Le numérique rebat les cartes du journalisme - épisode 2/3
Les intermédiaires de l'information en ligne
Les intermédiaires de l'information en ligne, des agrégateurs aux sites de réseaux sociaux.
Nuage de mots à partir du texte de l'article.
Les intermédiaires de l'information en ligne, des agrégateurs aux sites de réseaux sociaux.
Sur l'Internet, une offre considérable et dispersée d'informations doit être mise en relation avec une demande hétérogène et souvent individualisée. Cette situation confère aux intermédiaires de l'information en ligne, que l'on peut qualifier d'infomédiaires, une place décisive dans la relation entre éditeurs/producteurs de contenus et internautes. Pendant plusieurs années, ce sont essentiellement des agrégateurs de contenus qui ont occupé cette place (et notamment Google News). Depuis peu, ils se voient sensiblement concurrencés dans cette activité par des sites de réseaux sociaux (et notamment Facebook). Ceci laisse penser que, peu à peu, des outils fondés sur des algorithmes informatiques tendent à être rejoints par des dispositifs de recommandation sociale. Les rédactions, après avoir du "écrire pour des moteurs", devront-elles se convertir au "management de communautés" ? Le site d'actualités en ligne, après avoir du subir une première fragmentation due au référencement article par article, verra-t-il sa page d'accueil définitivement marginalisée au profit d'afflux venant de multiples "groupes d'amis" en réseau ?
Le paysage de l’information en ligne est composé d’une multitude d’acteurs. Au niveau de la diffusion des nouvelles, ou plutôt de l’accès à l’actualité sur l’Internet, plusieurs nouveaux entrants sont apparus. Portails multi-services proposant entre autres des dépêches d’agences, agrégateurs d’articles, de vidéos, ou de billets de blogs, sites de réseaux sociaux multipliant les passerelles vers l’extérieur... tous ces acteurs se posent en intermédiaires entre les internautes et l’information en ligne. Leur rôle est considérable, surtout lorsque l’on considère l’organisation socio-économique de la filière, dans son ensemble. En fédérant des audiences conséquentes, ou bien en thésaurisant des données personnelles sur les internautes, ces intermédiaires de l’information en ligne captent une grande partie de la valeur ajoutée s’étant déplacée sur l’Internet, au détriment des éditeurs et du financement de la création.
Les éditeurs d’informations d’actualité se retrouvent en concurrence frontale avec les intermédiaires de l’information en ligne sur le terrain de l’audience. Les dernières données livrées pour les Etats-Unis (cf. tableau 1) montrent ainsi que, parmi les six premiers sites, deux sont des émanations de médias existants (CNN et New York Times) quand les quatre autres sont soit des agrégateurs de nouvelles (Yahoo News et Google News) soit les entités informatives de grands portails multi-services (MSNBC et AOL News).
Les opérateurs des sites de réseaux sociaux, et en premier lieu Facebook, cherchent principalement à exploiter économiquement les données personnelles collectées à propos de leurs utilisateurs. L’internaute, en ouvrant un « compte », livre en effet des éléments de nature sociodémographique le concernant. A côté d’éléments inventés pour les besoins d’un avatar en ligne, certains éléments correspondent effectivement à l’identité réelle de l’utilisateur. Par ailleurs, au travers des listes de connaissances ou des groupes d’intérêt commun se constituant sur les sites de réseaux sociaux, des formes de prescription interpersonnelle se déploient qui intéressent de très près les annonceurs (Stenger, Coutant, 2009).
La fonctionnalité Like ou J’aime sur Facebook est sans doute actuellement le principal procédé de prescription interpersonnelle en ligne, utilisé par des millions d’internautes à travers le monde. Surtout, depuis le lancement du protocole Open Graph au printemps 2010, ce procédé est passé d’une utilisation interne aux « communautés » de Facebook pour aller vers l’ensemble des sites intéressés en externe, et notamment des sites proposant de l’information d’actualité.
Les sites proposant des informations d’actualité, en implantant le module Like de Facebook, se dotent d’une arme à double tranchant. D’un côté, ces sites peuvent espérer doper leur audience en étant recommandés par les visiteurs, et ainsi attirer leurs cercles de connaissances respectifs. D’un autre côté, en acceptant le protocole Open Graph, ils cèdent à Facebook l’exclusivité de l’exploitation des données personnelles concernant les visiteurs et même les parcours de visite à l’intérieur de leur propre site.
Finalement, on risque de retrouver une situation de coopétition entre éditeurs et opérateurs de sites de réseaux sociaux relativement analogue à celle existant vis-à-vis des agrégateurs de contenu.
Cette relation de coopétition est-elle pour autant équilibrée ? On peut de plus en plus en douter, tant les infomédiaires, chacun dans leur registre propre, possèdent des compétences et un savoir-faire spécifiques dans la valorisation de l’audience sur le web. Les nouvelles modalités de publicité, et en particulier les liens sponsorisés, constituent un marché de première importance largement dominé par Google avec ses services AdSense et AdWords. Les éditeurs sont largement dominés sur ce terrain comme en atteste de façon paroxystique le recours à Google comme régie par plusieurs sites d’éditeurs d’informations d’actualité. Sur le plan de l’exploitation des données personnelles concernant les internautes et leurs parcours, Facebook possède une avance certaine. Elle devrait être amplifiée voire transformée en avantage concurrentiel suite à la véritable captation de ce type de ressources résultant de l’adoption du protocole Open Graph.
Références
BROUSSEAU E., 2001, « e-Economie : Qu’y a-t-il de nouveau ? », Annuaire des Relations Internationales, Bruxelles, Emile Bruylant, pp. 813-833.
Il s'agit d'un groupe de chercheurs ayant étudié le "journalisme participatif" dans leurs pays respectifs (Allemagne, Espagne, Croatie, etc.) http://dutopia.net/research/