Le CSA tisse sa toile
Le gendarme de l’audiovisuel étend progressivement ses compétences en matière numérique. Décryptage.
Le gendarme de l’audiovisuel étend progressivement ses compétences en matière numérique. Décryptage.
Pas question pour lui de rater le coche ! À l’heure où la notion de convergence revêt enfin toute sa signification, le Conseil supérieur de l’audiovisuel entend élargir son champ de compétences et marquer davantage de son empreinte les services audiovisuels sur Internet. « Le CSA n’a jamais eu pour ambition de devenir le régulateur général d’Internet », tempérait en janvier 2014 son président, Olivier Schrameck, devant la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication du Sénat. Sans aller jusqu’à cette extrémité, le régulateur aimerait toutefois monter en puissance sur le terrain du numérique et se voir doté de nouvelles attributions. D’autant qu’il ne part pas de zéro et peut s’appuyer sur un certain nombre de prérogatives existantes. « Sur Internet, le CSA régule en particulier les WebTV, les webradios et bien entendu les SMAD (services de médias audiovisuels à la demande), c’est-à-dire les services de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage, qui sont en concurrence avec la télévision et la radio », rappelait Oliver Schrameck aux sénateurs. Ces services à la demande sont de toute évidence la première pierre d’un solide édifice en cours de construction. En novembre 2010, un décret avait défini les obligations de financement et d’exposition pesant sur ces services d’un nouveau genre. Chargé de veiller à ce qu’elles soient respectées par les éditeurs, le CSA est également tenu de proposer des pistes pour les moderniser. À ce titre, il a lancé au printemps 2013 une consultation publique. Avec à la clé un rapport remis au gouvernement en décembre dernier. Dans ce document riche d’enseignements, ses ambitions numériques sont à peine voilées.
Si le CSA parvenait à requalifier ces plateformes 2.0, elles pourraient être soumises aux mêmes obligations que les autres SMAD. Pour ce faire, le régulateur propose de mesurer la part d’activité qui relève de l’édition ou de la distribution audiovisuelle, et non du simple hébergement de vidéos. Cela en vue de déterminer avec exactitude l’assiette de la contribution à la production audiovisuelle et cinématographique.
Audacieuses, ces propositions ont reçu un accueil plutôt favorable des professionnels. Elles seront au cœur des renégociations de l’accord interprofessionnel du 6 juillet 2009, étendu par l’arrêté du 9 juillet 2009.
Aujourd’hui, l’idée d’un transfert des missions d’Hadopi vers le CSA est entérinée et a même failli être formalisée dans le cadre de la loi sur l'indépendance de l'audiovisuel public, votée à l’automne 2013. Un temps pressenti, l’amendement du sénateur David Assouline n’a finalement pas vu le jour. Ce transfert de compétences devrait donc avoir lieu dans le cadre de la grande loi sur la création annoncée pour le printemps. Dans un entretien accordé au journal Libération, Aurélie Filippetti a confirmé que le CSA sera en charge de la mise en place du mécanisme de riposte graduée, ôté de son ultime sanction : la coupure d’accès à Internet. Celle-ci a déjà été supprimée par voie réglementaire en juillet 2013. Le régulateur héritera également de la mission d’encouragement de l’offre légale qui avait été confiée à l’Hadopi par la loi Création et Internet. En revanche, la ministre entend rassurer ceux qui craignent que le CSA ne se transforme en un « Big Brother du web ». « Ce n’est pas parce que le CSA a des compétences élargies qu’il aura les même facultés ou les mêmes objectifs vis-à-vis d’Internet et de la télévision, souligne la ministre. Mais le CSA doit pouvoir travailler également sur la diffusion non linéaire et développer de nouvelles formes d’expertise sur ce qui se passe dans les réseaux numériques ».
Une autre Autorité administrative indépendante (AAI) fait l’objet de toutes les attentions : l’Arcep. Le débat sur son éventuelle fusion avec le CSA est un vieux serpent de mer. En 2012, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg avait lancé une violente charge contre l’Autorité, accusée d’avoir mal préparé l’arrivée de Free Mobile sur le marché de la téléphonie mobile. Dans ce contexte, Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti ainsi que la ministre déléguée en charge de l’Économie numérique, Fleur Pellerin, avait été chargés par le Premier ministre ,Jean-Marc Ayrault, de faire « des propositions de rapprochement entre le CSA et l'Arcep ». L’idée d’une fusion a été exclue par les ministres mais pas celle d’un rapprochement. La création d’une instance commune figurait parmi leurs propositions. Ce vœu a retenu l’attention du législateur qui a créé, dans la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, une « commission parlementaire de modernisation de la diffusion audiovisuelle ». Regroupant des membres du CSA, de l’Arcep ainsi que des parlementaires, cette commission est notamment chargée d’émettre des avis sur les projets de réaffectation des fréquences. Cette (modeste) première étape devrait ouvrir la voie à d’autres formes de collaboration. Car, de l’aveu d’Olivier Schrameck, « les sujets d’intérêt commun entre l’Arcep et le CSA sont appelés à se multiplier au fur et à mesure que convergeront audiovisuel et Internet ».
Cette redéfinition des pouvoirs se fera sous l’étroite surveillance de Bruxelles. En début d’année, la Commission européenne a officiellement institué un groupe d’autorités réglementaires de l’Union dans le domaine des services de médias audiovisuels. La mission première de ce groupe ? « Conseiller la Commission sur la mise en œuvre de la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) à l'ère de la convergence des médias », indique l’instance européenne. En France, cette directive de 2007 a été transposée dans le fameux décret SMAD du 12 novembre 2010, qui est au cœur du récent rapport du CSA. Nul doute que l’instance française jouera un rôle majeur dans ce groupe – dont Olivier Schrameck vient de prendre la direction. Il devrait permettre de favoriser les échanges entre les autorités locales, toutes confrontées au double défi de la convergence et de la globalisation. « Le paysage audiovisuel de l'Europe est en pleine mutation: le contenu est de plus en plus souvent distribué et visionné à travers les frontières et de plus en plus souvent créé, distribué et visionné en ligne. Cela pose des problèmes réglementaires particuliers et il est de ce fait essentiel d'assurer une coopération plus étroite et plus régulière entre les organismes de régulation indépendants des États membres et la Commission », résumait avec justesse le communiqué de presse de la Commission européenne.
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Crédits photo :
- Le collège du CSA (Manuelle Toussaint/CSA)
- Olivier Schrameck (Manuelle Toussaint/CSA)
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