Rallonger le cycle de vie des produits par la dématérialisation
La vente de jeux téléchargeables n’est pas encore la norme sur les consoles de jeu ; l'achat de produits physique en magasin reste prépondérant puisqu'il entretient un marché de l'occasion très dynamique. Mais si l'occasion rallonge le cycle de vie des produits pour les utilisateurs et les distributeurs, il ne représente aucun gain pour les éditeurs puisque l'intégralité des bénéfices revient aux magasins revendeurs. C'est pourquoi le discours des grands éditeurs s'apparente de plus en plus à une chasse ouverte contre la pratique de l'occasion, tandis que se généralise le recours aux DRM (Digital Rights Managements). En imposant des restrictions sur les jeux (comme le nombre de machines différentes sur lequel ils peuvent être utilisés), les DRM permettent de s'assurer qu'un jeu acheté ne sera utilisé que par un nombre limité de personnes. Une mesure très impopulaire auprès des distributeurs comme des utilisateurs, au coeur de la plainte (pour le moment sans suite malgré l’appui de la chaîne de magasins Game Cash) déposée en novembre 2011 par l'UFC Que Choisir contre les éditeurs de jeux vidéo.
La lutte contre l'occasion n'est cependant pas le seul recours des éditeurs pour rallonger le cycle de vie de leurs produits. Les DLC (downloadable contents) représentent depuis le milieu des années 2000 une nouvelle manne pour les éditeurs et un moyen efficace de prolonger la durée de vie de leurs produits. Il s'agit d'extensions téléchargeables, ajoutant des éléments au jeu qu'elles complètent (niveaux ou personnages supplémentaires par exemple). Vendues à un prix ne dépassant généralement pas les 10 €, elles permettent de prolonger l'intérêt d'un jeu pour l'utilisateur et sa profitabilité pour les éditeurs. Prolonger la durée de vie des jeux récents est désormais possible grâce aux DLC, mais qu'en est-il des anciens produits en fin de vie ?
Auparavant, les éditeurs avaient coutume d'épuiser les stocks en revendant les anciens jeux à bas prix, ou en
bundle avec d'autres jeux invendus. Mais la dématérialisation permet de renouveler le modèle économique en ce qui concerne les vieux produits : il est désormais possible de les proposer à la vente en téléchargement à très bas prix, sans avoir à relancer la production d'un jeu dont les ventes sont incertaines. C'est ici que les spécificités de l'économie numérique prennent toute leur ampleur : en vertu de ce que les analystes nomment la « longue traîne », la diversification de l'offre est toujours intéressante chez les distributeurs Internet. La distribution dématérialisée permet ainsi la commercialisation, en théorie, de l'intégralité des jeux produits depuis des dizaines d'années puisque chaque offre peut y trouver sa demande, si faible soit-elle. La commercialisation d'anciens jeux représente une manne à laquelle les entreprises ne restent pas indifférentes. Si certains éditeurs choisissent de proposer eux-même leurs anciens jeux sur leurs sites officiels, le distributeur polonais Good Old Games s'est spécialisé dans ce secteur : en passant des accords avec les ayants droit de ces jeux anciennement commercialisés, le site les remet en vente à bas prix. Une opération rentable puisque l'entreprise s'apprête à
étendre son offre à un catalogue de jeux plus récents avec l'accord de nombre de grands éditeurs.
Les DLC (contenus téléchargeables) sur PC et consoles furent popularisés en 2006 par le jeu The elder scrolls IV : Oblivion qui proposait au joueur, pour 2,50 $, d’équiper son cheval d’une armure. Le prix, considéré comme abusif, contribua à donner une mauvaise réputation à la pratique des DLC, ce qui ne l’empêcha pas de s’ancrer durablement chez les éditeurs.