La politique culturelle à la recherche d’un second souffle
Selon quelles logiques la politique culturelle française fonctionne-t-elle ? Comment les formes de son action devraient-elles être adaptées au contexte contemporain ?
Selon quelles logiques la politique culturelle française fonctionne-t-elle ? Comment les formes de son action devraient-elles être adaptées au contexte contemporain ?
L’intervention publique en matière culturelle est soumise aux mouvements de la mondialisation, de la conjoncture économique et de l’alternance politique, mais également aux mutations sociales, industrielles et technologiques qui ne manquent pas d’affecter les modalités de création, de diffusion et de consommation des œuvres. Autant dire qu’il s’agit d’une question complexe, qui appelle des réponses adaptées à un monde qui évolue rapidement et emprunte des directions échappant en partie au contrôle de l’autorité publique.
Professeur à l’université Paris XIII, Françoise Benhamou consacre à ce sujet son dernier essai, qui s’inscrit dans une démarche de synthèse. L’économiste y souligne à quel point la politique culturelle paraît aujourd’hui traversée par des objectifs contradictoires, parfois difficiles à faire tenir ensemble. L’essentiel de sa réflexion, qui n’embrasse pas tout le champ de l’action publique dans le domaine culturel mais s’articule autour de quelques enjeux centraux, montre qu’il est nécessaire d’opérer des arbitrages entre un certain nombre de buts à atteindre, dont la mise en tension pose régulièrement problème, tout en envisageant des pistes de réformes à mettre en place dans l’avenir.
L’articulation entre l’échelle globale, nationale et locale constitue actuellement l’un des aspects décisifs de la politique culturelle. Selon Françoise Benhamou, « tandis que la référence à une exception française demeure au cœur de la politique culturelle, les cartes sont rebattues au niveau international comme au niveau des relations entre le ministère de la Culture et les acteurs locaux de l’intervention publique ».
La politique européenne en faveur de la culture est marquée par la faiblesse de son budgetD’un point de vue international, le retour de la notion d’« exception culturelle », longtemps relayé au second plan au profit de celle de « diversité culturelle », est observé sous l’égide d’Aurélie Filippetti à partir de 2013. À l’heure où sont entamées les négociations entourant le TTIP (Traité de libre-échange transatlantique)(1) , à propos duquel le Gouvernement français est intervenu afin d’exclure de ce cadre les services audiovisuels, la thématique de l’ « exception » est apparue comme un moyen de défendre la production culturelle nationale et européenne face aux géants d’Internet et à la toute-puissance américaine. En dehors de ce traité en cours d’élaboration, la politique européenne en faveur de la culture est marquée par la faiblesse de son budget(2) et par une fiscalité parfois inadaptée(3) .
L’irruption du numérique, qui bouleverse aussi bien les pratiques des consommateurs que les modèles économiques, tend à remettre en cause les catégories antérieurement établies et « questionne l’organisation de la politique culturelle qui repose encore aujourd’hui sur une architecture en silos », c’est-à-dire sur une séparation entre les différents domaines d’intervention culturels. Face au poids des géants du numérique, le ministère de la Culture est amené à coopérer avec d’autres ministères afin de définir une politique plus globale qui intègre notamment les problématiques relatives aux données personnelles, aux pratiques d’optimisation fiscale, aux situations de monopoles et de concurrence déloyale.
À l’heure actuelle, les autres difficultés rencontrées par la politique culturelle tiennent largement à la confrontation de l’action publique à un ensemble de paradoxes : il s’agit d’accompagner le mouvement de transition vers le numérique sans pour autant abandonner le monde physique ; de continuer à soutenir la création et à aider les acteurs de la culture, tout en évitant l’éparpillement des aides et en recentrant les soutiens publics ; d’œuvrer en faveur de la démocratisation culturelle et de la diversité, dans un contexte où l’industrialisation du secteur et les technologies numériques tendent à favoriser les phénomènes de vedettariat ; d’équilibrer la gestion d’objectifs à court terme avec la nécessité d’obtenir des résultats sur le temps long. À l’arrivée, l’impression qui domine est celle d’être face à la quadrature du cercle, à un problème aux multiples facettes, auquel il paraît particulièrement épineux d’apporter des réponses durables et efficaces.
Tout au long de sa démonstration, Françoise Benhamou délivre des idées de réformes et dessine des perspectives de changements pour les politiques culturelles. Dans le nouvel horizon qu’elle envisage, quelques lignes de force se dégagent.
En premier lieu, il convient de privilégier une vision de long terme afin de redéfinir en profondeur le champ d’intervention des pouvoirs publics en prenant en compte les multiples transformations à l’œuvre dans la société et en se concentrant sur les dimensions essentielles de la politique culturelle (« le soutien à l’excellence », « le travail en direction de tous les publics », « la coopération avec d’autres acteurs »).
Le mécénat présente un coût non négligeable pour la collectivitéEnsuite, l’économiste insiste sur la nécessité de revoir les rapports public-privé, à travers la question du mécénat, qui constitue une ressource complémentaire intéressante pour la politique culturelle, mais qui ne doit pas se substituer aux autres modes de financements et dont l’inconvénient est de présenter un coût non négligeable pour la collectivité (sous la forme d’avantages fiscaux), de créer une dépendance vis-à-vis des partenaires privés qui peut être lourde de conséquences lorsque ceux-ci se désengagent, et d’accroître les inégalités en se concentrant sur les institutions culturelles les plus prestigieuses.
Il s’agit d’un accord commercial actuellement négocié entre l’Europe et les Etats-Unis afin de libéraliser les échanges et d’instituer un grand marché transatlantique.
1,46 milliard d’euros engagé entre 2014 et 2020.
Françoise Benhamou prend l’exemple du taux réduit de TVA pratiqué par la France et le Luxembourg sur le livre numérique, que les deux pays ont aligné sur celui du livre papier, et à propos duquel la Cour de justice de l’Union Européenne s’est prononcée défavorablement.
Internet Corporation for Assigned Names and Numbers
Les mesures d’endiguement de l’épidémie de Covid-19 due au coronavirus SARS-CoV-2 prises en fin de semaine ont incité plusieurs médias locaux à jouer un rôle actif d’intermédiaire entre des besoins d’aide et des propositions de services solidaires.