La MPAA face aux publics : des communicants pris en étau
Représentant les studios dans la société civile comme auprès des autorités politiques, la MPAA s’est toujours trouvée confrontée à des problèmes d’adaptation socio-culturelle et à des critiques cinglantes. Ces dernières ont porté sur les contenus qui ne semblent pas conformes aux idéaux et mœurs de la société américaine. Les films qui mettent en scène des comportements licencieux comme les longs métrages violents et irrespectueux des institutions sociales ont recueilli la part la plus importante de leur opprobre. À l’image d’un William Hays qui devançait ses critiques en allant à la rencontre des groupes éducatifs, religieux et civiques
, la MPAA organise la défense de ses productions au cours de nombreuses cérémonies, conférences et festivals
. En effet, il s’agit non seulement pour un art tel que le cinéma de trouver l’inspiration porteuse ou le concept-clef qui fera d’une production un succès, mais aussi de correspondre aux mœurs diverses d’une société : ni choquer et, à l’inverse, ni rebuter par un trop grand conformisme. Conscientes de l’impact considérable des films et du retentissement de cette véritable « forme d’art populaire »
, ces organisations rassemblant les mécontents prennent à partie Hollywood en l’accusant de corrompre la jeunesse et de favoriser la violence.
L’organisation est prise en étau entre les tendances conservatrices nostalgiques du passé qui regrettent la libéralisation morale, et les associations libérales qui la perçoivent comme le représentant anachronique de firmes rétrogrades. Devant l’évolution de la cinématographie hollywoodienne vécue par certains comme un relâchement moral, les groupes conservateurs ont organisé de nombreux boycotts. Le film Brodeback Mountain (2005) portant sur l’amour homosexuel de deux cowboys a suscité de nombreuses réactions de protestation. Si leur impact économique reste réduit, elles contribuent cependant à ternir l’image des compagnies hollywoodiennes et rencontrent souvent un large écho dans l’opinion publique. Se préoccupant surtout de la jeunesse, des églises évangélistes ainsi que des associations catholiques ont concentré leurs critiques sur la firme Disney. Ils ont notamment encouragé leurs fidèles à ne plus acheter Disney de 1996 à 2005.
L’American Family Association, la Catholic League for Religious and Civil Rights, l’American Life League et les Anabaptistes du Sud lui ont reproché de promouvoir l’homosexualité et de financer des films de Miramax. Cette dernière entité dirigée par les frères Weinstein a produit de nombreux longs métrages comme
The Priest (1994),
Pulp Fiction (1994),
Dogma (1999) et
Kids (1995), qui pouvaient paraître irrespectueux de la religion et emprunt de violence. Essayant de séduire ces audiences et de répondre à leurs attentes en matière de cinéma, les producteurs d’Hollywood ont développé une programmation centrée sur les centres d’intérêts de l’Amérique profonde comme les films religieux tels que
Passion of Christ (2004) ou
Nativity (2006).
À l’inverse de cet excès de libéralisme dont on lui a fait grief, Hollywood se voit régulièrement accusé de véhiculer des stéréotypes raciaux et des valeurs conservatrices. À cet égard, le cas de la firme Disney demeure révélateur de cet étau complexe qui renvoie à la diversité et aux contradictions de la société américaine elle-même. Selon les
gender studies,
Disney ferait des femmes des êtres passifs, comme en témoignent effectivement les rôles tenus par Jasmine dans
Aladdin (1992) ou l’héroïne de
La Belle et la Bête (1991). En outre, il lui a été reproché de représenter de manière éhontée les Africains, les Juifs ou les Arabes dans
Aladdin. Quant aux Afro-américains et aux Hispaniques, ils apparaîtraient sous les traits de hyènes dans
le Roi Lion (1994). Des associations telles que The Queer Nation ou l’Alliance des Homosexuels et des Lesbiennes contre la Diffamation (GLAAD) se sont plaintes du manque de reconnaissance à l’égard des amours non-hétérosexuels et plus largement des minorities, bien qu’on ait observé ces dernières années un changement d’attitude des majors à l’égard des groupes minoritaires
. Ces critiques ont conduit Disney à réaliser un film sur l’Indienne
Pocahontas. Plus récemment, la firme a sorti
The Frog Princess (2009), long métrage où le rôle-titre est tenu par une jeune Afro-américaine. Depuis 1991, la compagnie organise à Disney World le jour des homosexuels qui, en 1998, a rassemblé 60 000 visiteurs. Dernièrement, elle a même autorisé dans ses parcs les unions entre des personnes du même sexe
. Aussi les studios comme leur représentant se trouvent-ils au milieu de ce que les Américains appellent la Culture War
, ce qui contrarie le consensus souhaité par les majors pour une diffusion toujours plus large de leurs productions. Bien que la MPAA bénéficie d’une légitimité et crédibilité historique auprès des autorités fédérales, son prestige et sa capacité à représenter Hollywood font désormais défaut.