes de télévision, l’apparition de nouveaux acteurs et de nouvelles méthodes de consommation des films pressurise la chronologie des médias. Ainsi, la multiplication du piratage des films sur Internet(2) et la multiplication des offres offensives de VOD par abonnement, telles que celles proposées par Netflix – qui compte 26 millions d’abonnés dans le monde en 2011 –, peut laisser à penser que la chronologie des médias doit s’adapter à ces évolutions sociétales. En effet, le piratage malmène par définition les délais de la chronologie (le film Drive était par exemple disponible sur Internet en haute définition plusieurs semaines  avant sa sortie DVD, Blu-ray et VOD le 8 février). Pour ce qui est des opérateurs proposant des abonnements forfaitaires pour accéder à un catalogue de films en VOD (SVOD), ils sont fortement handicapés par la chronologie qui ne leur permet que de proposer des films sortis en salles il y a au moins 36 mois. Au vu de ces phénomènes, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de conserver une chronologie des médias rigide. Le CNC a organisé il y a quelques jours une réunion avec les acteurs de la filière cinématographique afin de déterminer si, comme le prévoit l’arrêté du 9 juillet 2009,  la chronologie des médias doit évoluer ou rester inchangée. Il est ressorti de cette réunion une volonté de statu quo qui peut laisser perplexe. Face à cette chronologie des médias largement critiquée, on peut envisager différentes solutions. S’il semble peu souhaitable d’abroger les textes encadrant la chronologie des médias, il existe néanmoins des solutions nouvelles qui pourraient être mises en place.

Une chronologie des médias critiquée

L’état du droit en matière de chronologie des médias peut être résumé par le tableau suivant :


Les titulaires des droits sur un film ne peuvent s’affranchir de ce dispositif complexe en réduisant les délais. Il leur est par contre tout à fait possible d’allonger ces délais (notons que les distributeurs ne s’en privent pas). L’objet de la chronologie des médias est de donner une exclusivité aux salles pour l’exploitation d’un film puis, dans le même sens, permettre aux distributeurs de DVD et à aux opérateurs de VOD de bénéficier d’un temps d’avance sur les chaînes de télévision. On l’aura compris, l’intérêt des différents opérateurs de la filière cinématographique est d’assurer la rentabilité d’un film et de ceux qui proposent sa diffusion en empêchant qu’un opérateur cannibalise l’autre. Quel serait en effet l’avenir des salles de cinéma si un film était proposé le même jour en salle, en VOD et en DVD ?
 

On affirme souvent que la France est un des rares pays où la chronologie des médias est fixée par les pouvoirs publics. Il serait en réalité plus juste d’affirmer qu’en France, les pouvoirs publics participent, avec les acteurs de la filière cinématographique à la détermination des règles. Ainsi, la chronologie qui détermine l’exploitation des films en VOD et le passage sur les chaînes de télévision résulte certes d’un arrêté du ministre de la culture du 9 juillet 2009 mais, en réalité, cet arrêté ne fait que rendre obligatoire un accord interprofessionnel signé par une grande partie des acteurs de la filière cinématographique. Le rapport fait au nom de la commission des Affaires culturelles du Sénat par M. Michel Thiollière sur la loi du 12 juillet 2009 précise ainsi qu’« aujourd'hui, le régime de la chronologie des médias est fixé de manière conventionnelle, de façon à tenir compte de la stratégie commerciale des ayants droit et du fait que l'ensemble des modes de diffusion doit contribuer au financement de la création et de la production cinématographique ». Le rôle du ministre n’est en l’espèce que de rendre obligatoire à tous les acteurs de la filière cinématographique un accord qui ne devrait engager que ses signataires. Cette méthode, qui marie contrat et action unilatérale, n'est pas sans rappeler la pratique existante en matière de financement des films par les chaînes de télévision(3). Il semble difficile dans ces conditions d’affirmer que la chronologie des médias est fixée de façon unilatérale et dirigiste par l’administration. Pour ce qui est de l’exploitation sur support physique (DVD, Blu-ray…), les délais sont fixés par la loi du 12 juillet 2009 et par un décret du 22 avril 2009 (voir tableau ci-dessus). Pour autant, le délai de 4 mois fixé par la loi n’est que la traduction de la première proposition du rapport Olivennes remis au ministre de la Culture et de la Communication sur le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux. Cette proposition de raccourcissement des délais a été signée par 47 acteurs représentatifs de la filière cinématographique et est à ce titre reprise par le législateur. Ici encore, on est loin de l’unilatéralisme parfois présenté comme étant la règle en matière de chronologie des médias.

On reproche également souvent à la chronologie des médias de ne pas proposer des délais ancrés dans la réalité du marché. Certains éditeurs de DVD ou sociétés de VOD non affiliées aux chaînes de télévision aimeraient pouvoir proposer les films peu de temps après, voire en même temps, que la sortie en salle afin de pouvoir concurrencer les salles de cinéma en proposant une solution alternative au déplacement au cinéma.  Pour autant, la chronologie des médias est régulièrement actualisée pour s’adapter aux évolutions sociétales nombreuses en la matière. Ainsi, la période 2009-2010 a été marquée (comme en témoigne le tableau ci-dessus) par un profond renouveau marqué par une réduction considérable des délais. La vente et la location de DVD sont ainsi passées de 6 à 4 mois après la sortie en salles pendant que la VOD à l’acte est passée de 33 semaines à 4 mois. Les services de télévision payants peuvent quant à eux diffuser un film 10 mois après sa sortie en salles contre 12 auparavant. Comme nous l’avons noté plus haut, l’arrêté du 9 juillet 2009 prévoit même une possibilité de renégociation entre les acteurs de la filière tous les deux ans. Dans ces conditions, il semble difficile d’affirmer que ces règles (rappelons-le voulues par une grande partie des acteurs de la filière) sont d’un autre âge.

Malgré ces précisions, il est toujours possible d’affirmer que la chronologie des médias n’est pas parfaite et, bien que voulue par la plupart des acteurs de la filière, devrait être revue. Il est en effet possible d’envisager certaines modifications plus ou moins radicales.

La théorie du big bang où la tentation de la suppression totale de la chronologie des médias

On peut légitimement considérer que la puissance publique n’a pas à intervenir pour déterminer la chronologie des médias. Quand bien même l’exécutif et le législatif n’interviennent que pour rendre obligatoire ce qui est voulu par des organisations représentatives, pourquoi ne pas laisser à chaque acteur la possibilité de déterminer seul ses propres règles de chronologie des médias par le biais de contrats conclus entre les détenteurs des droits d’un film et les différents circuits d’exploitation et de distribution ? Pour le dire autrement, serait-il envisageable d’exclure les décisions publiques et de faire prévaloir en matière de chronologie des médias les règles du marché déterminées par l’offre et la demande ?

Cette situation existe dans la plupart des pays industrialisés à commencer par le pays du cinéma et du libre marché : les États-Unis. Curieusement, les règles de chronologie des médias majoritairement appliquées dans ce pays sont assez peu différentes des nôtres. Aux États-Unis, les producteurs de films fixent leurs propres règles en concluant des contrats avec les exploitants, les distributeurs et les opérateurs de VOD. Or, fin 2009, la Motion Picture Association of America (MPAA) a constaté qu’en moyenne, le délai classique entre la sortie d’un film en salles et sa sortie sur support physique était de 4 mois comme en France. Pour ce qui est de la sortie en VOD, le délai – compris entre 5 mois et 5 mois et demi – était même supérieur à celui pratiqué en France. L’écart entre la sortie DVD et VOD s’est depuis rétracté et n’existe plus en 2011. En ce qui concerne la diffusion sur les chaînes payantes, le délai est de 270 jours à un an et pour les chaînes gratuites, de 2 voire 3 ans. Il est ainsi curieux de constater que les délais de chronologie des médias sont sensiblement les mêmes malgré les différences d’organisation. Ce constat en dit long sur le poids des lobbys de la filière cinématographique. Aux États-Unis comme en France, les producteurs, les exploitants et les chaînes de télévisons font entendre leur voix et s’accordent sur des délais qui leur semblent les plus profitables pour les uns et les autres. Plusieurs exemples permettent d’illustrer cet état des choses. En 2006, le réalisateur américain Steven Soderbergh a signé un contrat avec une société de production (HDNet) afin de tourner une série de six films exploités simultanément dans les salles de cinéma, à la télévision payante et en DVD (le premier de ces six films s'intitule Bubble, sorti en 2006). L'expérience n'a pas dû être satisfaisante car on attend toujours le second film de Soderbergh qui respecte ce processus audacieux… Il n'est pas certain que ce schéma de diffusion ait permis la mise en place d'un modèle économique de financement séduisant. Autre cas intéressant qui s’est déroulé dans plusieurs pays et notamment au Royaume Uni, l’annonce par Disney d’un raccourcissement des délais entre la sortie en salles de ses films et la sortie en DVD. À l’occasion de la sortie du film de Tim Burton Alice au pays des merveilles, la société Disney a annoncé que dorénavant les salles ne bénéficieraient plus que de 12 semaines (et non 17) d’exclusivité avant la sortie en DVD. Plusieurs salles ont décidé en conséquence de ne pas sortir le film avant qu’un accord soit trouvé. La société Disney a imposé ces nouveaux délais dans plusieurs pays mais elle n’a pas pu le faire en France grâce à notre chronologie des médias fixée en l’espèce par la loi du 12 juin 2009.

Bubble TV - Le grand Web Ze

Ces deux affaires en disent long sur l’avenir de la chronologie des médias. La négociation et le libre choix des producteurs pour fixer leurs propres règles de chronologie des médias semblent inéluctables, y compris en France. Pour autant, la chronologie des médias ne peut évoluer que si le modèle économique d’un film évolue. En d’autres termes, si de nouveaux modes de consommation, et notamment la VOD, peuvent contribuer à compenser la fréquentation des salles (à la différence de la France, la fréquentation des salles américaines a baissé en 2011) il est certain que la chronologie des médias évoluera. Aux États-Unis, la question n’a d’ailleurs jamais été aussi actuelle. Les expérimentations se multiplient et les producteurs commencent à s’apercevoir que la VOD peut être une source très profitable de revenus pour un film. La réelle question reste de savoir s’il est de l’intérêt des uns et des autres de raccourcir les délais quitte à organiser des compensations financières alternatives notamment pour les exploitants. Rappelons que le décret du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande prévoit que les services de VOD et de SVOD qui réalisent plus de 10 millions de chiffre d’affaires participent au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes et d’expression originale française. L’explosion prévisible de la consommation des différents services de VOD et SVOD appellera quoiqu’il arrive à repenser et rééquilibrer le financement du cinéma français qui dépend beaucoup aujourd’hui de la participation de Canal+. L’apparition de nouveaux acteurs puissants (tel Netflix) en matière de VOD par abonnement risque de faire évoluer les règles de chronologie des médias. Le temps est ainsi venu d’obtenir en France une plus grande souplesse en matière de fixation de chronologie des médias afin de permettre l’expérimentation seule à même de démontrer si de nouveaux modèles économiques sont possibles et viables. 

La solution préférable d’une plus grande souplesse

Suite à une réunion organisée fin janvier par le CNC, il apparaît que la chronologie des médias ne devrait pas évoluer dans un futur proche. Les opérateurs de la filière cinématographique ont émis le vœu que rien ne change. Pourtant, plusieurs voix prônant une évolution se sont fait entendre. Parmi les signataires de l’accord, dont la renégociation était le sujet de la réunion du CNC, Arte et Orange se sont prononcés pour des assouplissements. Dans le même sens, l’ARP (Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs) et la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), qui ne sont pas signataires de l’accord, ont publiquement émis le souhait de voir apparaître des dérogations et expérimentations en matière de chronologie des médias. Des évolutions nous semblent souhaitables dans deux domaines : d’une part en ce qui concerne les films peu exploités, d’autre part s’agissant de la VOD par abonnement.
 

Près de 40 % des films sortis en salles ne sortent pas en DVD et ne sont pas proposés en VOD. 

Une étude récente du CNC fait apparaître que près de 40 % des films sortis en salles ne sortent pas en DVD et ne sont pas proposés en VOD. Généralement ces 40 % de films n’ont pas attiré beaucoup de spectateurs en salles. Raccourcir la chronologie des médias sur ces œuvres serait susceptible de donner plus vite une nouvelle chance à un film qui n’a pas su trouver son public au cinéma. L’état actuel du droit permet pourtant de raccourcir la chronologie des médias. En effet, l’article 1 du décret du 22 avril 2010 permet d’obtenir une dérogation du CNC aux 4 mois habituels pour les films ayant réalisé moins de 200 entrées au terme de la quatrième semaine d'exploitation. Cette dérogation prévue par le décret ne concerne que les vidéogrammes, mais l’arrêté du 9 juillet 2009 prévoit son application à la VOD à l’acte. La solution serait de rendre cette possibilité automatique sans passer par un accord préalable du CNC qui complexifie inutilement les choses. Il restera encore à fixer un délai de substitution aux 4 mois pour ce type de film. Actuellement, le décret prévoit que le CNC ne peut proposer une réduction du délai supérieure à 4 semaines(4). Il serait préférable de prévoir une réduction supérieure. On peut également imaginer étendre cette possibilité à un nombre plus large de films. L’ARP et la SACD ont ainsi proposé une disponibilité en VOD 2 semaines après la sortie en salles et 22 semaines après la sortie pour la SVOD (service de VOD par abonnement) pour les films exploités sur moins de 15 copies. En 2011, 180 films français rentrent dans cette catégorie.


La chaîne de télévision Arte propose pour sa part une évolution intéressante en demandant qu’une chaîne en clair qui respecte ses engagements de coproduction puisse diffuser un film 10 mois après sa sortie en salles si aucune diffusion sur une chaîne payante n’est envisagée. Cette solution aurait pour mérite de favoriser la diffusion à la télévision de films qui n’intéressent pas les chaînes payantes. Pour le moment, les chaînes gratuites sont tenues par un délai de 22 mois pour exploiter un film non diffusé par une chaîne payante (voir tableau ci-dessus).

 La percée commerciale et médiatique de nouveaux opérateurs qui proposent l’accès à un catalogue important de films impose une réflexion sur l’avenir des délais de disponibilité des films en SVOD. 

La problématique la plus délicate et la plus actuelle concerne la disponibilité des films en VOD par abonnement (SVOD). La percée commerciale et médiatique de nouveaux opérateurs qui proposent l’accès à un catalogue important de films impose une réflexion sur l’avenir des délais de disponibilité des films en SVOD . Le succès mondial d’opérateurs comme Netflix s’est construit sur la richesse du catalogue proposé aux abonnés qui comprend bien entendu bon nombre de films récents. On peut aisément penser que ce type d’offre est promis à un avenir florissant(5). En l’état actuel du droit, la réussite de tels opérateurs est plus qu’incertaine sur le marché français en raison des règles posées par l’arrêté du 9 juillet 2009 qui reprend et rend obligatoire l’accord interprofessionnel du 6 juillet de la même année. Cet accord est conclu pour une période de deux ans tacitement reconductible par période d’un an. La réunion récente des signataires au CNC ne devrait pas aboutir, comme nous l’avons précisé plus haut, à des évolutions en matière de SVOD. Les signataires semblent en effet avoir considéré que pour le moment, seule la VOD à l’acte devait être favorisée en maintenant un délai aligné sur celui des DVD (4 mois) comme le prévoit l’arrêté de 2009. En revanche, la SVOD doit, pour les signataires, continuer à se voir appliquer un invraisemblable délai de 36 mois après la sortie en salles. Dans ces conditions, il est difficile pour un opérateur de SVOD de proposer une offre commerciale alléchante pour les consommateurs dans la mesure où les films proposés dans le catalogue sont préalablement sortis en DVD, en VOD à l’acte et ont pu être diffusés sur les chaînes de télévision payantes et gratuites… Pourtant, plusieurs signataires de l’accord proposent (Canal+ avec Canal+ infinity) ou souhaitent proposer (M6, TF1) de la VOD par abonnement. Force est de constater que ces derniers estiment que leurs intérêts seraient pour le moment mieux préservés en favorisant la VOD à l’acte. On peut également imaginer que ces opérateurs n’ont pas envie de favoriser l’arrivée de nouveaux acteurs (par exemple Netflix, les vidéoclubs Vidéofutur, Free, Amazon…) qui pourraient à la fois les concurrencer dans le domaine de la SVOD tout en réduisant fortement l’attractivité de la VOD à l’acte. Avec un peu d’imagination, on peut s’interroger sur la question de savoir si l’arrêté du 2009 ne peut pas être assimilé à une pratique anticoncurrentielle au sens du Code de commerce et du Traité de l’union européenne. Ces textes sanctionnent notamment les ententes et l’abus de position dominante (art. L. 420-1 et suivants du Code de commerce et les articles 101 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) dont peut se rendre coupable l’administration par le biais d’une décision administrative favorisant tel ou tel acteur d’un marché (CE avis 22 novembre 2000, Sté L&P publicité, Rec. p526). Il n’est pas impossible que les opérateurs lésés par ce délai de 36 mois saisissent la juridiction administrative de cette question. Un homme politique vantait récemment l’intérêt des pratiques anticoncurrentielles quand ces dernières permettent de développer des opérateurs nationaux puissants. C’est peut-être ce qui est en train de se passer actuellement en France en matière de SVOD. Il n’est pas évident que les opérateurs français de SVOD sortent avantagés de cette situation. Il est en revanche certain que la chose ne durera pas éternellement et qu’un alignement des délais de disponibilité des films en SVOD sur ceux de la VOD à l’acte n’est plus qu’une question de temps. Cette solution ne doit pas ravir les chaînes de télévision payante et les fabricants de DVD. Au final, l’apparition de la SVOD implique une redistribution des cartes en ce qui concerne les acteurs de la diffusion cinématographique (certains apparaissent déjà, d’autres disparaîtront et certains se renforceront comme cela semble déjà s’amorcer aux Etats-Unis) ce qui entrainera obligatoirement une transformation du modèle de financement du cinéma français.

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Crédits photos :
- Image principale : billeterie abandonnée James C Farmer / flickr
- Photo salle de cinéma abandonnée : howzey / flickr
- Photo foule : Sup3r_fudg3 / flickr
- Photo Bubble TV : Samuel Huron / flickr
- Capture d'écran site arte.tv/fr

Références

-    Marc LE ROY, « Réflexions sur la nouvelle chronologie des médias », Communication et commerce électronique, 2011, étude n° 5 [Pour une approche strictement juridique de la chronologie française des médias]

(1)

Le Monde, 9 décembre 2012, p. 26. 

(2)

La fermeture récente de Megaupload ne met pas un terme au piratage qui trouve toujours à se renouveler rapidement dans des offres toujours plus complètes. 

(3)

Sur cette question, Marc LE ROY, Le cinéma : JurisClasseur administratif, fasc. n° 267, § 17 à 19. 

(4)

Voir le point 1.3 de l’accord annexé à l’arrêté. 

(5)

L’apparition prochaine des « télévisions connectées » devrait confirmer cette perspective. 

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