La réforme territoriale : un nouveau défi pour la PQR

La réforme territoriale : un nouveau défi pour la PQR

La réforme territoriale force la presse quotidienne régionale à développer de nouvelles stratégies éditoriales pour couvrir l’actualité locale. 
Temps de lecture : 4 min

La presse quotidienne régionale, dans une situation économique difficile, doit faire face à un nouveau défi. Principal vecteur de l’information politique, économique et sociale des régions, la PQR doit en effet trouver comment couvrir l’actualité de régions qui ont pour certaines doublées de superficie. Si, comme le remarque le sociologue des médias Jean-Marie Charon, « la réforme territoriale, qui fait passer de 22 à 13 le nombre de régions le 1er janvier 2016, a bouleversé la hiérarchie des réflexions sur le développement des groupes de presse régionale », les groupes de presse vont-ils pour autant s’étendre eux aussi ? Rien n’est moins sûr car, « à part Ouest-France, leurs faibles revenus ne permettent pas de penser à une expansion ». Les journaux doivent cependant repenser en profondeur leurs stratégies éditoriales pour s’adapter aux nouvelles régions. 

D’immenses nouvelles régions à couvrir

La superficie moyenne des nouvelles régions est désormais de 41 863 km² contre 24 737 km² avant la fusion. Couvrir l’actualité régionale de ces territoires, à moyens humains et financiers constants, demande donc une réflexion sur l’optimisation des ressources.

À ce jour, seul le journal Ouest-France a été en mesure de développer une nouvelle offre quotidienne d’actualité régionale, d’Avranches à Dieppes, dans la perspective de la réunification de la Normandie. Le rédacteur en chef des rédactions du journal déjà présent en Basse-Normandie, François-Xavier Lefranc, ne pouvait pas envisager de dire à ses lecteurs « qu’on allait les informer sur la moitié d’une région parce qu’on ne savait pas ce qu’il y a de l’autre côté ».
 
L’équation est plus difficile pour La Montagne, du groupe Centre-France, particulièrement touchée par la nouvelle carte des régions. « Notre titre doit couvrir deux nouvelles régions dont les capitales ne sont plus sur notre zone de diffusion », explique le rédacteur en chef Jean-Yves Vif, dont le journal couvre l’actualité du Limousin et de l’Auvergne. La première de ces régions a fusionné avec l’Aquitaine et le Poitou-Charentes et l’autre, avec la région Rhône-Alpes. D’une superficie de 42 000 km² à couvrir avant la fusion, La Montagne doit maintenant parler de deux régions qui représentent à elles seules un quart de la superficie totale de la France. Même problématique pour La Voix du Nord, dont la zone de diffusion est originellement le Nord-Pas-de-Calais, qui devra désormais inclure la Picardie dans ses informations régionales.
 
D’une manière générale, la nouvelle carte de la France oblige la PQR à étendre, si ce n’est sa zone de diffusion, du moins la zone qu’il traite pour donner à ses lecteurs les informations indispensables qui touchent leurs régions. 

Quelles stratégies éditoriales ?

 La Voix du Nord reste cependant prudente. « Nos pages régions vont rester essentiellement des pages concernant le Nord-Pas-de-Calais », explique le rédacteur en chef Jean-Michel Bretonnier, qui n’a pas l’intention d’augmenter sa pagination « tant que l’existence de la nouvelle région n’est pas réelle dans les yeux des gens ». Un choix qui contraste avec de nombreux autres titres. La Dépêche du Midi prend ainsi le pari inverse de réaliser quotidiennement une page qui prendra en compte l’actualité de l’ensemble de la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, soit une actualité qui dépasse largement sa zone de diffusion actuelle. Même projet pour Ouest-France dont le rédacteur en chef souhaite « densifier et développer [les] rubriques régionales ».

Chez La Montagne, un poste permanent de journaliste a été créé à Lyon pour couvrir les informations de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes et les élections régionales des 29 novembre et  6 décembre. Le journal développe simultanément un réseau important de correspondants dans la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.
 
La presse quotidienne régionale compte aussi utiliser à bon escient les synergies qui peuvent exister entre les différentes rédactions des différents groupes pour remplir leurs rubriques. Des sondages, enquêtes ou interviews de politiques communs sont envisagés au sein des groupes, mais les commentaires seraient alors adaptés selon les titres. Cette mutualisation des moyens au sein des groupes Rossel, EBRA, Centre-France, Sud-Ouest ou encore La Dépêche permettrait ainsi de couvrir plus facilement une zone plus grande pour chaque journal.
 
Certains groupes de presse sont de facto avantagés. La zone de diffusion totalisée par leurs titres réunis coïncide avec les nouvelles frontières de leurs régions (le groupe La Dépêche en Midi-Pyrénées-Languedoc-Rousillon) voire déborde (le groupe Rossel en Nord-Pas-de-Calais-Picardie). La circulation de l’information sur les régions au sein de ces groupes est ainsi facilitée.
 
Les informations régionales sont, dans tous les cas, considérées comme une priorité éditoriale pour la PQR ces prochains mois. 

Co-construire les nouvelles régions ?

« Si le socle et l’attrait principal de la PQR reste l’information de proximité », comme le rappelle Jean-Marie Charon, les différents journaux ne peuvent se permettre de passer sous silence ce qui se passe à l’échelon régional. « Le propre d’un journal régional est d’être un acteur de la politique régionale », confirme Jean-Claude Souléry, le rédacteur-en-chef de la Dépêche du Midi. « Les nouvelles régions ont besoin qu’il y ait des médias capables d’expliquer les enjeux et les compétences de ces régions, de veiller aux grandes causes régionales », renchérit-il. Une nécessité d’autant plus forte que les régions, avec la réforme territoriale, voient leurs prérogatives renforcées concernant l’emploi, l’aménagement du territoire, l’environnement et la formation professionnelle. Être à la tête d’une région confère davantage de responsabilités aux élus ; des millions d’habitants vont être concernés et impactés par les décisions prises à leur niveau. Les titres de presse régionale, qui sont les seuls à jouer le rôle de garde-fou au niveau de la région, doivent donc trouver les moyens de couvrir les zones où ils ne sont pas présents pour remplir leur mission d’information.

Au-delà même de ce rôle, la PQR est destinée à participer activement à la construction mentale des nouvelles régions dans l’esprit de ses habitants. « Ce n’est pas parce que deux régions fusionnent que, le 1er janvier, les gens vont avoir le sentiment de vivre dans une nouvelle région », anticipe le rédacteur en chef de La Voix du Nord. « C’est très long de modifier les schémas mentaux en France, nous allons donc essayer de présenter à nos lecteurs la région Picardie. On va essayer de créer une culture commune, sans pour autant procéder à des mises en commun artificielles », poursuit-il.
 
Constat partagé par le rédacteur en chef de La Montagne pour qui son journal doit cependant aller plus loin et « participer à la construction politique et sociologique des nouvelles régions ». Les sondages sur le nom des nouvelles régions ou les articles cherchant à développer un sentiment d’unité et d’identité, publiés par de nombreux journaux régionaux (Le groupe La Dépêche, La Montagne), font ainsi parti intégrante de cette co-construction régionale. Les représentations diffusées par les médias participent en effet activement au processus d’identification de leurs lecteurs aux nouvelles régions.

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Crédit photo :
Site du gouvernement
 

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