Retombées économiques, « nation branding » et « soft power »
Mais si les dramas permettent de faire découvrir la Corée, son mode vie et sa culture à l’étranger, c’est également un excellent moyen pour dynamiser l’économie locale. Car l’engouement ne se limite pas aux produits culturels. La vague se répercute sur les ventes de produits made in Korea, à tous les niveaux : nourriture, mode, cosmétiques et même chirurgie plastique. On veut consommer coréen, et cela, le gouvernement l’a bien compris. C’est pourquoi il apporte son soutien aux grandes entreprises de médias et promeut le pays et sa capitale comme un hub du divertissement.
Les lieux de tournage des séries télévisées sont particulièrement populaires. On assiste aussi, par exemple, à de véritables pèlerinages de fans de Winter Sonata à Nami Island et à Chuncheon, lieux de tournage de la série. De 270 000 touristes en 2001, la petite île en a accueilli l’année suivante 2 millions. Ils viennent du Japon, de Chine, de Thaïlande, de Malaisie, de Taïwan ou de Singapour marcher dans les pas de leurs idoles, et achètent des souvenirs en tous genres. Cela permet à l’île d’atteindre un montant des ventes, tous secteurs confondus, de l’ordre de 18$ millions par an.
Statues des personnages de Winter Sonata
à Nami Island.
Outre les classiques posters, badges, cartes postales coussins et autres produits dérivés à l’effigie des personnages de
dramas, de nombreux tours organisés, généralement gérés par des sociétés privées, permettent de découvrir les lieux de tournages emblématiques de ses séries coréennes préférées. Par exemple, le programme
Korean Wave Express est un pass Korail (le TGV local) qui permet aux visiteurs de se rendre de Séoul à Chuncheon, en s’arrêtant dans des lieux de tournage de
dramas populaires. Certains
dramas comme
Jewel Palace (
Dae Jang Geum) ont même leur propre parc d’attraction. D’après le Korea Culture and Tourism Insitute, le Dae Jang Geum Theme Park à Yangju, dans la province de Gyeonggi, est l’un des 10 sites les plus visités par les étrangers en Corée.
Un autre tour organisé très apprécié permet de visiter les alentours de Séoul comme Samseong-dong, où vivent de nombreux acteurs phares de l’
hallyu. L’endroit est surnommé
le Beverly Hills de Corée.
Le phénomène n’est pas limité à la Corée : récemment, l’acteur coréen Lee Byung-Hun a reçu un prix du ministère du Territoire, des Infrastructures, du Transport et du Tourisme japonais pour son implication dans la promotion du tourisme local. Certaines scènes du
drama Iris se situent en effet dans la préfecture japonaise d’Akita, région qui a récemment vu son
nombre de visiteurs venus majoritairement de Corée et du Japon marcher dans les pas des personnages d’
Iris exploser.
D’autre part, les stars coréennes font maintenant partie des acteurs les mieux payés hors d’Hollywood. D’après les médias sud-coréens, l’acteur Bae Yong Jun, star de
Winter Sonata, est maintenant rémunéré à hauteur de 5$ millions par film.
L’empire de Bae Yong Jun est estimé à 100$ millions, accumulés en quelques années grâce à ses cachets d’acteur et à la vente de produits dérivés. Au moins neuf autres acteurs coréens gagnent plus de 10$ millions par an.
Bien que la vague coréenne soit arrivée au Japon relativement tard comparativement aux autres pays d’Asie, le pays est devenu l’un des marchés les plus lucratifs pour les stars coréennes. De nos jours, les acteurs coréens organisent régulièrement des
fan meetings au Japon, au cours desquels les stars viennent discuter et faire quelques numéros de chant et de danse devant un public conquis, prêt à dépenser jusqu’à 500$ pour une place. De plus, la quasi-totalité des grandes stars masculines coréennes ont
leur propre magasin officiel à Tokyo.
La propagation de la culture coréenne et l’augmentation des exportations de contenus culturels ont surtout permis de façonner l’image du pays à l’international, tout en faisant oublier les images d’un pays dévasté par la guerre.
En exportant ses contenus culturels, la Corée véhicule une certaine image qu’elle maîtrise totalement, et le nation branding (l’image de marque du pays) est devenu partie intégrante de l’ouverture du pays. À ce titre, l’intérêt des autres pays pour les contenus coréens est extrêmement significatif pour le gouvernement. Beaucoup de pays voisins n’avaient qu’une vague idée de ce qu’était la Corée, et y associaient des images négatives liées à la guerre, à la pauvreté où à l’instabilité politique. L’effet le plus visible de la vague coréenne a été l’amélioration de son identité nationale, les dramas ayant permis de véhiculer une image positive du mode de vie dans le pays.
C’est tout simplement du
soft power, ou de la « diplomatie douce », c’est-à-dire une politique d’influence résultant du rayonnement culturel qui permet de venir renforcer le
hard power, à savoir les forces militaires et économiques classiques.
La Corée du Sud n’est pas le premier pays à mettre l’accent sur sa culture et sur le tourisme culturel, mais, contrairement aux autres pays d’Asie, la Corée porte une attention particulière à la protection et à la préservation de ses traditions culturelles. Malgré 35 ans de domination japonaise (1910-1945) et une guerre entre les deux Corées (1950-1953), le peuple coréen a réussi à protéger farouchement son identité et ses spécificités culturelles, y compris à travers la législation à partir de 1962.
Le rôle du gouvernement dans la propagation de la vague culturelle coréenne a par ailleurs été prépondérant, et celui-ci a montré sa capacité à utiliser les ressources culturelles pour promouvoir le pays.