Les chaînes gratuites : des stratégies très diverses
Les investissements des télévisions hertziennes dites historiques (TF1, France Télévisions, M6) comprennent à la fois une part en préachat et une part en coproduction sur chaque film. Quant à Arte, la chaîne franco-allemande ne relève pas du droit français en matière d’obligations et investit donc dans le cinéma sans obligation. Quant aux nouvelles chaînes de la TNT, elles préachètent des films au fur et à mesure de la croissance de leur chiffre d’affaires.
Toutes ces chaînes gratuites représentent en moyenne 13 % des budgets des films d’initiative française, une proportion stable. Le montant moyen de leur participation s’élève à 122,49 millions d’euros par an entre 2005 et 2014. Mais la situation est différente entre service public et privé, entre chaînes dites « historiques » et leurs petites sœurs de la TNT.
Les chaînes publiques avaient vu leurs budgets dédiés aux préachats augmenter ces dix dernières années : le calcul de leurs obligations étant surtout lié à la redevance, elles avaient moins souffert de la crise publicitaire, d’autant que la suppression de la publicité en prime time a été en grande partie compensée par l’État pendant les premières années. Mais actuellement, la tendance est plutôt à la baisse. Ainsi France 2 Cinéma a investi 26,85 millions d’euros dans 27 films en 2014 contre 29,71 millions d’euros pour 32 films en 2005. Pour France 3 Cinéma, le budget était de 23,67 millions d’euros pour 33 films en 2014 contre 24,21 millions d’euros pour 27 films en 2005. Pour exemples, France2 Cinéma a coproduit La famille Bélier ou Dheepan, France3 Cinéma Les Garçons et Guillaume à table et est engagée depuis longtemps sur des films d’animation.
Enfin Arte a participé à 15 films pour 6,60 millions d’euros en 2014. Les films coproduits par la filiale de la chaîne sont très présents dans les festivals du monde entier. Fait majeur et nouveau, ils obtiennent de réels succès en salles en adéquation avec leur économie. Récemment Arte France Cinéma était ainsi partenaire de Timbuktu et de La loi du marché. .
Le groupe TF1 a une stratégie affirmée en direction des films fédérateurs à public familial : confronté à la baisse du budget de sa filiale cinéma, calculé sur son chiffre d’affaires publicitaire lui-même en baisse, le groupe a été amené à concentrer ses investissements sur moins de films : 13 pour 27,72 millions d’euros en 2014 selon le CNC, avec un montant moyen par film élevé (2,2 millions d’euros). Lucy, Supercondriaque, Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, ont ainsi été préachetés par TF1. M6 fait également face à une stagnation de son chiffre d’affaires publicitaire après une longue période de croissance. M6 Films a préacheté 11 films pour 23,08 millions d’euros en 2014, se focalisant sur les comédies grand public, accompagnant les talents nés sur son antenne, comme Kev Adams. Elle s’implique fortement dans les films d’animation français comme Astérix - le domaine des dieux ou Le petit Prince.
La concurrence croissante entraîne les chaînes, surtout privées, vers des titres forts qui auront du succès en salles, avec un casting connu, susceptibles de séduire l’audience même 22 mois après leur sortie. La concurrence sur un petit nombre de titres fait monter les prix et certains films attirent plusieurs chaînes : La Famille Bélier a été préacheté par Canal+, suivi de France 2, puis M6 et D8 et a connu le succès que l’on sait en salles (7,5 millions de spectateurs). En revanche, 100 % Cachemire qui réunissait Canal+, France 2, M6, France 4 et W9 a été un flop. Plus cher, le préachat de films pour deux diffusions, qui permet de conserver ceux-ci plus longtemps, est également une stratégie développée par les chaînes privées, comme pour La belle et la bête pour TF1 ou encore Les vacances du petit Nicolas pour M6.