Un paysage audiovisuel africain en évolution rapide
Il n’existe pas de données fiables sur le paysage audiovisuel africain, en particulier le nombre de téléviseurs réellement utilisés, la typologie du parc (déterminant pour l’utilisation d’un décodeur TNT sur une prise Peritel), l’audience (indispensable pour l’impact publicitaire). En conséquence, les régulateurs audiovisuels, comme ceux de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest africaine) en 2014, souhaitent se doter d’un observatoire de l’audiovisuel : il est indispensable pour donner une visibilité aux investisseurs, en particulier pour la transition vers la TNT, et favoriser la professionnalisation du marché publicitaire, qui finance la télévision gratuite, en publiant des données fiables pour les annonceurs.
Le nombre de chaînes par pays est variable (5 au Benin, 15 au Sénégal, plus de 60 en RDC). Beaucoup n’offrent pas un service continu et n’ont pas forcément de licences de diffusion. Le passage au numérique, par l’obligation d’être présent sur un multiplex, va aider à la régularisation du secteur, voire à sa concentration.
La période de croissance économique continue que connaît l’Afrique a permis l’émergence d’une importante classe moyenne. Elle accède aux loisirs télévisuels, souvent par des services satellitaires ou par des services de télévision payants, plus ou moins légaux (des acteurs locaux développent des services de câble ou hertziens – le MMDS/Microwave Multipoint Distribution System) — reprenant, sans les droits, des chaînes récupérées sur les services satellitaires.
La part de la télévision gratuite, financée par la publicité ou la redevance, portée par les acteurs historiques, en premier lieu les monopoles publics, a diminué au profit des acteurs de la télévision payante (par exemple,le groupe sud-africain Multichoice pour les pays anglophones et Canal+ pour les pays francophones). Un des enjeux de la TNT est la relance de la télévision gratuite, en diminuant les coûts de diffusion (dans un rapport 3 à 8, selon les cas).
Il y a des raccourcis qui coûtent cher
Profitant du retard pris dans le passage à la TNT et de l’appétence des consommateurs, des nouveaux entrants, comme le chinois StarTimes, ont développé des services de TNT payants packagés (réseaux de distribution, décodeurs, contenus). La société chinoise propose aux États de généraliser la TNT selon la même méthode. Bien que le coût proposé soit prohibitif et la qualité pas assurée, certains décideurs (Guinée…) se sont laissés tenter, attirés par la promesse d’un financement qui semblait indolore via la banque publique chinoise Eximbank. Au final, le réseau leur reviendra trois fois plus cher qu’avec un appel d’offre traditionnel, il y a des raccourcis qui coûtent cher… Néanmoins, tant au Kenya qu’au Ghana, les autorités, qui avaient initialisé le processus avec StarTimes, sont revenues en arrière une fois compris les conséquences du modèle économique proposé par l’opérateur chinois sur leur souveraineté.
La période est marquée par l’émergence de chaînes panafricaines et une explosion de la production de contenus locaux (symbolisée par
les productions de Nollywood — le Hollywood du Nigéria — dont les versions francophones sont un succès en Afrique de l’Ouest). Plusieurs projets de chaînes, portés par des acteurs majeurs non africains, sont en cours (Canal + Afrique, Euronews, Fox…).
Dans ce contexte mouvant, la TNT est une opportunité historique, peut-être la dernière, pour les États, de remodeler le paysage audiovisuel en faisant évoluer les chaînes publiques (séparation production / diffusion), en réattribuant des licences de diffusion et en redéfinissant leurs règles (quotas de productions locales, protection des téléspectateurs, pluralité de l’information…). Un des enjeux est la maîtrise du processus du déploiement technique et réglementaire de la TNT et la création d’un secteur de production national, créateur d’emplois et de richesses tant culturelles qu’économiques.