« Un QR code en bas à droite de votre écran vous permettra de vérifier l’exactitude de leurs propos ». Trente secondes après le début de La France face à la guerre lundi soir sur TF1, Anne-Claire Coudray mentionne le dispositif technologique mis en place par la chaîne pour cette émission spéciale. Manière pour les téléspectateurs de pouvoir accéder rapidement aux « Vérificateurs » qui décryptent les propos des huit invités.
Pourquoi maintenant
C’est en septembre dernier que LCI a pour la première fois utilisé un QR code dans une émission politique. C’était à l’occasion des débats de la primaire Europe Ecologie-Les Verts. « Nous avons mis en place puis rodé le dispositif avec l’objectif d’être prêt lorsqu’arriverait une émission comme celle de lundi soir », explique Olivier Ravanello, le directeur de l’information digitale de TF1/LCI. Le temps pour le dirigeant et ses équipes de répondre à de nombreuses questions comme la taille du QR code à l’écran, sa durée d’affichage, son nombre d’apparition, ou encore de savoir si le présentateur devait chaque fois le mentionner. Sur ce dernier point, la méthode varie selon les chaînes : une fois en début d’émission pour TF1, qui ne veut pas que cela devienne « un fil à la patte du journaliste », et plusieurs fois en cours de programme du côté de BFMTV et de France Télévisions. Tout le monde s’accorde en revanche sur la nécessité de laisser le code au moins une minute à l’écran pour que le téléspectateur ait le temps de saisir son smartphone activer le QR code.
Sur BFMTV, cela fait deux mois que le QR code a fait son apparition lors des émissions politiques. À la différence de TF1 qui pratique le fact-checking, la chaîne d’info en continu l’utilise pour permettre à ses téléspectateurs de pouvoir réagir et poser des questions, comme ils peuvent le faire quotidiennement à 11h30 depuis la rentrée. « Cela s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons lancé avec la crise sanitaire pour améliorer l’interactivité, avec notamment la création de boîtes mails dédiées, détaille Julien Mielcarek, le directeur des rédactions digitales du groupe. Cela peut paraître vintage mais c’est encore le moyen le plus simple pour réagir lorsqu’on est devant sa télé. » Une interaction désormais facilitée par l’utilisation accrue du QR code par les Français à la faveur de la crise sanitaire.
Un œil en coulisses
Car l’appropriation semble bel et bien en marche. Célia Mériguet, la directrice de l’information numérique de franceinfo (Canal 27), révèle que le QR code génère entre 10 000 et 20 000 clics par numéro d’Élysée 2022. Pas de chiffre côté BFMTV mais, selon Julien Mielcarek, l’apparition de ce « code à réponse rapide » a permis à la chaîne d’améliorer significativement le nombre de messages relayés aux invités. Le dirigeant avance le chiffre de 10 000 réactions et questions reçues par ses équipes, « un chiffre qui a triplé lors de certaines émissions » depuis la mise en place du QR code. Même relative discrétion chez TF1/LCI où Olivier Ravanello confie seulement constater des pics de fréquentations du site et de l’application TF1info lors de l’apparition du QR code à l’écran. En revanche, aucun outil ne permet aujourd’hui aux médias de connaître la sociologie des téléspectateurs qui utilisent leur téléphone pour flasher leur écran.
La montée en puissance de ce dispositif demande aux chaînes des moyens humains de plus en plus conséquents. Sur TF1, la moitié de la rédaction numérique — soit 11 journalistes — a été mobilisée pour l’émission de lundi, Face à la guerre. La chaîne a également mis sur pied un partenariat avec le collectif « Les surligneurs » pour assurer le « legal-check » des propos des candidats. Comprendre : savoir si les propositions formulées respectent bel et bien le droit français. Chez franceinfo, ce sont également onze personnes qui assurent le suivi et la vérification d’une émission comme Elysée 2022. En plus des trois journalistes qui travaillent pour le site, huit autres sont affectés au fact-checking en direct mais également à la rédaction d’articles qui seront mis en ligne après l’émission. « Et ces contenus de vérification font toujours partie des plus lus le lendemain, on voit que c’est une valeur ajoutée », souligne Célia Mériguet.
QR codes, la suite
Après le QR code applicable à la campagne présidentielle, quelles nouvelles pistes d’exploitations à la télévision ? « C’est un scoop que je vous donne, il va bientôt faire son apparition dans notre journal de 13 heures », sourit Olivier Ravanello, qui envisage de s’en servir pour des opérations spéciales lors de cet inébranlable monument cathodique. Preuve, s’il en fallait encore, que ce petit logo numérique pas franchement joli, fait désormais partie du quotidien de tous les Français.
Pour Célia Mériguet, de futures applications sont peut-être à explorer du côté du sport et du divertissement. Si la directrice du numérique de franceinfo tient à rester prudente sur ces évolutions qui sont encore plus du domaine de l’intuition, elle assure que l’enjeu est aujourd’hui que « cet usage se banalise et qu’il puisse vraiment s’adapter à nos besoins éditoriaux ». Et Olivier Ravanello de conclure : « Les débats politiques étaient devenus de plus en plus techniques et cela éloignait les téléspectateurs. Nous devions proposer un outil qui peut leur apporter, en temps réel, un fait objectif. Dans ce but, le QR code s’est imposé comme une fonctionnalité fondamentale ».