Réduire les conséquences de la crise sanitaire sur un secteur déjà très fragile : tel est l’objectif du plan de filière pour la presse (qui concerne les titres reconnus par la Commission paritaire des publications et agences de presse (*)), d’un montant de 483 millions d’euros. Il a été présenté hier par le président de la République, Emmanuel Macron, après avoir rencontré les professionnels du secteur de la presse membres de l’Alliance de la presse d’information générale (qui rassemble plus de 300 titres de la presse quotidienne et hebdomadaire) en compagnie de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, et de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture.
Une aide sur deux ans
Cette somme, allouée sur deux ans, doit servir deux objectifs : accompagner la transformation numérique du secteur de la presse, et palier les pertes liées à la Covid-19. D’après une étude du ministère de la Culture, l’impact de la crise pour la presse devrait se traduire par une baisse de 16 % du chiffre d’affaires en 2020, soit 1,9 milliards d’euros. 80 millions d'euros seront consacrés à la distribution, après le naufrage de Presstalis en mai dernier. Cette somme permettra à France Messagerie de démarrer et de constituer une trésorerie. Par ailleurs, 26 millions d’euros par an sont prévus pour la modernisation des imprimeries et leur transition écologique (il n’y aura ainsi plus d’emballages plastiques pour les magazines d’ici 2022). Les aides aux marchands de journaux vont progresser de six millions d’euros. Les crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse, dédié à la subvention des dépenses d’investissement des éditeurs et des agences de presse, seront aussi augmentés de 25 millions d’euros par an, pour un total de 50 millions d’euros. Par ailleurs, un crédit d'impôts de 60 millions d'euros a été acté pour les abonnés à la presse d’information politique et générale (il permettra de bénéficier d’une réduction d’impôts de 30 % du montant de l’abonnement).
En complément des aides au pluralisme qui existent déjà mais ne sont réservées qu’à la presse papier d'information politique et générale (*), la presse en ligne sera aidée à hauteur de 4 millions d’euros par an. Les titres ultramarins, comme France Antilles, récemment sauvé de la faillite, recevront quant à eux une aide de deux millions d’euros par an à partir de l’an prochain. Enfin, le plan comporte aussi un volet social : l'État s'est engagé à créer un fonds de 18 millions d'euros pour lutter contre la précarité des journalistes pigistes, photojournalistes ou encore dessinateurs de presse.
Ce plan vient compléter une première salve de mesures décidées en avril et en juillet. En avril, Franck Riester, alors ministre de la Culture, avait annoncé le versement anticipé des aides à la presse de 2020, et la possibilité pour les journalistes pigistes réguliers de bénéficier du chômage partiel. Et le 30 juillet dernier, le Parlement avait voté, dans la loi de finances rectificative, 106 millions d'euros d'aide d'urgence à la presse « pour garantir la continuité de la distribution de la presse et soutenir les acteurs les plus impactés (marchands de journaux, titres ultramarins, éditeurs) ». Cette aide s’ajoutait aux mesures transversales à l’ensemble de l’économie qui pouvaient être sollicitées par les acteurs de la filière (le prêt garanti par l’État ou le fonds de solidarité, par exemple).
Le plan d’aide conjoncturelle présenté mercredi par Emmanuel Macron complète les aides déjà versées par le ministère de la Culture à la presse, et qui s’élevaient à 840 millions d’euros en 2020. Ces aides diverses, directes ou indirectes, sont surtout affectées au soutien de la presse papier.
Des démarches équivalentes en Europe
En Europe, d’autres gouvernements ont, face à la crise économique provoquée par l’épidémie de Covid-19, également accru leur soutien au secteur de la presse, avec des aides structurelles ou conjoncturelles. C’est notamment le cas du Luxembourg, où le gouvernement a adopté en juillet un avant-projet de loi de réforme des aides à la presse, qui inclurait les acteurs du web. Les subventions ne seraient plus versées en fonction de la quantité de papier imprimée mais du nombre de journalistes à temps plein dans les rédactions. Les médias éligibles pourraient toucher jusqu’à 200 000 euros pour développer l’innovation et 30 000 euros pour chaque journaliste embauché à plein-temps à durée indéterminée et « affecté à la production de contenu éditorial de la publication de presse ». En Suisse, le Conseil des États a également approuvé de nouveaux projets d’aides à la presse, dont une aide conjoncturelle de 65 millions de francs suisses pour pallier les effets de la crise sanitaire. Enfin, en Suède, le gouvernement a décidé qu’il ne sera plus nécessaire de justifier de 51 % de contenu éditorial original sur l’année 2020 pour prétendre aux subventions réservées à la presse. Comme en France, les aides dédiées à la distribution y seront également versées en avance.
(*) Mise à jour 31/08/2020 : précision sur le type de publication concerné.