Les éditeurs russes en quête de nouveaux marchés

Les éditeurs russes en quête de nouveaux marchés

En Russie, l’industrie de l’édition est dynamique mais fait actuellement face à deux principaux défis : développer l’édition numérique et promouvoir à l’international les auteurs contemporains russes.
Temps de lecture : 4 min

Le marché de l'édition en Russie est dynamique et croissant, avec plus de 120 000 nouveaux titres publiés chaque année, ce qui le place au 4ème rang du classement mondial (après les États-Unis, la Chine et la Grande-Bretagne) en termes de publication. Comme le mentionne le rapport annuel 2010 de l'Agence fédérale russe pour la presse et la communication, 5 824 maisons d’édition étaient recensées en 2009, parmi lesquelles 1 305 éditaient 12 titres ou plus. Le rapport montre également que le marché russe du livre affiche une croissance régulière depuis 2000, mais qu'il n'a cependant pas échappé à la crise économique mondiale, avec un chiffre d’affaires diminué de 20 % en 2009.
 
Évolution du marché russe de l'édition 2003-2009 en milliards de dollars
Source : Federal Agency for Press and Mass Communication, 2010
 
 
Malgré un grand nombre de maisons d’édition, le marché est dominé par deux acteurs principaux : AST et Eksmo. Ils représentent ainsi 45 % de la production, et ont publiés plus de 600 titres par mois ces dernières années. Créé en 1990, le groupe AST publie de 1 à 5 livres en Russie, travaille avec 700 auteurs et cherche à proposer « le plus large choix possible de livres » à ses lecteurs. Il détient une dizaine de maisons d'édition et possède également ses propres imprimeries.
 
Fondé en 1991, Eksmo est un autre géant du marché de l'édition qui est présent dans les différents secteurs de l'industrie du livre, vente comprise. Avec ses 8 centres régionaux de distribution et environ 2 000 partenaires de vente, l'entreprise est le plus grand distributeur du secteur de l'édition. Son catalogue présente plusieurs best-sellers d'auteurs étrangers et russes. Darya Donstova, la reine du polar russe, était l'auteur la plus populaire de Russie en 2010, tandis que Tatiana Ustinova, également chez Eksmo, était classée 4ème sur la liste des auteurs les plus lus.
 
Les plus petites maisons d'édition à succès sont généralement plus spécialisées. Par exemple :  Rosman est l'éditeur de livres pour enfants le plus présent, marché qui tend à se développer de manière importante ; Piter, l’un des trois principaux éditeurs basés à Saint-Pétersbourg, cherche quant à lui à étendre ses activités à d’autres secteurs et plus particulièrement sur les plateformes numériques ; pour GLAS, l’objectif est de promouvoir les auteurs russes à l’étranger tandis que Terra a le monopole sur le marché de l’édition de luxe et de collection. L’un de ses récents ouvrages est un « bijou » en deux volumes, intitulé Baltic Fairy Tales, dont la couverture est recouverte d’or et d’ambre et dont le prix atteint 7 000 $.

De manière générale, ces différentes sociétés d’édition, pour la plupart établies après la chute de l’Union Soviétique, constituent, comme le mentionne Publishers Weekly, « un groupe jeune et ambitieux ».


Les 10 plus grands éditeurs russes en 2010 (par nombres de titres publiés)
Source : The Russian Book Union, 2011
 
Malgré le grand nombre de sociétés d’édition, l’industrie reste strictement concentrée à Moscou et Saint-Pétersbourg. Dans un pays aussi vaste que la Russie, cela engendre un coût de transport supplémentaire pour les livres vendus en dehors de ces deux « cœurs de l’édition ». Le prix des livres demeure toutefois très bas : en 2010, un livre de poche coûte en moyenne 3,30 € et les livres reliés 5,50 €. Le prix des e-books varie lui entre 10 et 30 % de celui d’un imprimé.

 
Source : Federal Agency for Press and Mass Communication, 2010 
 
Bien que la vente en ligne d’ouvrages puisse être un moyen de résoudre les problèmes dus aux longues distances et satisfaire les lecteurs situés en province, où les librairies sont souvent mal approvisionnées, l’achat en ligne ne représente pour l’instant que 8 % des ventes. La plus grande partie des achats (39 %) se fait en effet chez des libraires indépendants, même si les grandes chaînes ont rapidement conquis plus de 20 % des ventes globales.
 
 
 
Source : Federal Agency for Press and Mass Communication, 2010
 
Top Kniga est la chaîne de librairies la plus importante avec 548 points de vente. Viennent ensuite AST et Eksmo avec respectivement 310 et 99 magasins. Dans le top 5 du classement, on trouve également l'administration de Moscou(1) qui possède 42 librairies dans la ville.
 
Les plus grandes chaînes de librairies, Avril 2010


Source : Federal Agency for Press and Mass Communication, 2010
 
Ozon.ru, qualifié d’Amazon russe par Publishers Weekly, est la librairie en ligne la plus conséquente, avec 350 000 titres disponibles, et représente 50 % des ventes totales en ligne. Biblio-Globus offre lui le deuxième plus large choix d’ouvrages sur Internet. La société détient également la célèbre librairie homonyme située à quelques pas de la Place Rouge de Moscou. Créée en 1957, elle est en effet la plus importante d’Europe avec 10 000 visiteurs par jour.
 
Les principales plateformes de ventes en ligne, Avril 2010


Source : Federal Agency for Press and Mass Communication, 2010

 
Bien que le marché des e-books soit encore insignifiant, représentant seulement 2 % des ventes réalisées en ligne, un développement rapide du marché est attendu prochainement. De nombreux éditeurs se montrent très intéressés par les nouvelles plateformes numériques pour éditer et distribuer leurs ouvrages. Plusieurs d’entre eux, dont LitRes qui est le plus gros fournisseurs de contenus numériques en Russie avec 45 000 e-books, déplorent cependant le manque de législation anti-piratage. D’après Publishers Weekly, LitRes a d’ailleurs intenté plusieurs procès envers différentes parties, et fait pression sur le gouvernement pour que des lois appropriées soient mises en place. L’une des conséquences de ce flou législatif est la crainte des éditeurs étrangers de vendre leurs titres aux éditeurs russes. Pour Arkady Vitrouk, PDG d’Azbooka-Atticus, la principale raison est le faible prix des e-books sur le marché russe.
 
L’autre priorité de l’industrie russe de l’édition est de percer sur les marchés internationaux, et ce au-delà du territoire formé par l’ex-URSS. L’un des objectifs de l’Agence fédérale pour la presse et la communication est ainsi de donner une place à la Russie sur la carte de l’édition mondiale. D’autant que plusieurs éditeurs russes cherchent à promouvoir les auteurs contemporains nationaux auprès du public international. Pour Publishers Weekly, le sentiment général est qu’ « il est grand temps pour le monde de quitter Tolstoï, Dostoïevski et Tchekhov pour des voix nouvelles ».
 
Pour ceux qui sont intéressés par la littérature contemporaine russe, deux événements majeurs du milieu ont lieu chaque année : la Foire international du livre de Moscou en septembre et celle de Saint-Pétersbourg en avril. Des stands russes sont également présents sur l’ensemble des foires dans le monde. Dernièrement, plus de 120 éditeurs et auteurs russes ont ainsi participé à la Foire de Londres en 2011, où la Russie tenait une place particulière en tant qu’invité d’honneur et où elle a présenté un programme culturel riche. Avant cet événement, Sergeï Nalyshkin, chef de cabinet du président russe, a déclaré que le principal objectif pour la Russie était de « toucher le lectorat anglais avec la littérature moderne russe ». Il a également ajouté qu’il espérait que les éditeurs anglais mesurent l’opportunité que représente la réalisation de traduction des grands ouvrages russes actuels, ce qui permettrait aussi de mieux comprendre la culture contemporaine russe et ses styles de vie. Enfin, les éditeurs et auteurs russes seront également présents à la BookExpo America, événement du secteur de l’édition le plus important en Amérique du Nord et qui a lieu en mai à New-York.

Traduit de l'anglais par Yoann Digue

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Crédit photo : edigaryev / Flickr
(1)

Entité administrative de la Fédération de Russie, disposant d’une certaine autonomie. 

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