Qui sont les agents littéraires ?
Travaillant en auto-entrepreneur, en free-lance, ou pour le compte d’une agence, un agent littéraire est un intercesseur entre auteurs et éditeurs – pour la négociation des contrats d’édition –, ou entre éditeurs – pour la vente et l’achat de droits de traduction. Il négocie également les coéditions, les cessions des droits d’adaptation audiovisuelle et les droits dérivés, moyennant une commission sur ces cessions (de l’ordre de 10 % à 15 %, jusqu’à 20 % pour les adaptations audiovisuelles et les cessions de droits étrangers).
En France, la grande majorité des agents est spécialisée dans le commerce des droits étrangers. Les agents d’auteurs, peu nombreux, et sujets à polémique, représentent une catégorie à part dans la profession.
En raison de l’absence de formation spécifique et de règles régissant le secteur, les agents littéraires français ont pour la plupart de multiples casquettes.
Quels services offre l’agent littéraire ? En plus de la négociation et de la gestion de droits, l’agent sélectionne les manuscrits, conseille les auteurs et cherche les éditeurs les plus enclins à publier les manuscrits de leurs « clients ». Il leur arrive même de retravailler les textes avec les auteurs, comme dans une relation auteur/éditeur. Enfin, ils établissent les contrats avec les éditeurs et certains assurent le suivi promotionnel de l’ouvrage une fois publié.
On l’aura compris, une formation juridique relativement poussée est un préalable au métier d’agent, mais finalement les compétences et les modes de fonctionnement sont aussi variés que les réalités du métier. En effet, en raison de l’absence de formation spécifique et de règles régissant le secteur, les agents littéraires français ont pour la plupart de multiples casquettes. Forts de leur bonne connaissance du marché (ce sont souvent d’anciens éditeurs), ils ont de grandes capacités de lecture, flairent les opportunités, ont le sens des affaires et de la diplomatie.
Cette polyvalence est la marque de fabrique de l’agence Pierre Astier, une des plus reconnues du secteur, qui offre aux auteurs un ensemble de services allant du travail sur le texte à la vérification des supports de presse. Cependant, pour répondre au mieux aux attentes du marché et se démarquer, la majorité des agents littéraires se sont spécialisés. Ainsi, François Samuelson, « l’agent des stars, la star des agents », qui représente Michel Houellebecq, Fred Vargas, Pierre Assouline et Emmanuel Carrère, occupe une place de premier choix sur le marché rémunérateur des droits audiovisuels, ce qui rend son agence particulièrement attractive aux yeux de la profession. Susanna Lea, dont le crédo est « Published in Europe, read by the world », représente de nombreux auteurs à succès (Marc Levy, Frédéric Lenoir notamment) et possède des bureaux à New York, Paris et Londres.
Par ailleurs, de nombreuses agences parisiennes représentent les petits éditeurs français n’ayant pas de services de droits dédiés, ou des éditeurs étrangers, souvent trop loin pour se faire une idée exacte du marché. Parmi ces « co-agents » ou « sub-agents », citons entre autres l’agence Wandel-Cruse, qui représente les éditeurs scandinaves, Anastasia Lester, spécialisée dans les échanges de droits avec la Russie, ou l’agence de Yasmina Jraissati, pour la littérature arabe contemporaine.
Juliette Joste, auteur d’une étude fort documentée et minutieuse sur
« l’agent littéraire en France », a recensé une vingtaine d’agences à Paris, aux profils variés. Elle pointe néanmoins le manque de visibilité
En voulant représenter les « droits » de l’auteur, on accuse l’agent de bousculer la relation qui unit l’auteur et son éditeur.
et d’organisation de la profession, qui ne possède ni statut, ni réglementation, ce qui a tendance à alimenter la méfiance des professionnels du secteur : « On peut se demander si l’existence d’une association fédérant les agents d’auteurs français ne permettrait pas de leur donner une voix et une respectabilité. » Au-delà d’une nécessaire structuration de la profession, c’est l’image des agents auprès des éditeurs qui doit évoluer, car les raisons (plus ou moins rationnelles) de leur stigmatisation sont ancrées et nombreuses. En voulant représenter les « droits » de l’auteur, on accuse l’agent de bousculer la relation traditionnelle et souvent privilégiée qui unit l’auteur et son éditeur ; mais aussi de segmenter le secteur (les auteurs qui souhaitent être publiés risquant de devoir d’abord chercher un agent) et son économie. Enfin, les transferts d’auteurs d’une maison à une autre, pour des montants parfois faramineux, ne font que noircir le tableau. On se souvient du transfert surprise, en 2005, de Michel Houellebecq de Flammarion à Fayard, pour la somme d’un million d’euros – âprement négociée par son agent, François Samuelson. Parce que l’argent est encore tabou dans le milieu de l’édition, ces coups médiatico-financiers ne sont pas particulièrement bien vus de la profession.
Si les agents littéraires sont en France à la marge de la profession, il n’en est pas de même aux États-Unis où, pour des raisons culturelles, économiques et juridiques, ils sont depuis longtemps des acteurs essentiels du monde de l’édition.