Existe-t-il un rapport « catholique » aux médias, à l’image, au son, aux nouvelles technologies, aux débats, aux valeurs mises en exergue… ? Pour comprendre le rapport particulier de l’Église catholique (et des catholiques) aux médias, il importe de faire un petit parcours historique. Si l’on remonte très haut, avant la Révolution et les séparations modernes de l’Église et de l’État, on voit que les catholiques ont évidemment été partie prenante dans l’emploi de toutes les formes d’imprimés pour enseigner, expliquer, défendre, répandre la foi catholique. Ils pouvaient d’autant plus facilement le faire qu’ils étaient du côté du pouvoir (du « roy très catholique »), qui donnait les autorisations. Il faut noter, cependant, qu’ils ont bénéficié du coup de fouet de la Réforme, et très spécialement du rôle éminent de Luther dans l’expansion de l’imprimerie, inventée une cinquantaine d’années auparavant (1453) par Gutenberg. Une partie de la production imprimée d’origine catholique sera précisément consacrée à la controverse antiprotestante (en sens inverse, au XVIII° siècle, les Nouvelles ecclésiastiques – clandestines — des jansénistes, qui attaquent la bulle Unigenitus fulminée contre eux en 1713 par le pape à la demande de Louis XIV, jouent un rôle important dans la formation de l’opinion publique éclairée).
Ramenée à un tout autre statut après la Révolution, l’Église catholique et les catholiques sur le terrain ont dû réinventer le rôle et le sens de leurs « médias » (employons ce mot, même s’il est anachronique). On peut distinguer à cet égard trois grandes périodes, de 1830 à nos jours.
1830-1945 : Intransigeance doctrinale et évangélisation inventive
L’adversaire change lors de la Révolution et, au XIXe siècle, avec la sécularisation, l’avènement de la démocratie, la séparation de la religion et de l’État. L’attitude de l’Église, traumatisée il est vrai par la Révolution et ses violences (les massacres de septembre 1792, la Terreur), consiste alors surtout, dans un premier temps, à empêcher la liberté d’expression et de publication (voir Christian Delporte dans ce dossier). Rappelons ici la condamnation particulièrement « fleurie » de la liberté de la presse par le pape Grégoire XVI, dans l’encyclique Mirari vos de 1832 : il évoque « la liberté la plus funeste, la liberté exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur et que certains osent avec tant de bruit et tant d’insistance demander et étendre partout, Nous voulons dire la liberté de la presse et de l’édition (…). Quel homme sensé osera jamais dire qu’il est permis de répandre des poisons, de les vendre publiquement, de les colporter, bien plus de les prendre avec avidité… ? ». Trente ans plus tard, dans le célèbre « Syllabus renfermant les principales erreurs de notre temps », du pape Pie IX (1864), la proposition 79 déclare « anathèmes » (excommuniés) ceux qui nient que « le plein pouvoir attribué à tous de manifester ouvertement et publiquement n’importe quelles opinions et pensées conduit à la corruption des mœurs et des esprits des peuples »…
Pie IX et ses successeurs ont aussi compris très vite l’intérêt des techniques nouvelles… pour l’évangélisation : toutes permettaient d’aller plus loin, plus vite, plus fort.
Pourtant, contrairement à l’impression négative laissée par les rapports difficiles de l’Église avec les sciences (affaire Galilée au début du XVII° siècle, bûcher de Giordano Bruno…), ce pape et ses successeurs ont aussi compris très vite l’intérêt des techniques nouvelles (électricité, transports, moyens de communication et de transmission)… pour l’évangélisation : toutes permettaient d’aller plus loin, plus vite, plus fort. Dans cette perspective, qu’on dira « missionnaire » ou « d’évangélisation » si on est catholique, de prosélytisme ou de propagande si on est laïque, les inventions médiatiques qui transmettent le message religieux jouent un rôle d’autant plus efficace que l’invention pour les diversifier ne manque pas (cf. Christian Delporte) et que le soutien – ou l’obéissance – à la voix de l’Église est sans faille : toute discordance doctrinale ou autre est rejetée sans ménagement.
En effet, comme on l’a dit, l’Église catholique a aussi perçu les « dangers », pour elle, de cette expansion technique et de la communication de masse dans les sociétés démocratiques, où la liberté d’expression est un droit fondamental qu’elle ne pouvait plus empêcher. Les nouvelles technologies pouvaient servir à tout et à tous, y compris à la diffusion de messages malveillants ou du « vice », comme on disait alors. La malveillance, c’est, bien sûr, le discours antireligieux et anticlérical que diffusent les nouveaux ennemis de l’Église — rationalistes, scientistes, laïques, francs-maçons, socialistes… Le vice, ce sont le contenu indécent des livres (romans, en particulier) et plus encore, les images licencieuses. Ce n’est pas par hasard que la « Maison de la Bonne Presse » — fondée avec le Pèlerin en 1873— s’appelle ainsi, un intitulé devenu désuet et supprimé vers la fin des années 1960 seulement. Cette « bonne presse » a aussi relayé pendant près d’un siècle le combat des « deux France » (de la catholique contre la laïque), notamment autour de la défense de l’ « enseignement libre » (appelé plutôt « privé » aujourd’hui) – sans oublier, pour autant, les rubriques multiples que son public populaire appréciait. On ne devrait pas passer sous silence non plus le succès des « almanachs » annuels, du Pèlerin par exemple, plus populaire encore s’il est possible, mêlant la piété, les recettes de cuisine, les « trucs » de toutes sortes, les caricatures et les histoires drôles de « bon aloi », des reprises de « Patapouf détective », célèbre BD commencée en 1938 dans le Pèlerin hebdomadaire…).
Cette Église sortie de la R&eeacute;volution est une « Église de masse » mais, dans l’usage des médias, elle a donc des comportements qu’on pourrait qualifier de « prosélytes » et d’ « apologétiques », et qui ressemblent à la pratique qu’en ont parfois, encore aujourd’hui, les groupes ou les mouvances religieuses radicales ou sectaires. Dans les paroisses, les fidèles de base sont, en effet, eux aussi mobilisés pour la diffusion active des organes catholiques, qui s’adressent du reste à un public peu ou pas du tout critique, dont le seul devoir est l’obéissance à l’Église et donc aussi, éventuellement, l’évitement des « mauvaises lectures ». Dans le langage des sociologues du catholicisme, cette Église, où le souvenir de la Révolution persécutrice reste vivace, est à la fois « intransigeante » et « intégraliste » : intransigeante sur le refus des idées du monde moderne, intégraliste (à ne pas confondre avec « intégriste »), en ce sens que l’intégralité de la réalité politique et sociale, et aussi la vie personnelle, doivent être vouées ou gagnées au « règne de Jésus-Christ ».
Cette situation perdurera jusqu’à la seconde guerre mondiale, avec toutefois, durant le premier vingtième siècle, un public de militants venus du catholicisme social et de l’Action catholique, plus cultivés et donc plus exigeants, démocrates aussi. Ils ne contestent pas le caractère confessionnel de la presse catholique mais sont déjà foncièrement plus modérés dans l’attestation de la foi, ou plutôt ils ont compris qu’un témoignage de charité et de justice vaut mieux que toutes les exhortations et toutes les condamnations.
1945-1980 : Adaptation à la modernité et critique de l’Église
Après la seconde guerre mondiale naîtra, de la Résistance, un groupe concurrent de la Bonne Presse, celui de la « Vie catholique » : si les vaisseaux amiraux du premier, La Croix et le Pèlerin, s’adressent surtout à un public de paroissiens, de mouvements d’Action catholique et de lecteurs ruraux plutôt « conservateurs » ; les publications du second – surtout La Vie catholique (fondée en 1945 par des laïcs catholiques) -— ainsi que Témoignage chrétien (fondé en 1941 par le Père Pierre Chaillet, un jésuite entré dans la Résistance), touchent davantage, dans les années 1950-1960, durant les années de croissance dites « glorieuses », un nouveau public de classes moyennes cultivées, en partie de gauche et plus militant. Ce sont aussi des médias à l’occasion critiques vis-à-vis de l’Église ; en tout cas, ils ne sont plus ses « courroies de transmission » automatiques.
On entre alors, on l’a dit, dans les Trente Glorieuses, puis dans le concile Vatican II (1962-1965). Du côté de la « Bonne Presse » (qui va bientôt devenir « Bayard Presse ») comme de La Vie catholique, la visée militante mais aussi l’attention aux « signes des temps » prônée par le concile favorise une grande inventivité créatrice : Bayard Presse sera particulièrement innovant, à partir des années 1960-1970, du côté de la « presse pour la jeunesse » (il serait intéressant à cet égard de comparer avec la créativité, durant la même période, de la presse du Parti communiste ou du « camp laïque », qui avaient alors eux aussi des ambitions de formation idéologique de la jeunesse). Avec Radio-Cinéma-Télévision, lancé en 1950 et dont le titre dit tout, La Vie catholique invente le futur Télérama, de même qu’il répond en 1961, avec Croissance des jeunes nations, à la montée du tiers-monde. Conscient, après les décolonisations, de la diversité du catholicisme et du christianisme, il avait créé en 1955 les Informations catholiques internationales (ICI).
Dès les années 1950, Témoignage chrétien, hebdomadaire indépendant déjà marqué nettement à gauche, avait relayé les critiques contre la guerre d’Algérie et accusé le silence de l’Église sur l’emploi de la torture. Après 1965 (fin du concile) et Mai 68, plusieurs des journaux et magazines cités devinrent aussi plus ou moins ouvertement contestataires et critiques en matière politique, sociale et religieuse, et se trouvèrent partiellement en porte-à-faux avec l’Église – non plus « excommuniés » ni exclus, mais éventuellement « réprimandés ». Ces divergences étaient absentes des médias catholiques durant la période précédente.
L’un des grands moments de contestation et de protestation sera celui de l’encyclique Humanae Vitae, parue en juillet 1968 (donc à un moment propice à la critique, très mal choisi si on se place du point de vue de l’Église…), qui condamnait l’emploi des moyens de contraception artificiel (pour faire court : la pilule contraceptive). Nombre de médias catholiques firent chorus avec le tollé général. En fait, on se rend compte a posteriori qu’une nouvelle période critique pour les médias catholiques s’ouvrait : celle de l’attitude à adopter face à une société plus permissive (à la « libération sexuelle »), à l’individualisme éthique en général et aux « lois qui permettent » mises en place par nombre de gouvernements démocratiques en Europe et ailleurs. En particulier, la loi Veil de 1974, sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), suscita de vifs débats, où s’illustra, entre autres, la revue intellectuelle jésuite, Études : sous la direction du Père Bruno Ribes, engagé en faveur de la loi, elle proposa des réflexions de fond sur le statut de l’embryon, la licéité morale de l’avortement ou simplement le jugement éthique que l’Église catholique pouvait porter sur cet acte. Ces réflexions allaient dans un sens « libéral », et Rome ne s’y trompa pas : sans être condamnée (on ne condamnait plus depuis le concile…), la revue fut mise sous pression pour délivrer la parole romaine… d’autant plus que le « rigorisme » en matière de morale conjugale, de bioéthique (début de vie et fin de vie), de refus absolu de l’avortement (qui crée une « civilisation de mort »…) s’accentua encore sous le pontificat de Jean-Paul II (1978-2005). Ce fut aussi le cas de la plupart des autres médias catholiques (notamment, le quotidien La Croix).
Pour résumer les choses, on pourrait dire que depuis les années 1970, les problèmes d’éthique et d’engagement politiques qui agitaient auparavant les médias catholiques ont été remplacés par ceux qui concernent le « biohumain » au sens le plus large : contraception, avortement, sexualité et cohabitation hors mariage, divorce (et ses conséquences pour les catholiques), homosexualité, préservatif (dans la lutte contre le sida), statut de l’embryon, début et de fin de vie, mariage homosexuel, actuellement PMA (procréation médicalement assistée) et GPA (gestation pour autrui)… et n’ont cessé de susciter des décisions de refus de l’Église catholique (avec des motifs et avec des arguments, bien sûr) dans le sens de la défense de la « famille » et de la parentalité ou de la filiation, et des réactions outrées dans les sociétés devenues plus ou moins « libérales-libertaires » — des réactions qui à leur tour mettent souvent mal à l’aise ou en porte-à-faux les médias catholiques dont le public est lui-même divisé (nonobstant les rappels à l’obéissance venus de Rome). On pourrait dire simplement : quand ils parlent de ces questions de façon ouverte, ils marchent sur des œufs.
Quel est le rôle d’un média catholique ? Doit-il avant tout relayer le message de l’Église sur toutes sortes de sujets ou proposer une lecture chrétienne de l’actualité ? A-t-il le droit de critiquer l’Église ?
Tous ces problèmes sont loin d’être résolus encore aujourd’hui, et ils soulèvent toujours des questions redoutables : qu’est-ce qu’un média catholique ? Quel est son rôle ? Doit-il avant tout relayer le message de l’Église sur toutes sortes de sujets ou proposer un discernement sur les événements, une lecture chrétienne de l’actualité ? A-t-il le droit de critiquer l’Église ou de relayer les critiques de l’opinion contre elle ? Doit-il s’adresser avant tout aux chrétiens et, donc, aussi préserver son identité catholique, ou doit-il s’ouvrir à tous, croyants et incroyants, et tenter de conquérir de nouveaux publics en gommant ses « aspérités » catholiques ? Autrement dit, sont posées les redoutables questions autour de l’identité des médias catholiques.
Ce questionnement est concomitant avec d’autres, que symbolise la création par Georges Montaron de Radio-Loisirs en 1947, ouvert d’emblée à la critique de la radio, des films et des livres (dans la perspective, notons-le, de loisirs plus « qualitatifs ») ; comme l’évolution des titres de cet hebdomadaire — Radio-Cinéma-Télévision en 1950, Télévision-Radio-Cinéma en 1958et Télérama en 1960 — le confirmera, la « télé » occupe désormais, symptomatiquement, le premier rang (Télérama = télévision-radio-cinéma), mais le livre disparaît dans le titre définitif (en fait, comme on le sait, il reste bien présent, avec d’autres rubriques « spectacles » – les expositions, les concerts…). Au-delà de l’anecdotique, et quel que soit le résultat réel, cette évolution témoigne de la prise de conscience précoce, chez les catholiques concernés par les médias, de leur importance pour la formation des mentalités dans la nouvelle société en voie de modernisation - et donc aussi de la nécessité de former les esprits pour qu’ils « maîtrisent » ces nouveaux outils.
Georges Montaron est on ne peut plus explicite à propos de la publication de Radio-Cinéma-Télévision en 1950 : « Nous voulions réaliser un journal s'adressant au public populaire le plus large afin de l'aider à maîtriser la radio, le cinéma et la télévision, instruments privilégiés de culture pour les masses. Nous voulions aussi un journal chrétien qui ne soit ni un organe de prosélytisme, ni une publication confessionnelle exprimant les positions de l'Église, ni le journal de la cotation morale mais un journal de chrétiens partageant les combats des hommes et choisissant d'abord d'être au service des plus pauvres. Nous voulions, sur tous les sujets abordés par la radio, la télévision et le cinéma apporter l'éclairage de l'Évangile. » Au-delà du futur Télérama, on lit dans ces lignes un intérêt très « catholique » ou plutôt très chrétien, durant cette période, pour la réflexion ouverte, non prosélyte, sur la société et ses évolutions, notamment pour comprendre ce que signifient les images et la « société du spectacle » (selon Guy Debord) pour les croyants et même au-delà d’eux : pour la vie des hommes en général. Mais cette vision optimiste (se) dissimule une double difficulté : celle de « former » en ces domaines pour « maîtriser » (c’est tout sauf simple !), et aussi celle de « l’éclairage de l’Évangile » (qui est tout sauf évident, en tout cas si on l’envisage de façon directe, simpliste et instrumentale). Cette difficulté aboutira en fin de compte à la déconfessionnalisation et à la complète sécularisation de Télérama – à moins de considérer que son versant critique conserve quelque chose des motifs chrétiens de sa création…
On pourrait trouver une confirmation différente, mais non sans liens, de l’intérêt « ouvert » des catholiques pour le monde des images en cette période effervescente, avec l’attribution en 1968 du grand prix de l'Office catholique international du cinéma (Ocic) au film de Pier Paolo Pasolini, Théorème - même si, à cause du scandale provoqué par son choix, le jury sera désavoué quelques mois plus tard...
De 1980 à nos jours : technologies nouvelles et déplacement des oppositions ouverture / identité
Les « catholiques d’ouverture » des deux ou trois générations antérieures sont concurrencés par les « catholiques d’identité » plus jeunes, qui réclament à la fois plus de visibilité religieuse et plus d’identité dans cette visibilité
La dernière période serait celle des radios chrétiennes, de la chaîne de télévision KTO et de la « révolution internet » (voir Christophe Henning). Pour les (déjà) vieux médias (symbolisés par La Croix, La Vie et le Pèlerin, les questions demeurent : ouverture sans frontières à d’autres thèmes ou aux thèmes des autres ainsi qu’à d’autres publics ou, au contraire, identité plus affirmée, avec des contenus proprement religieux, plus présents et plus étendus ? Cette hésitation correspond aussi à une évolution du paysage religieux : les « catholiques d’ouverture » des deux ou trois générations antérieures sont concurrencés par les « catholiques d’identité » plus jeunes, qui réclament à la fois plus de visibilité religieuse et plus d’identité dans cette visibilité.
Il semble que le problème se résout, en partie, dans les « anciens médias », en accordant une place forte aux deux approches, à la culture ouverte, d’un côté, et à une affirmation chrétienne/catholique plus franche et nette, de l’autre. Pour les radios et la télévision catholiques, plus récentes, on peut juger qu’elles donnent plus de place à l’identité croyante qu’à l’ouverture culturelle – mais après tout, elles ont été créées pour rendre plus audible et plus visible la parole croyante, et il est donc normal que l’offre religieuse soit importante, tout en reflétant les tendances dominantes, qui sont, de fait, à l’identité et à la visibilité plus affirmées. On devrait plutôt les juger sur l’ouverture, dans un cadre plus fortement religieux ou de présence religieuse plus forte, au débat entre foi et raison, aux savoirs profanes, à la formation en matière religieuse, au pluralisme des croyants (y compris catholiques), à la rencontre interreligieuse aujourd’hui. Ou, à l’inverse, il faudrait vérifier comment radios et télévision résistent aux tendances fondamentalistes qui se manifestent partout dans les religions aujourd’hui. Seule une analyse fine et précise des émissions proposées pourrait dire ce qu’il en est réellement de l’équilibre entre identité et ouverture. Ajoutons que KTO et le réseau des radios chrétiennes permettent de couvrir mieux que le seul Jour du Seigneur (le dimanche matin sur la chaîne publique France 2) les voyages du pape, devenus si importants même au-delà de l’Église, ainsi que d’autres événements importants pour les catholiques. En ce sens et dans la mesure où, pour ces événements, les images sont particulièrement importantes, ils rendent un service que les médias plus anciens sont moins à même d’apporter.
À propos d’Internet, on peut noter que, sur les réseaux sociaux (blogs, Facebook) se retrouve massivement — mise en scène dans une concurrence forte et sans la régulation institutionnelle qui existent dans les médias audiovisuels évoqués — l’opposition entre catholiques d’ouverture et catholiques plus identitaires, qui recouvre elle-même, on l’a dit, une différence de génération mais aussi une différence politique : les seconds font partie des nouvelles générations, loin du concile Vatican II et marquées par une incontestable « droitisation ». L’étude de Josselin Tricou sur la « cathosphère » en 2015 étudiait surtout les réactions de la cathosphère au moment de la période conflictuelle de l’instauration du Mariage pour tous.
Former à l’usage modéré de l’internet, la prochaine réflexion de l’Église ?
Une autre question pourrait se poser : les internautes catholiques, de droite ou de gauche, réagissent-ils en toutes circonstances différemment des autres ? Il faudrait étudier ce qu’il en est en temps ordinaire. Mais à l’occasion des vifs débats qui ont marqué le premier tour des élections présidentielles de 2017, il semble bien que non : le politique, la virulence politique partisane, semblent l’emporter sur les critères chrétiens « éthiques » de beaucoup, y compris de générations plus âgées, quand leurs préférences politiques sont en jeu.
Qu’on ne voie pas là d’abord un jugement de valeur, mais le constat de la difficulté de l’Église catholique à imposer son message de modération et de discernement, dans l’usage des moyens de communication, à des catholiques qui sont eux aussi partie prenantes, peu ou prou, de la société d’individualisme, de consommation, de satisfaction immédiate, ou de quelque nom qu’on veuille la désigner – même quand ils croient en être indemnes. À moins que la formation à l’usage modéré d’internet reste la prochaine réflexion à envisager par l’Église ?
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Crédits :
Illustrations Ina – Laura Paoli Pandolfi
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(1)
Cf. Heinz SCHILLING, Martin Luther. Rebelle dans un temps de rupture, Salvator, 1994, p. 669-671.
(2)
Le livre de référence est celui de Michel LAGRÉE, La Bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, Fayard, 1999.
(3)
Le « paroissien » est celui ou celle qui fréquente simplement sa « paroisse » pour les actes du culte (messes, baptêmes, mariages, enterrements). Il s’oppose au « militant » catholique, actif sur le lieu de travail et dans son quartier en y témoignant de sa foi.
(4)
Cf Denis PELLETIER et Jean-Louis SCHLEGEL, sous la direction de, À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche de 1945 à nos jours, Seuil, 2012, p. 283-284.
(5)
Voir Jean-Louis SCHLEGEL, «Quand les "cathos" s’accrochent à la corde du pendu », Esprit, 19 avril 2017.