Affiche du film Le Seigneur des Anneaux - La communauté de l'anneau

© Crédits photo : New Line Cinema.

La Nouvelle-Zélande au cinéma : des paysages à l’industrie

Avant 2001, la Nouvelle-Zélande n’était, pour beaucoup, qu’une terre mystérieuse aux paysages méconnus. Tout a changé depuis le succès du « Seigneur des anneaux ».

Temps de lecture : 14 min

Jusqu’en 2001, force est de constater que la Nouvelle-Zélande n’a pas particulièrement brillé sur grand écran. Sans doute Jane Campion, avec sa Leçon de Piano (1993), a-t-elle pu laisser quelques souvenirs de plages vaporeuses et de jungles luxuriantes, et la violence de L'Âme des Guerriers (Once were Warriors), de Lee Tamahori (1994), évoque peut-être à certains le cadre urbain d’Auckland ; rares, cependant, sont ceux qui ont reconnu les Alpes néozélandaises sous l’Himalaya cinématographique de Vertical Limit (1999).

 
Décembre 2001 : la Nouvelle-Zélande est projetée - virtuellement - dans les salles de cinéma du monde entier. La Communauté de l’Anneau, premier opus de la trilogie du Seigneur des Anneaux adaptée de Tolkien par Peter Jackson, prend pied sur les splendides paysages néozélandais pour conter le périple de Frodon et ses compagnons vers le Mordor. La Nouvelle-Zélande incarne ainsi, le temps d’une trilogie longue de plus de 9h, la Terre du Milieu de Tolkien. Terre de géographies et de cultures, dont la complexité et la richesse avaient déjà suscité l’imagination de nombreux illustrateurs et établi les canons littéraires de la fantasy, elle trouve en Nouvelle-Zélande la ressource paysagère idéale à sa représentation. Plusieurs facteurs - paysagers, économiques, humains - motivent cette rencontre d’un territoire, d’une œuvre littéraire et d’une machinerie hollywoodienne, et l’ « évènement » n’est pas resté sans effet sur le reste de la production cinématographique locale, conduisant à la constitution d’une petite filière cinématographique d’excellence.
Le Seigneur des Anneaux.
Depuis les films de Peter Jackson, la Nouvelle-Zélande apparait en effet comme un territoire émergent pour le tournage et la conception de longs métrages de cinéma : les productions étrangères, et particulièrement américaines, sont de plus en plus nombreuses à choisir ses paysages pour cadre cinématographique. Comme le note John Voigt, responsable de la promotion de la filière à Inverst New Zealand : « La trilogie du Seigneur des Anneaux a été un succès critique et public sans précédent - ces films ont fait l’histoire du cinéma. Le fait qu’ils aient été fait en Nouvelle-Zélande a établit notre réputation de leader de l’innovation à l’avant-garde de la production cinématographique mondiale(1) .
 
On compte ainsi, parmi les nombreux films à gros budget à y être tournés et (parfois en totalité) produits, Le Monde de Narnia : Le Lion, la Sorcière blanchet et l'Armoire magique, Le Dernier Samourai, King Kong ou encore X-men Origins : Wolverine. Plus récemment, la majorité de la conception d’Avatar et des Aventures de Tintin a été réalisée par les studios Weta à Wellington.
 
Les enjeux d’un développement économique et culturel par le cinéma n’ont pas échappé à la Nouvelle-Zélande : une véritable « mise en culture » du territoire est orchestrée par l’État pour utiliser au mieux la ressource paysagère et encourager la production de films à gros budget dans les studios. Il s’agit dans cet article de voir comment, à partir de l’exploitation cinématographique de ses paysages, la Nouvelle-Zélande a vu l’émergence d’une industrie du cinéma de pointe, et de présenter les politiques publiques qui encadrent et portent ce phénomène localement nouveau.

Les paysages néozélandais : une formidable ressource cinématographique

Parmi les facteurs qui ont conduit à la production complète du Seigneur des Anneaux en Nouvelle-Zélande et à sa réussite, les paysages ont joué un rôle essentiel. Les réalisateurs y trouvent des paysages d’une beauté et d’une diversité incomparables, accessibles, rendant possible la représentation d’une multitude d’espaces et de lieux au cinéma.

Située dans le quart sud ouest de l’océan pacifique, la Nouvelle-Zélande occupe les latitudes tempérées de l’hémisphère austral. Le pays est principalement composé de deux grandes îles inégalement montagneuses : celle du nord est piquetée de volcans, dont certains sont toujours actifs ; celle du Sud est axée selon le massif des Alpes(2) , déjeté sur la côte Ouest. Volcanisme, géothermie et littoraux tropicaux au Nord ; montagnes, fjords et lacs glaciaires au Sud : la Nouvelle-Zélande regorge de paysages aux valeurs scéniques et esthétiques uniques. La diversité territoriale est aussi climatique : soumises aux vents d’Ouest, les îles présentent de forts contrastes Est-Ouest en termes de précipitations et de températures. Les montagnes sont enneigées, et le profil longitudinal des deux îles laisse apparaître un second gradient climatique Nord-Sud. De plus, le faible peuplement (4 millions d’habitants) et sa concentration dans quelques territoires (Auckland et Wellington accueillent près de la moitié de la population) libèrent de grands espaces dans les arrière-pays. Enfin, la petite taille du pays rend ces territoires proches les uns des autres et accessibles rapidement. Le co-producteur du Seigneur des Anneaux, Rick Porras, affirme ainsi : « Ce qui est fabuleux aussi, c’est que vous pouvez atteindre des lieux à la fois proches les uns des autres et très variés. Avoir le sentiment d’être dans une jungle, et pouvoir être une heure ou deux plus tard dans les Alpes, ou un désert d’altitude ou des collines qui vous rappellent l’Irlande. Tous ces types de lieux sont à quelques heures les uns des autres, ce qui est remarquable. Peu d’endroits au monde peuvent offrir cela. »(3) .
 
Un élément régulièrement mis en avant par les producteurs, réalisateurs et bureaux de tournage, est que les paysages néozélandais se caractérisent par leur accessibilité. En dépit d’une faible occupation, la Nouvelle-Zélande possède un réseau routier de qualité, qui relie les principaux centres urbains tout en rendant accessible l’arrière pays. Les compagnies d’hélicoptères, utilisées généralement pour le tourisme, sont également essentielles, déterminant le choix de nombre de lieux de tournage, permettant l’accès rapide à n’importe quel point du territoire, fournissant un soutien logistique et rendant possible les prises de vues aériennes.
 
Rappelons aussi qu’étymologiquement, le paysage, paesaggio, désigne l’étendue d’un pays, en tant qu’il est présenté à la vue d’un observateur. Le paysage est donc avant tout une représentation de l’espace, une perception filtrée par le prisme de l’individu. Le traitement artistique de l’espace permet d’en changer le sens et la perception, d’en faire un paysage cinématographique particulier. Ainsi, un même espace filmé peut avoir plusieurs rendus paysagers. La Nouvelle-Zélande dispose dès lors d’une richesse territoriale indéniable. D’abord, le paysage a la possibilité de s’effacer, pour ne représenter qu’un cadre, narratif ou visuel, dont le rendu final n’implique rien dans la narration : c’est le cas de Bad Taste où le cadre paysager importe peu - l’histoire pourrait avoir lieu n’importe où. Ensuite, la Nouvelle-Zélande a la possibilité de se représenter elle-même : dans La Leçon de Piano, l’histoire se passe dans l’île Nord et le paysage contribue activement à l’impact esthétique du film ; la Nouvelle-Zélande sert à la fois de cadre géographique et historique en représentant un moment de sa colonisation. En troisième lieu, le paysage néozélandais peut représenter une autre partie du monde, se substituer à lui, pour des raisons esthétiques (plus spectaculaire), économiques, historiques ou pratiques. Le dernier Samouraï, permet au Mont Taranaki, superbe stratovolcan de 2518 m de haut, de se substituer au Mont Fuji au Japon. Les caractères paysagers sont d’apparence les mêmes : Mont Taranaki profile son cône volcanique symétrique sur un horizon dégagé et exhibe la plupart du temps un sommet enneigé. Au sol, la faible occupation humaine a permis de reconstituer un village japonais et ainsi de figurer un Japon médiéval peu peuplé, chose impossible aux pieds de l’actuel Fuji. Enfin, la Nouvelle-Zélande peut représenter un monde imaginaire, faisant appel à un composé sélectionné de ses sites et d’étendues paysagères. Là encore, la faible occupation et l’absence de marques territoriales humains de tout âge permet de mettre en scène des paysages « naturels » remarquables, servant, au choix, le caractère spectaculaire, épique, ou fantastique du film. Le Seigneur des Anneaux appartient à cette catégorie ; d’autres films, comme Le Lion, la Sorcière blanche et l'Armoire magique ou King Kong, mettent les spectaculaires paysages néozélandais au service de leur impact visuel.
Le Dernier Samouraï.
L’accès à la ressource paysagère constitue cependant une épreuve pour la production. Outre son coût, le tournage « on location » pose une série de problèmes pratiques. La saisonnalité et les conditions météorologiques, l’accès juridique aux territoires et la contrainte écologique sont autant de paramètres qui ralentissent, repoussent, ou fragilisent le tournage. Ceci dit, le choix du terrain contre le studio apporte un réalisme visuel au spectateur, doublé d’un réalisme physique pour les acteurs, impossible à trouver ailleurs. Le tournage « on location » constitue ainsi une épreuve géographique délibérément imposée, capable de transformer le territoire en ressource cinématographique. La question logistique est cruciale dans le cas de tournages de l’ampleur du Seigneur des Anneaux, où les équipes sont nombreuses et le matériel encombrant. Le tournage ayant lieu sur des territoires retirés ou non adaptés à un tel afflux, des infrastructures doivent être construites pour l’occasion. De même, avec la multiplication des équipes de tournages, le rôle du réalisateur s’en trouve transformé, plus proche de celui du chef d’orchestre que de l’auteur démiurge. Constitué en ressource cinématographique, le paysage néozélandais est un instrument de mise en scène au service du réalisateur.

L’apport cinématographique de la Nouvelle-Zélande au « Seigneur des Anneaux » de Peter Jackson

Le Seigneur des Anneaux est le premier film à se saisir de cette ressource paysagère et à l’exploiter de manière systématique au service de sa propre économie. La justesse et le réalisme de restitution de la Terre du Milieu de Tolkien est sans doute l’aspect le moins contesté par la critique de la trilogie cinématographique de Peter Jackson. Au-delà du travail de design et de création mené par les studios Weta Workshop et Weta Digital (studios basés à Wellington et codétenus par Peter Jackson), c’est l’usage particulier des paysages qui confère au film son impact visuel.
 
D’abord, dans le cas du Seigneur des Ann eaux, une réflexion sur l’écriture et les ambitions de Tolkien est nécessaire pour comprendre la pertinence du choix d’incarner son œuvre en Nouvelle-Zélande. Tolkien, professeur de langue et littérature anglaise, a eu pour ambition d’offrir par ses écrits un passé mythique à l’Angleterre, des histoires que son territoire n’avait pas portées. La mythologie de Tolkien s’inscrit à la fois dans le temps – on fait référence à un passé lointain, plusieurs âges se succédant – et dans une géographie imaginaire largement inspirée de l’Angleterre médiévale. Le truchement entre ce monde imaginé et les racines historiques de l’Angleterre est fait par le biais des noms donnés aux lieux, époques et personnages, noms construits autour de racines de vieil anglais ou d’autres langues européennes. La Terre du Milieu serait ainsi l’incarnation d’un passé anglo-saxon alternatif, réminiscent d’espaces et de langues européennes.
Carte de la Terre du milieu.


Dans ce cadre, le principal avantage de la Nouvelle-Zélande est de fournir des paysages tempérés de type européens, souvent proches de ceux de l’Angleterre, mais non altérés par l’épaisse couche d’empreintes historiques laissées par le peuplement humain. Cette virginité historique de la Nouvelle-Zélande, que l’on pourrait lire sur son enveloppe géographique, est un critère essentiel car il permet aux décorateurs et informaticiens de Peter Jackson de disposer sur le paysage une couche historique propre au monde de Tolkien : la Terre du Milieu est une terre d’histoire, avec ses civilisations disparues et ses peuples vivants, et le film rend visuellement cette épaisseur historique (incrustations de ruines virtuelles dans le décor, travail des architecture en fonction des races et des époques, etc.).
 

Plus qu’un décor travaillé, le paysage sert la réalisation de Peter Jackson. C’est l’ampleur paysagère, rendue par l’utilisation d’échelles de plans particulières, qui caractérise le mieux le rendu visuel de la Terre du Milieu. En offrant de larges panoramas sans présence humaine remarquable, le territoire néozélandais rend possible l’usage de larges plans d’ensemble et de prises de vues aériennes. Le résultat visuel, appuyé par les envolées musicales d’Howard Shore, soulève l’aventure d’un véritable souffle épique. La représentation des héros comme de petites figures inscrites dans des paysages démesurés apporte une force visuelle indéniable, rappelant celle des héros des westerns fordiens.
 
Bien plus, l’utilisation systématique du territoire néozélandais comme environnement cinématographique décloisonne l’univers géographique du film et contribue à insuffler un sentiment de réalité par l’échelle. L’univers vaste et filmé dans ses proportions permet ainsi de renforcer le réalisme géographique de la Terre du Milieu.
 
Cependant, les budgets plus restreints des autres productions hollywoodiennes ne permettent jamais un tel rapport au territoire, et l’influence artistique du Seigneur des Anneaux semble ainsi compromise. Là où l’ampleur du projet (et du budget) avait permis au réalisateur de travailler sur l’ensemble du territoire et d’offrir ainsi à ses films une épaisseur géographique rare, les partis pris cinématographiques et économiques de ses successeurs ne permettent pas une telle emprise spatiale. Les films se concentrent sur quelques site peu connus (on pense au Monde de Narnia, focalisé sur le site d’Elephant Rocks, dans l’Ile Sud) ou emblématiques (X-men Origins : Wolverine, où les cascades de Milford Sound sont prises comme cachettes de laboratoire militaire). Il faut dès lors se contenter, à la lecture de ces films américains, de constater le retour d’un certain usage du paysage comme simple artifice visuel, le territoire-décors venant épauler les effets spéciaux virtuels dans un même mouvement de conquête visuelle du spectateur. De l’action dans un beau cadre, lui servant ponctuellement d’écrin.

Les raisons d’un succès et l’engagement de politiques publiques

En dehors de ses paysages, plusieurs facteurs ont expliqué le choix de la Nouvelle-Zélande pour y produire la trilogie de Peter Jackson : un taux de change favorable (mais fluctuant), un droit du travail favorable (mais évolutif), l’engagement personnel du réalisateur et de ses studios émergents… Dans ses rapports annuels successifs, l’agence Film New Zealand(4) ajoute comme facteur d’attractivité la main d’œuvre qualifiée et expérimentée, ainsi que l’infrastructure de production ; à la marge, la langue anglaise, la sécurité, les facilités administratives.
 
La prise de conscience par l’État néozélandais du potentiel cinématographique (et par là économique et culturelle) de son territoire a lieu au tournant des années 2000. Trois types de politiques se mettent en place afin de réduire les barrières d’entrée : politique fiscale, simplification administrative, promotion internationale.
 
Fiscalement, la New Zealand Film Commission (créée en 1978) avait rétabli pour Le Seigneur des Anneaux un système de subventions qui avait été supprimé au début des années 90. Cela représenterait une économie de plus de 100 M$ pour un budget de 310 à 350 M$. En comptant le taux de change, le moindre coût des équipes et les économiques d’échelles liées à la production des trois films en même temps, Kristin Thompson(5) estime que les économies assurées par la production des trois films en Nouvelle-Zélande s’étirent entre 234 M$ et 390 M$.
 
Dès 2003, une politique fiscale incitative est mise en place systématiquement avec le Large Budget Screen Grant (LBSG), qui offre une subvention à hauteur de 15 % des dépenses effectuées en Nouvelle-Zélande aux films dont les budgets dépassent 15 M$ (jusqu’en 2008, les films dont les budgets oscillent entre 15 M$ et 50 M$ devaient dépenser 70 % localement). Cette mesure est complétée en 2007 par le Post Production/Digital/Visual Effet Grant (même mesure à destination des films aux budgets entre 3 M$ et 15 M$) et en 2008 par le Screen Production Incentive Fund qui offre une subvention à hauteur de 40 % des dépenses effectuées localement aux films dont le budget est compris entre 2,5 M$ et 15 M$ (soit un maximum de 6 M$) et ayant un contenu significativement lié à la Nouvelle-Zélande. Le LBSG est le principal outil fiscal pour les productions étrangères ; à la différence de nombreuses autres mesures (en France, aux États-Unis etc.), il s’agit d’une subvention globale et non d’un crédit d’impôt. Selon Film New Zealand, la production de films à gros budgets internationaux a permis l’investissement de 915 M$ entre 2003 et 2008 (notamment sur des projets comme King Kong ou Avatar) correspondant à 7794 emplois en 2008 (soit 93 % des emplois du secteur). Les investissements ont été répartis entre la région de Wellington (54 %), celle d’Auckland (36 %) et le reste du pays (10 %). 
 
Une série de bureaux de tournage régionaux se formalisent également avec la trilogie et ouvrent la voie administrative à de nouveaux projets. L’agence Film Wellington par exemple, créée en 1996, orchestre les tournages dans l’aire urbaine de Wellington en facilitant l’accès aux espaces publics et l’obtention de permis de tournage. Dans le même mouvement, d’autres bureaux semblables sont créés dans le pays : à Auckland, Dunedin, Queenstone etc. Cette politique reflète la volonté de valoriser le territoire par le cinéma et de mettre en place des interlocuteurs institutionnels identifiés pour les réalisateurs, producteurs, équipes souhaitant tourner dans le pays. Ce véritable moment d’ouverture territoriale aux tournages est soutenu par des simplifications administratives notables. Le protocole Film Friendly encourage ainsi une harmonisation des conditions d’accès au territoire, ayant pour but de faciliter le tournage « on location ». D’autres mesures, concernant l’immigration et la taxation, sont aussi harmonisées au sein des villes possédant ce label : aujourd’hui, 35 municipalités, dont Auckland, Wellington, Christchurch, Dunedin et Queenstone, ont adopté cette politique.
 
La simplification administrative de l’accès au territoire va de pair avec une promotion internationale de la ressource paysagère et de l’industrie. Dès 2001, Film New Zealand, arbore au Festival de Cannes une carte du pays intitulée « New Zealand, Home of Middle Earth », dessinée à la manière de la Terre du Milieu et représentant sur une face les lieux de tournages, sur l’autre les infrastructures de l’industrie cinématographique. Des campagnes de publicités sont menées par Tourism New Zealand à Los Angeles, afin de promouvoir la Nouvelle-Zélande comme destination touristique et lieu de tournage. Le lieu de tournage du village des Hobbits, Hobbiton, est encore aujourd’hui visitée par des touristes du monde entier (c’est en réalité une ferme d’élevage ovin). La promotion internationale de l’industrie est supportée par Investment NZ, l’agence gouvernementale chargée de promouvoir le pays. Investment NZ et Film NZ sont ainsi présents chaque année dans les principaux évènements de l’industrie (AFCI Location Trade Show à Los Angeles, Cannes Film Market…).
Lieu de tournage du village des Hobbits, Hobbiton.
 
Les studios néozélandais comme Weta Digital, Weta Workshop ou Park Road Post (l’infrastructure de postproduction de Peter Jackson) captent ainsi plus facilement des projets nationaux et internationaux. Dans le cadre d’une organisation postfordiste de l’industrie faisant appel à des acteurs décentralisés (Scott, 2000), la conception digitale d’un film ainsi que sa postproduction peuvent être confiés à des sociétés indépendantes. Weta Digital travaille ainsi sur les projets hollywoodiens des majors Twentieth Century Fox (La planète des Singes, Prometheus), Paramount (Les Aventures de Tintin) et Warner Bros (Bilbo le Hobbit, Man of Steel). Forte de l’infrastructure et des talents développés sur les films de Peter Jackson, Weta et Park Road Post ont adoptés une stratégie d’excellence. Weta maîtrise par exemple la motion-capture (on pense ici à Gollum ou aux personnages d’Avatar, de Tintin…) et a également développé le moteur MASSIVE (qui permet de créer des foules en mouvement). Vendu aux studios du monde entier, le moteur a été très récemment utilisé dans Hugo de Martin Scorsese. Mais les studios doivent faire face à une importante concurrence : à Londres, Cinesite, une propriété Kodak basée à Soho, a fournit les effets spéciaux de Charlie et la Chocolaterie, Harry Potter et la Coupe de Feu ou encore John Carter.À Paris, Bufa contribué aux effets spéciaux de Matrix Revolutions, Speed Racer, ThorL’Asie n’est pas en reste avec des centres émergents en Corée du Sud et en Chine, tandis que les effets spéciaux les plus modestes sont généralement sous-traités à des centres secondaires en Inde, en Malaisie ou à Singapour.
 
Ces politiques supportent donc à la fois l’activité de tournage et l’activité de production/post-production. Depuis 2001, pas une année ne s’écoule sans un blockbuster américain tourné en Nouvelle-Zélande, tandis que les projets internationaux produits et/ou réalisés par Peter Jackson se multiplient (King Kong, District 9, Bilbo le Hobbit, Les Aventures de Tintin). La Nouvelle-Zélande a intégré le cinéma au rang de ses nouveaux secteurs d’excellence économique, et profite de la diffusion internationale de ses paysages pour asseoir une image moderne et encourager un tourisme par ailleurs déjà historiquement et économiquement important. Par sa politique fiscale et territoriale de soutien à la constitution d’un outil de production cinématographique, la Nouvelle-Zélande a réussi, en une dizaine d’années, une véritable percée dans le monde restreint des territoires qui participent et dirigent la production cinématographique à grand spectacle. Attirer des productions internationales est cependant un enjeu contesté : d’abord, parce que les enveloppes concédées aux majors sont importantes(6)  ; ensuite, parce que ce succès en trompe l’œil masque la faiblesse de la véritable production cinématographique nationale.


--
Crédits photo :
- Image principale : Fantasy-SF La communauté de l'Anneau
- Le Seigneur des Anneaux : lordofthering.net
- Frise de paysage de la Nouvelle-Zélande : Office du tourisme de Nouvelle-Zélande
- Le Dernier Samouraï : JohnLink / wordpress
- Carte de la Terre du milieu sur la Nouvelle-Zélande : Weta Workshop
- Village Hobbit : Airflore / flickr

RÉFÉRENCES

Ouvrages

Ian BRODIE, The Lord of the Rings Location Guidebook, Harper Collins, 2002.
 
Ian BRODIE, A journey through New-Zealand Film, Harper Collins, 2006.
 
Harriet MARGOLIS, Studying the event film: the Lord of the Rings, Manchester University Press, 2009.
 
Ernest MATHIJS, From Hobbit to Hollywood, Editions Rodopi B.V, 2006.
 
Allen J. SCOTT, The Cultural Economy of Cities, Essays on the Geography of Image Producing Industries, London: Sage, 2000.
 
Allen J. SCOTT, On Hollywood, Princeton University Press, 2005.
 
Lindsay SHELTON, The Selling of New Zealand Movies, Awa Press, 2005.
 
Kristin THOMPSON, The Frodo Franchise, Penguin Group, 2007.
 
Filmographie sélective
 
Jane CAMPION, La leçon de piano, 1993.
 
Lee TAMAHORI, L'Âme des Guerriers, 1994.
 
Neil CAMPBELL, Vertical Limit, 1999.
 
Peter JACKSON, La Communauté de l'Aneau, 2001.
 
Peter JACKSON, Les Deux Tours, 2002.
 
Peter JACKSON, Le Retour du Roi, 2003.
 
Peter JACKSON, King Kong, 2005.
 
Adrew ADAMSON, Le Monde de Narnia : Le Lion, la Sorcière blanche et l'Armoire magique, 2005.
 
Roland EMMERICH, 10 000 BC, 2007.
 
Peter JACKSON, The Lovely Bones, 2009.
 
James CAMERON, Avatar, 2009.
 
Gavin HOOD, X-Men Origins: Wolverine, 2009.
 
Neil BLOMKAMP, District 9, 2009.
 
Rupert WYATT, La planète des Singes, 2011.
 
Steven SPIELBERG, Les Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne, 2011.
 
Ridely SCOTT, Prometheus, 2012.
 
Peter JACKSON, Bilbo le Hobbit, 2012.
 
Zack SNYDER, Man of Steel, 2012.
    (1)

    « The Lord of the Rings trilogy was both an unparalleled critical and box office success - these films made movie history. The fact that they were Made in New Zealand has established our reputation as a leading innovator at the cutting edge of the screen production world. ».

    (2)

    Le massif qui traverse l’île du Sud a été nommé « Alpes du Sud » en 1770 par le Capitaine Cook en raison de sa hauteur et de sa ressemblance avec le massif européen.

    (3)

    « I think another great thing ... is that you can get locations that are so close together but … so varied. The fact that you can get a jungle type feeling and then an hour or two later be in the Alps, or you can get a high plain desert, or you can get rolling hills that remind you of Ireland. All these type of locations are within a couple of hours of each other and this is quite remarkable. There are very few places that can deliver that. ». Entretien avec Rick PORRAS, New Zealand Wilderness Magazine, 2002. 

    (4)

    Voir le rapport de 2009. 

    (5)

    Kristin Thompson, The Frodo Franchise, 2007.

    (6)

    Récemment, le gouvernement a accepté de céder à Warner Bros une subvention de 20 M$ en plus du LSBG pour sécuriser la production de Bilbo le Hobbit en Nouvelle-Zélande, ce qui a provoqué d’importants débats. 

Ne passez pas à côté de nos analyses

Pour ne rien rater de l’analyse des médias par nos experts,
abonnez-vous gratuitement aux alertes La Revue des médias.

Retrouvez-nous sur vos réseaux sociaux favoris