Les canaux de distribution traditionnels du jeu vidéo seraient-ils en passe de devenir obsolètes? La distribution physique qu'ils assurent semble en tout cas de plus en plus distancée par la vente dématérialisée en ligne, surtout en ce qui concerne les jeux sur PC. La dématérialisation repose sur le payement et le téléchargement direct de jeux en ligne, sans contrepartie de support physique. Pas de boîte de jeu ni de disque de stockage, mais uniquement un transfert de données du serveur vers la machine de l'utilisateur.
À l'instar des plates-formes de vente de musique en ligne (dont le pionnier iTunes d'Apple), l'industrie du jeu vidéo s'est adaptée via ces nouveaux canaux de distribution à une demande qui s'était exprimée dans un premier temps sur les réseaux pirates. « Le piratage est presque toujours un problème de services, et non un problème de prix. »(1). La gratuité des produits téléchargés illégalement n'est en effet pas le seul facteur expliquant le phénomène du piratage : la simplicité du téléchargement, et surtout la possibilité d'avoir immédiatement le produit à domicile sans devoir se déplacer chez un distributeur sont d'autres motivations importantes à l'utilisation de réseaux pirates.
La vente de jeux téléchargeables n’est pas encore la norme sur les consoles de jeu ; l'achat de produits physique en magasin reste prépondérant puisqu'il entretient un marché de l'occasion très dynamique. Mais si l'occasion rallonge le cycle de vie des produits pour les utilisateurs et les distributeurs, il ne représente aucun gain pour les éditeurs puisque l'intégralité des bénéfices revient aux magasins revendeurs. C'est pourquoi le discours des grands éditeurs s'apparente de plus en plus à une chasse ouverte contre la pratique de l'occasion, tandis que se généralise le recours aux DRM (Digital Rights Managements)(4). En imposant des restrictions sur les jeux (comme le nombre de machines différentes sur lequel ils peuvent être utilisés), les DRM permettent de s'assurer qu'un jeu acheté ne sera utilisé que par un nombre limité de personnes. Une mesure très impopulaire auprès des distributeurs comme des utilisateurs, au coeur de la plainte (pour le moment sans suite malgré l’appui de la chaîne de magasins Game Cash) déposée en novembre 2011 par l'UFC Que Choisir contre les éditeurs de jeux vidéo.
L’essor des productions à faible budget au sein de la distribution dématérialisée ne fait pas de ces nouveaux réseaux des espaces de commercialisation où tous les projets peuvent être publiés. Tous les distributeurs opèrent un choix dans les jeux proposés sur leur plate-forme, et les disparités sont une nouvelle fois visibles entre les pratiques des distributeurs consoles et PC. Les espaces de distribution dématérialisée sur consoles de jeux sont plus restrictifs, notamment en raison des contraintes matérielles inhérentes à ces supports : les tailles maximales imposées aux jeux ainsi que les exigences de qualités des constructeurs rendent la tâche difficile aux développeurs les plus modestes en leur imposant des coûts importants (dont la nécessité de mettre leurs jeux à jours via des patchs coûteux). Les restrictions en matière de contenu des jeux sont également présentes, sur consoles comme sur pc (les distributeurs s’accordant toute discrétion de publier ou non un jeu), occasionnant la fuite de certains développeurs vers des plates-formes réservées aux jeux indépendants (comme le site américain Show me the games fondé par l’ancien du studio Lionhead Cliff Harris).
Observée par Chris Anderson, rédacteur au sein du magazine Wired, la longue traîne provient d'une observation menée sur les produits vendus par Amazon et Netflix. Elle révèle le modèle de beaucoup de revendeurs Internet, pour qui la somme des ventes réalisés sur les produits à faible demande dépasse la somme des ventes des produits à forte demande.