L'Afrique subsaharienne au défi des médias internationaux

L'Afrique subsaharienne au défi des médias internationaux

De longue date, les médias transnationaux ont investi les ondes radio et télé de l’Afrique subsaharienne, puis le Web. Des « flux néocoloniaux » ? Pas si simple. Ces flux ont étanché la soif d’information des Africains, avant qu’ils ne mènent leurs propres projets sur ces supports.

Temps de lecture : 13 min

« Les médias à la conquête de l’Afrique » : c’est en ces termes que Stratégies décrivait en juin 2014 les initiatives prises par Le Point, Le Monde ou Euronews à destination de ce que le magazine désignait comme un « nouvel El Dorado »(1) . Ces initiatives s’inscrivent dans la continuité d’une histoire déjà longue de projets — lancés par des radios et télévisions internationales ou des plateformes du Web — proposant des supports transnationaux d’information à l’attention des publics africains.

L’objectif de cet article est de comprendre les ressorts géopolitiques, politiques ou économiques qui ont fait du continent africain — bien avant qu’il ne soit vu comme un « El Dorado » — un terrain d’affrontement, dans le champ de l’information, entre médias transnationaux.

Les radios internationales à la conquête des auditeurs africains

L’Afrique subsaharienne a été, dès le début des indépendances, dans un contexte de guerre froide, la cible des émissions en ondes courtes, en plusieurs langues, des radiodiffuseurs internationaux : ceux des anciennes puissances coloniales, des États-Unis, ceux des principaux pays communistes, mais aussi ceux des nouvelles nations indépendantes du continent désirant projeter à l’extérieur leur souveraineté nouvellement acquise.
 
Dès 1958 et 1959, respectivement Radio Moscou et Radio Pékin inaugurent leurs émissions en langues française, anglaise et portugaise à destination du continent, auxquelles viendront s’ajouter en 1961, pour la première, des programmes en swahili. Poursuivant ses émissions en anglais inaugurées pendant la période coloniale, la British Broadcasting Corporation (BBC) affrontera la période des indépendances en commençant à diffuser en langues africaines (en swahili, somali et haoussa) en 1957, avant de débuter en 1960 ses programmes en français à l’attention des pays francophones de l’Afrique subsaharienne. Désireuse de rivaliser tant avec les émissions soviétiques et chinoises, qu’avec celles des puissances d’Europe de l’Ouest, la Voice of America (VOA) inaugurera, elle, des programmes à destination du continent en anglais en 1959, en français l’année suivante et en swahili en 1962. Le Portugal ajoutera lui, à ses émissions en portugais à destination des pays lusophones d’Afrique, des programmes, à partir de 1960, en anglais pour l’Afrique de l’Est. Les activités de la radiodiffusion française à destination de l’Afrique subsaharienne sont quant à elles, à en croire Donald Browne, encore au début des années 1970, avant la création de Radio France Internationale (RFI) en 1975, « étonnamment modestes » comparativement à celles de ses concurrentes, concentrées sur le français et « peu disposées à s’adapter aux audiences africaines »(2) .
 
 Les États africains ne sont pas en reste qui, dès leur accession à l’indépendance, usent des ondes internationales pour promouvoir leurs idéaux, en employant les langues européennes et africaines. Marchant dans les pas de la Radio du Caire qui a été la première à diffuser, dès 1954, des programmes en swahili, le Ghana diffusera en 1959, suivi du Nigeria en 1962, des émissions internationales en français, anglais, arabe, haoussa et swahili, avant que la Guinée et la Tanzanie ne les imitent. Confrontée aux diffusions de Radio Moscou, Radio Pékin et à celles de plusieurs pays africains critiques du régime d’apartheid, la South African Broadcasting Corporation (SABC) mettra en place en 1966, en guise de riposte, une Radio RSA (Voice of South Africa) émettant en anglais, français, portugais, mais aussi en diverses langues africaines. Des postes radiophoniques africains branchés sur les ondes courtes s’élève donc, écrit Sydney Head en 1974, une « Babel de voix », d’où se détachent néanmoins les principaux radiodiffuseurs internationaux, à la plus grande capacité d’émission(3) .
 
 Les ondes permettent à l’auditeur africain de contourner les politiques officielles de censure  
Moyen de projection diplomatique pour les pays qui les financent, les programmes de ces radios internationales constituent aussi, pour leurs auditeurs vivant dans des pays dont les régimes s’efforcent de contrôler les moyens de communication, un support à partir duquel compléter leur menu informationnel. Comme l’explique en 1972 l’alors directeur des émissions de la BBC à l’attention de l’Afrique, les ondes permettent à l’auditeur africain de contourner les politiques officielles de censure, en lui donnant accès aux radios occidentales, à celles des pays voisins ou à celles « de Moscou ou de Pékin », et de pouvoir ainsi « former son opinion ». « Ce faisant, il peut comparer les programmes de la BBC, par exemple, avec ceux de sa propre radio [nationale] et peut se demander pourquoi il peut entendre des informations sur son propre pays à l’antenne de la BBC avant même de les entendre sur la radio nationale »(4) .
 
Conséquence des limites de l’information dispensée par les médias nationaux, ces radios étrangères représentent, pour leurs publics — prioritairement recrutés dans les couches aisées et éduquées de la population urbaine —, une « partie intégrante de leur environnement “informationnel” », écrit Michel Tjadè Eonè en 1984, à partir du cas du Cameroun. Les émissions de RFI, de la BBC, de la VOA, ou de la franco-gabonaise Africa n° 1 offrent alors un utile contrepoids au « style officiel de la radio nationale », non sans susciter méfiance ou critiques en raison de l’agenda des diplomaties dont elles dépendent au moins pour partie(5) .
 
La libéralisation au début des années 1990 de l’espace médiatique de nombre de pays d’Afrique subsaharienne — qui va se traduire par une floraison de titres de presse et de radios, voire de télévisions privées — va réduire l’intérêt de ces stations étrangères, sans toutefois l’éliminer. Dans les pays où l’État continue de vouloir contrôler les moyens de communication, les principales radios internationales opérant sur le continent — RFI, la BBC et VOA — jouent toujours leur fonction de détournement des politiques nationales de censure. Ailleurs, elles s’efforcent de continuer à faire partie de « l’environnement “informationnel” » de leur public, profitant de l’expérience acquise et de l’importance de leurs moyens, sans commune mesure avec ceux de leurs collègues africains. Pour mieux s’intégrer aux paysages radiophoniques nationaux, elles multiplient la diffusion de leurs programmes en modulation de fréquence.

Des télévisions occidentales dans le ciel africain

Le développement, à partir de la fin des années 1980, de la réception par satellite va offrir en Afrique, à ceux qui en ont les moyens, un autre support pour accéder à une plus grande variété de nouvelles. Coïncidant avec la chute des régimes de l’Est et une vague de démocratisation sur le continent, l’avènement de la télévision par satellite va susciter, dans le prolongement de celles évoquées pour la radio, un ensemble d’initiatives dans le champ de l’information télévisée en Afrique subsaharienne, de la part d’acteurs publics, mais aussi privés, français, britanniques, américains ou portugais. Et ce, en dépit du fait que « la télévision soit sur ce continent moins développée que sur les autres »(6) .

 
L’État français a, dans ce cadre, sans conteste, fait de la télévision par satellite, dans la continuité des missions assignées à RFI, un instrument d’importance de sa politique à l’égard de l’Afrique francophone. Il a d’abord créé Canal France International (CFI) qui a mis en place une banque de programmes, envoyés par satellite et offerts, en grande majorité à titre gratuit, aux télévisions d’État africaines. De même, la chaîne francophone par satellite TV5, lancée en 1984 en Europe, a-t-elle initié en 1992 une déclinaison africaine, TV5 Afrique, reprenant, au départ, les programmes de son aînée européenne, avant d’étoffer sa grille en programmes, en particulier des journaux télévisés, spécialement consacrés à l’Afrique.
 
Canal France International, en plus de ses activités de banque de programmes, va progressivement s’imposer comme une chaîne à destination des particuliers, avant de voir néanmoins, sous l’effet de la réorientation de l’audiovisuel extérieur français, cette activité mise en question. Elle y renoncera fin 2003, à l’issue d’une année de négociations pour faire naître une chaîne française d’information internationale avec laquelle il y aurait eu des recoupements — la future France 24, créée en 2006, qui fera de l’Afrique une de ses priorités.
 
La diplomatie publique des États-Unis a, quant à elle, mis à disposition des chaînes africaines, en particulier dans la partie anglophone du continent, sa propre banque de programmes transmis par satellite, le Worldnet Television and Film Service, placé en 2004 sous l’autorité de la Voix de l’Amérique.
 

De manière intéressante, l’accès pour les opérateurs publics et privés britanniques ou américains aux téléspectateurs d’Afrique anglophone va se faire largement par l’entremise d’une entreprise privée sud-africaine, Multichoice, émanation du premier groupe de télévision à péage sud-africain, M-Net. C’est grâce aux premiers investissements de M-Net en Afrique anglophone que le BBC World Service Television va pouvoir, en 1992, un an après sa création — qui s’est appuyée sur le réseau de correspondants de la radio —, grâce à un accord de rediffusion, toucher un public africain et même conclure des contrats de reprise de ses programmes par voie hertzienne au Nigeria, au Ghana ou dans différents pays d’Afrique australe ou de l’Est. De même, c’est par le biais d’un bouquet numérique créé, au lendemain de la fin du régime d’apartheid, en 1995 par Multichoice, Digital Satellite Television (DStv), que BBC World News, CNN International (présente dans le ciel africain depuis 1988) ou Sky News pourront démultiplier leur présence auprès des foyers d’Afrique anglophone équipés.
 
Aux côtés des initiatives prises par les entreprises publiques ou privées françaises, américaines ou britanniques, figurent en bonne place celles du Portugal qui se sont traduites — après des années de diffusion aux publics lusophones d’Afrique des émissions internationales de la radio et télévision portugaise (RTPI) — par la création en 1998 d’une chaîne spécifique à destination des cinq pays africains de langue portugaise : RTP Africa.
 
L’accès aux informations de ces diverses chaînes transnationales reste cependant — quand il ne se fait pas via la rediffusion sur les télévisions nationales — limité, étant donné son coût en matériel ou en abonnement, aux publics urbains les plus aisés et les plus éduqués. Même si le recours aux équipements ou services offerts par l’économie informelle permet à certains téléspectateurs de s’affranchir de cette barrière financière, et même si le recours à la réception via un système de distribution micro-onde multipoint (MMDS selon l’acronyme anglais) permet de réduire le poids de celle-ci.
 
Comme les radios internationales avant elles, ces chaînes de télévision transnationales permettent à ceux des téléspectateurs qui peuvent en bénéficier de compléter leur menu informationnel ordinaire. Ce complément de nouvelles est même utilisé par l’opérateur sud-africain Multichoice, à la fin des années 1990, comme un argument promotionnel. Multichoice ne vante-t-il pas les mérites de « l’objectivité » de son offre en chaînes d’information occidentales, permettant à ses publics africains d’avoir, par ce biais, « des informations sur leur propre pays qu’ils ne pourraient avoir à partir de leurs médias nationaux » ?(7)

Les nouveaux acteurs de la télévision par satellite

Les puissances télévisuelles occidentales vont néanmoins être confrontées, dans les années 2000, à l’émergence de chaînes par satellite d’information en continu transnationales non occidentales s’adressant au public africain et ayant pour objectif explicite de constituer une alternative aux précédentes. Al Jazeera English a ainsi été lancée fin 2006 avec l’ambition affirmée de mieux couvrir l’Afrique subsaharienne, trop souvent « reléguée aux marges des flux d’information globaux »(8) .

La Télévision centrale chinoise (CCTV) a, elle, en harmonie avec les investissements qu’opère Pékin en Afrique subsaharienne, créé plusieurs chaînes destinées plus ou moins explicitement aux publics de ce continent. En 2007, a ainsi vu le jour une CCTV-F diffusant en français qui a vocation, notamment, « de resserrer les liens entre la Chine et l’Afrique »(9) . En 2012, CCTV a également inauguré un centre de production au Kenya, qui produit une heure de programmes par jour sur l’Afrique, diffusés par la chaîne anglophone CCTV News à l’attention des téléspectateurs africains. Cette présence télévisuelle chinoise sur le continent fera dire au directeur de la Voix de l’Amérique qu’« en Afrique, la bataille pour les cœurs et les esprits fait rage »(10) .
 
Il faut enfin compter sur les chaînes d’information transnationales africaines, publiques ou privées. L’Afrique du Sud, en particulier, a vu se créer plusieurs de ces télévisions, diffusant à l’attention des téléspectateurs anglophones du continent. Après avoir mis en place en 2008 une première chaîne internationale d’information (SABC News International) qui, faute d’avoir trouvé son audience, a fermé en 2010, la télévision publique sud-africaine a relancé en 2013 une SABC News ayant l’ambition d’être l’« Africa news leader », dont les programmes sont diffusés en anglais et en langues sud-africaines. Elle doit affronter la concurrence de la chaîne eNews Channel Africa, la première chaîne commerciale d’information en continu sud-africaine, lancée en 2008, s’adressant à un public anglophone, ainsi que celle, plus spécialisée, de CNBC Africa (déclinaison pour l’Afrique de la chaîne américaine CNBC), conçue en 2007 par le groupe sud-africain Africa Business News.
 
Du côté francophone, deux télévisions notamment sont en compétition pour les audiences panafricaines : Africable, créée en 2004 par un entrepreneur malien, Ismaïla Sidibé, à partir de Bamako, qui offre, en plus de ses propres informations, une compilation des journaux télévisés de chaînes africaines partenaires ; et Africa 24, inaugurée en 2008 par le Camerounais Constant Nemale, dont le siège est à Saint-Cloud, et dans laquelle les États de Guinée équatoriale et du Cameroun auraient, selon Jeune Afrique, des intérêts minoritaires. À noter qu’Africable et Africa 24, comme eNews Channel Africa, sont disponibles, à partir de divers bouquets satellites, pour les téléspectateurs de la diaspora africaine dans divers pays d’Europe.
 
De TV5Monde à Africa 24, de BBC World News à SABC News, toutes les chaînes diffusant dans le ciel africain sont également en compétition sur le Web pour capter l’attention des internautes de ce continent.

L’information africaine en ligne : le rôle important de la diaspora

L’émergence du Web, surtout depuis les années 2000, a permis aux acteurs occidentaux ayant déjà investi l’Afrique subsaharienne par le biais de la radio ou de la télévision d’y démultiplier leur présence sur de nouveaux supports. Mais, elle a aussi favorisé l’éclosion de différentes initiatives africaines visant à informer sur le continent sans passer par la médiation obligée de ces acteurs occidentaux.
 
En Afrique francophone, RFI et TV5 s’emploient de cette façon à séduire, après les auditeurs et téléspectateurs, les internautes. Abordant le Web « comme un média à part entière », ils entendent être des acteurs importants de l’information en ligne sur l’Afrique et pour l’Afrique, non sans créer, en raison de la supériorité de leurs moyens, une « concurrence inégale » avec les médias du continent(11) . Le site en douze langues de Rfi.fr intègre ainsi des éditions en haoussa et en kiswahili. La télévision francophone a, quant à elle, créé en 2010 TV5Monde+Afrique, « la première web TV 100 % Afrique ».
 
En Afrique anglophone et lusophone aussi, le Web a permis à certains des opérateurs occidentaux historiques de décliner leur présence sur d’autres plateformes. À tel point que, en étudiant l’information en ligne en Afrique australe, Chris Paterson parle, pour qualifier la popularité dont jouissent les sites d’information portugais au Mozambique ou ceux de BBC Online ou du Guardian Online en Zambie ou au Zimbabwe, de « persistance des flux néocoloniaux » dans le domaine des nouvelles(12) .
 
Il serait néanmoins des plus réducteurs de ne caractériser l’attrait que peuvent exercer les contenus de la BBC Online ou de Rfi.fr en Afrique qu’avec ce qualificatif de néocolonialiste. Les sites de ces médias, comme leurs ondes radiophoniques ou télévisuelles avant eux, fournissent une ressource d’importance à ceux des internautes éprouvant le besoin de compléter leur menu informationnel.
 
 Une voix africaine pour dire l’Afrique.  
Parallèlement, le Web a, bien entendu, aussi vu se développer des projets africains désireux d’offrir un nouveau regard dans le domaine de l’information par rapport à celui donné par les médias occidentaux. S’inscrivant dans la continuité de l’agence d’images Camerapix qu’avait fondée le célèbre photographe Mohamed « Mo » Amin à Dar es Salam en 1963, le fils de celui-ci, Salim Amin, après avoir repris Camerapix, a créé en 2008 à Nairobi Africa 24 Media (A24Media), la première agence en ligne africaine de photographies et de vidéos, qui agrège les contenus de dizaines de professionnels sur le continent et qui a pour slogan : « An African voice telling the African story », « une voix africaine pour dire l’Afrique ».
 
Le relativement faible nombre des usagers d’Internet en Afrique subsaharienne — la région du monde où le pourcentage de ceux-ci par rapport à la population totale est le plus réduit, même s’il est en croissance rapide — tend naturellement à limiter son potentiel en tant que médium pour l’information à une élite urbaine ayant les moyens d’y recourir pour cette fin. Dans ce contexte, la diaspora africaine constitue une des composantes majeures du public des médias en ligne africains. Jacques Bonjawo va jusqu’à affirmer que la diaspora constitue la « principale audience » de ces médias(13) .
 
Cela contribue à expliquer le rôle important que joue cette diaspora dans la création de sites d’information sur l’Afrique. À l’image du site allAfrica.com, mis sur pieds en 1999 à partir de Washington, par Amadou Mahtar Ba, avec l’ambition d’offrir « une voix de, par et sur l’Afrique », sans passer par l’entremise des agences de presse ou médias occidentaux, en agrégeant sur un site en deux langues, français et anglais, les contenus provenant de plus de 130 organes de presse africains.
 
Certains des sites créés au sein de la diaspora se sont de cette façon imposés comme des sites incontournables pour les internautes des pays concernés. Ainsi, Seneweb.com, conçu en 1999 par un informaticien sénégalais basé aux États-Unis et qui prend la forme d’un portail généraliste intégrant des contenus issus d’une variété de sources, est-il devenu progressivement le site sur le Sénégal le plus consulté, y compris par les Sénégalais de l’intérieur(14) .
 
Dans certains pays, les sites d’information créés par la diaspora — qui bénéficient souvent d’une plus grande liberté d’expression par rapport aux médias nationaux — jouent un rôle central dans l’approvisionnement en nouvelles. Ainsi, au Nigeria, comme l’a montré Farooq A. Kperogi, « les journaux en ligne basés aux États-Unis, comme le Times of Nigeria, Sahara Reporters ou ElenduReporters », pour ne citer que ceux-là, sont, à partir de 2005, devenus de « riches mines d’information », non seulement pour les internautes du Nigeria ou de la diaspora, mais aussi pour « les titres de presse nigérians locaux » qui ont exploité les nouvelles de leurs confrères d’outre-Atlantique et les ont mis à disposition d’un plus large public nigérian(15) . Au Zimbabwe, après avoir été contraints par le régime de Robert Mugabe à l’exil au début des années 2000, différents journalistes zimbabwéens, réfugiés en Afrique du Sud, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie ou au Canada, ont créé, à partir de leurs nouveaux lieux de résidence, une floraison de titres d’information en ligne qui exercent, à en croire Dumisani Moyo, une « influence » jusque dans leur pays d’origine. Ils ont en effet été capables, à plusieurs occasions, de « mettre à l’ordre du jour » de la presse de ce pays plusieurs affaires importantes qui ne l’auraient probablement pas été sans leur intervention(16) .
 
Ces sites diasporiques jouent alors, de l’extérieur, comme ont pu le faire la BBC ou RFI avant eux, un rôle non négligeable dans la fourniture d’informations à destination de leur pays d’origine.

 

Références

Amelia ARSENAULT, « Covering and reaching Africa », in Philip SEIB (dir.), Al Jazeera English. The Birth, Adolescence, and Prospects of a Global News Channel, Boston, Palgrave, 2012, pp. 79-96.
 
Jacques BONJAWO, Révolution numérique dans les pays en voie de développement. L’exemple africain, Paris, Dunod, 2011.
 
Donald BROWNE, « International Broadcasting to African Audiences », in Sydney W. HEAD (dir.), Broadcasting in Africa, Philadelphie, Temple University Press, 1974, pp. 175-199.
 
Urte Undine FRÖMMING et Kani TUYALA, « Contra flows versus free flows of information ? The Kenyan online media agency A24 Media », Journal des Anthropologues, Charenton-le-Pont, Association française des anthropologues, à paraître en décembre 2015.
 
Thomas GUIGNARD, « L’information africaine et internet : une nouvelle configuration de l’espace médiatique africain », Africultures, Paris, Association Africultures, n° 71, 2007/2, pp. 62-69.
 
Farooq A. KPEROGI, « Guerrillas in Cyberia : The transnational alternative online journalism of the Nigerian diasporic public sphere », Journal of Global Mass Communication, Phoenix (Arizona), Marquette Books, vol. 1, n° 1-2, 2008, pp. 72-87.
 
Tristan MATTELART (dir.), La mondialisation des médias contre la censure, Paris, Bruxelles, Ina, De Boeck, 2002.
 
Dumisani MOYO, « Alternative media, diasporas and the mediation of the Zimbabwe crisis », Ecquid Novi : African Journalism Studies, Londres, Taylor and Francis, vol. 28, n° 1-2, 2007, pp. 81-105.
 
Graham MYTTON, Ruth TEER-TOMASELLI et André-Jean TUDESQ, « Transnational television in Sub-Saharan-Africa », in Jean CHALABY (dir.), Transnational Television Worldwide, Londres, I.B. Tauris, 2005, pp. 96-127.
 
Lilian N. NDANGAM, « It’s not all Africa @ allafrica.com », Global Media and Communication, Londres, Sage, vol. 2, n° 2, 2006, pp. 251-256.
 
Chris PATERSON, « Information flows in sub-Saharan Africa », Sur le journalisme , Rennes, Université Rennes 1, vol. 2, n° 1, 2013, pp. 80-87.
 
Chris A. PATERSON, « Reform or recolonisation ? The overhaul of African television », Review of African Political Economy, Londres, Taylor and Francis, vol. 25, n° 78, 1998, pp. 571-583.
 
Michel TJADE EONE, Radios, publics et pouvoirs au Cameroun. Utilisations officielles et besoins sociaux, Paris, L’Harmattan, 1986.
 
J. F. WILKINSON, « The BBC and Africa », African Affairs, Oxford, Royal African Society,vol. 71, n° 283, 1972, pp. 176-185.

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Crédits photos :
Deborah, Radio broadcaster, Tanzania. mOgg / Flickr
    (1)

    Voir Les médias à la conquête de l'Afrique 

    (2)

    Donald BROWNE, « International Broadcasting to African Audiences », in Sydney W. HEAD (dir.), Broadcasting in Africa, Temple University Press, 1974, p. 188.

    (3)

    Sydney W. HEAD, ouvrage déjà cité, p. 175.

    (4)

    J. F. WILKINSON, « The BBC and Africa », African Affairs, vol. 71, n° 283, 1972, p. 184.

    (5)

    Michel TJADÈ EONÈ, Radios, publics et pouvoirs au Cameroun. Utilisations officielles et besoins sociaux, L’Harmattan, 1986, pp. 94, 98, 107. 

    (6)

    Graham MYTTON, Ruth TEER-TOMASELLI et André-Jean TUDESQ, « Transnational television in Sub-Saharan-Africa », in Jean CHALABY (dir.), Transnational Television Worldwide, I.B. Tauris, 2005, p. 96.

    (7)

    Cité in Chris A. Paterson, « Reform or recolonisation ? The overhaul of African television », Review of African Political Economy, vol. 25, n° 78, 1998, p. 578.

    (8)

    Amelia Arsenault, « Covering and reaching Africa », in Philip SEIB (dir.), Al Jazeera English. The Birth, Adolescence, and Prospects of a Global News Channel, Palgrave, 2012, pp. 79-80.

    (9)

    Le Monde, 28 septembre 2007.

    (10)

    Voir David Ensor Keynote Speech to the Public Diplomacy Council 

    (11)

    Thomas Guignard, « L’information africaine et internet : une nouvelle configuration de l’espace médiatique africain », Africultures, n° 71, 2007/2, pp. 65-66. 

    (12)

    Chris Paterson, « Information flows in sub-Saharan Africa », Sur le journalisme, vol. 2, n° 1, 2013, p. 84.

    (13)

    Jacques Bonjawo, Révolution numérique dans les pays en voie de développement. L’exemple africain, Dunod, 2011, p. 154.

    (14)

    Jacques Bonjawo, ouvrage déjà cité, p. 154.

    (15)

    Farooq A. Kperogi, « Guerrillas in Cyberia : The transnational alternative online journalism of the Nigerian diasporic public sphere », Journal of Global Mass Communication, vol. 1, n° 1-2, 2008, p. 74.

    (16)

    Dumisani Moyo, « Alternative media, diasporas and the mediation of the Zimbabwe crisis », Ecquid Novi : African Journalism Studies, vol. 28, n° 1-2, 2007, p. 91. 

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