Le jeu vidéo à la recherche du journalisme
Newsgames. Journalism at play dresse à la fois un panorama de ces nouvelles formes de jeux vidéo et se veut un outil de réflexion quant à l’utilisation du jeu vidéo à des fins journalistiques.
Newsgames. Journalism at play dresse à la fois un panorama de ces nouvelles formes de jeux vidéo et se veut un outil de réflexion quant à l’utilisation du jeu vidéo à des fins journalistiques.
Le quatrième ouvrage de Ian Bogost, Newsgames. Journalism at play, est un ouvrage à six mains écrit avec Simon Ferrari et Bobby Schweizer. Issu d’un programme de recherche et développement financé par la Knight Foundation(1)
, ce livre dresse à la fois un panorama de ces nouvelles formes de jeux vidéo et se veut un outil de réflexion destiné tant aux chercheurs qu’aux professionnels qui s’intéressent à l’utilisation du jeu vidéo à des fin journalistiques.
La notion de newsgames recouvre ainsi « un vaste ensemble de travaux produits à l’intersection des jeux vidéo et du journalisme. » (p. 6). Cette définition permet ainsi de prendre en compte des jeux traitant de l’actualité bien que non produits par des médias ni diffusés par des plateformes journalistiques mais aussi d’aborder toutes les productions plus ou moins intégrées par les entreprises de presse en ligne. L’ouvrage se décompose en deux parties (non apparentes dans la mise en page) : un chapitre introductif sur les possibilités du jeu vidéo comme outil journalistique, un premier ensemble de chapitres constituant une typologie sur les formes spécifiques de newsgame (chapitres 2 à 6), et enfin un second ensemble composé des trois derniers chapitres sur les potentialités du jeu vidéo (chapitres 7 à 9).
La première partie se compose d’une présentation plus détaillée de la typologie annoncée au début. Structure intéressante, chaque chapitre commence par une introduction historique visant à rattacher l’objet vidéoludique à d’autres formes plus traditionnelles utilisées notamment pour la presse écrite : dessins de presse, infographies, reportages photos, mots-croisés, etc… Ensuite, sont présentées les premières productions qui s’inscrivent dans ces formes journalistiques.
Après cette présentation des différentes initiatives, l’ouvrage ouvre sur une seconde partie s’intéressant cette fois-ci aux potentialités du jeu vidéo en questionnant davantage les liens entre les publics et un journal (community), les structures de diffusion (plateform). Le chapitre 7 s’intéresse cette fois à la communauté de pratique de consommation de l’information en ligne : en partant des théories de l’intelligence collective et du crowdsourcing, ce chapitre s’immisce du côté de la gamification, soit la capacité de transformer un lectorat en producteur d’information. Ce chapitre alterne ainsi l’analyse de dispositif ludique tel que eRepublik et de jeux en réalité augmentée qui impliquent la participation du joueur (World without Oil, Superstruct). L’enjeu de ce chapitre est plus théorique, puisqu’il entend analyser le passage du discours dans les jeux, à l’action par les jeux, et plus particulièrement la capacité à engager une audience locale en jouant sur l’imaginaire d’une communauté unie (p. 150). Mais, ce sont aussi ces types de jeu qui s’approchent le plus du citizen journalism(7) .
Newsgames. Journalism at play est ainsi une excellente introduction aux spécificités communicationnelles et médiatiques du jeu vidéo prenant pour sujet l’usage du jeu vidéo à des fins de production d’informations. Riche en exemples concrets de jeux, il propose un état de l’art des newsgames exhaustif et vulgarise les thèses plus ardues des game studies, comme la rhétorique procédurale(9) . Il remplit pleinement sa fonction d’introduction et parvient à concilier approche pratique et théorique. Les exemples abordés tels que les infographies ludiques ou les editorial games sont certainement les plus en phase avec les nouveaux objets journalistiques issus du passage au numérique. Ceci s’explique pour partie par l’une des particularités du jeu vidéo qui est d’être avant tout un dispositif d’interaction avec des objets numériques. Si les jeux d’actualité jouent sur les codes classiques des dessins de presse, les infographies ludiques interrogent la capacité du jeu à organiser des données complexes et à offrir des modes d’appréhension lisibles. Il s’agit ainsi de rajouter une couche de jeu sur des objets déjà existants au sein des pratiques journalistiques, la véritable plus-value étant que cette dimension ludique est une forme d’expression des opinions. À l’opposé, les jeux documentaires s’inscrivent davantage dans le monde du jeu vidéo traditionnel, tant dans les modes de production (équipes de concepteurs et développeurs), que par la complexité de ces objets informatiques dont seuls le propos et les intentions les distinguent des jeux vidéo sur consoles. En effet, entre un Call of Duty ou un Kuma/war, ce ne sont que les scénarii et les décors qui changent, les mécaniques de jeu, les algorithmes de rendu étant sensiblement identiques. Dès lors se pose la question de la congruence entre l’univers décrit dans un jeu et la réalité observée par le travail journalistique. Ce qui nous amène alors à une critique de l’économie de la production de ces newsgames.
Soit la capacité expressive et persuasive des jeux vidéo comme nouvelle forme de médiation et de narration basée sur les procédures ludiques et computationnelles. Voir notamment les travaux en game studies : Ian BOGOST, Unit Operation, MIT Press, 2006 ; Ian BOGOST, Persuasive games, MIT Press, 2007.
Le débat sur la nature du jeu vidéo, comme nouveau média ou autre forme est au fondement des game studies. Voir les deux articles liminaires : Gonzalo FRASCA “Ludology meets narratology: Similitude and differences between (video) games and narrative”, version finale originellement publiée dans Parnasso#3, Helsinki, 1999. ; Espen AARSETH, “Computer Game Studies, Year One. Editorial”, Game Studies, n°1 vol. 1, juillet 2001. ">(3). De ce fait, le but de l’ouvrage est double : présenter le jeu vidéo comme un outil journalistique, capable de s’inscrire dans les pratiques et savoir-faire, tout en le présentant comme une nouvelle forme de médiation. Cette dualité se retrouve dans l’ensemble des chapitres suivants.
Voir notamment les travaux de Tamar Liebes ou plus récemment de Josianne Jouet et Jean-Baptiste Comby sur les modalités de consommation de l’information en ligne. Les études en sociologie des médias ont mis en évidence les modalités d’appropriation ludiques des informations mais l’étude des usages ou de la réception permettrait de renforcer les analyses de contenu, et surtout de mesurer comment un dispositif numérique ludique qui pense l’engagement du joueur parvient à produire cet engagement.
Netco Sports, une entreprise française, a remporté l’appel d’offres de la FIFA pour produire le dispositif de 2nd écran officiel de la Coupe du Monde repris par les 26 chaînes diffusant la compétition. Entretien avec Jean-Sébastien Cruz, son fondateur.