Ville, département, région : choix d’échelle
Le premier élément identitaire des sites d’informations infra-nationaux est bien entendu le territoire auquel ils s’adressent. À la différence de leurs ancêtres traditionnels, l’aire de diffusion n’est pas contrainte par des coûts financiers (plus la surface de distribution d’un titre de presse est élevée plus l’investissement est important pour la couvrir) ou par la rareté de la fréquence justifiant l’arbitrage de la puissance publique. Pour les pure players, le choix du territoire est purement éditorial, même si des facteurs économiques (lectorat potentiel, étude de la concurrence, du marché publicitaire, prise de contact avec d’éventuel partenaires ou clients) viennent bien sûr l’éclairer. Potentiellement, tout titre présent sur internet est disponible partout dans le monde ; réduire son territoire, choisir la clôture de l’espace comme un élément déterminant de son offre informationnelle relève donc d’une construction moins contrainte. C’est la raison pour laquelle les acteurs de l’information non nationale sur internet proposent des échelles territoriales différentes, même si elles sont aujourd’hui encore marquées par les territoires institutionnels qui façonnent les médias papiers ou audiovisuels. Ainsi, la plupart des sites affichent leur volonté d’occuper des espaces communaux à l’échelle des grandes villes françaises ou des métropoles.
Ce choix a par exemple été celui du journal
Libération lorsqu’il a décidé de lancer, au milieu des années 2000, des sites dédiés aux grandes villes françaises. Le réseau de blogs baptisé
Libévilles a été animé par des journalistes de
Libération exerçant en région ou par des pigistes recrutés pour l’occasion. La volonté de la direction du journal était d’augmenter son audience générale sur le web en proposant toute information liée à ces grandes villes présentant un intérêt général. L’objectif était donc de profiter d’internet pour offrir une information locale différente de celle des grands régionaux et susceptibles d’intéresser un lectorat urbain ayant délaissé la PQR. Malgré des chiffres de consultation non anecdotiques et la constitution de communautés de lecteurs,
l’expérience s’est achevée en 2013. La disparition du réseau est le résultat d’une conjonction de facteurs dont l’origine est presque pour tous économique. N’amenant aucun revenu, coûteux en termes de temps de travail et n’étant pas intégrés dans une politique globale sur internet, la position de ces blogs est vite devenue intenable et ceci d’autant plus que la situation financière de
Libération s’est dégradée.
Néanmoins, du point de vue territorial, l’expérience des
Libévilles a ouvert une voie qui sera celle choisie par la plupart des acteurs, quelle que soit la forme de journalisme ou le modèle économique qu’ils tenteront de mettre en place. Ainsi de
Grand Rouen à
Carré d’info, des franchises
Rue 89 à
Marsactu ou du
Dijonscope au
Télescope d’Amiens, la grande ville ou la métropole est l’unité informative les plus fréquemment rencontrée. Cependant cette apparente similarité est à nuancer en fonction du type d’information développée. En effet, à côté de ces
pure players de villes, il existe néanmoins des sites fondés sur des rapports au territoire différents qui peuvent être la région ou le département. Les plus anciens et pérennes d’entre eux sont
Aqui.fr, couvrant toute la région aquitaine, et
Ariegenews, centré sur le département de l’Ariège. Il est cependant remarquable que, quel que soit le niveau territorial retenu, tous les sites développant une information à un niveau infra-national, aient adopté une unité géographique administrative. Les cadres posés par les collectivités territoriales en France semblent ainsi très difficiles à dépasser du point de vue de l’information journalistique professionnelle.