Les réseaux sociaux : reflet des différences culturelles ?

Les réseaux sociaux sont devenus en quelques années l’un des principaux usages du web. Mais quelle en est la véritable définition et surtout, en avons-nous tous la même utilisation en fonction de nos différences culturelles ?

Temps de lecture : 13 min

Dans son histoire du web social, Trebor Scholz(1) fait remarquer que les éléments fondamentaux de ce que l’on appelle aujourd’hui « réseaux sociaux » trouvent leur origine dans le long processus d’émergence de l’Internet lui-même initié à la fin des années soixante.

Cependant, la plupart des auteurs s’accordent sur le fait que le premier site combinant les caractéristiques d’un réseau social (social network site, SNS) a été Sixdegrees.com, lancé en 1997 aux États-Unis. En l’espace de treize ans, ce qui a commencé comme un service relativement confidentiel à destination de l’avant-garde des internautes américains est devenu, notamment à travers le succès de Facebook, l’un des principaux usages du web actuel.

Loin de se limiter aux États-Unis et à l’Europe, les réseaux sociaux ont progressivement conquis des centaines de millions d’internautes à l’échelle mondiale. Nous allons tenter ici de dresser un panorama des réseaux sociaux dans le monde en dessinant les principales tendances qui caractérisent le secteur actuellement.

Définition et caractéristiques des réseaux sociaux

La dénomination de réseau social étant très large, une multitude de services Internet peut être potentiellement classée dans cette catégorie. Néanmoins, il existe un ensemble de caractéristiques formelles nous permettant de circonscrire la notion. Selon Danah Boyd et Nicole Ellison (2007), est considéré comme un réseau social tout service Internet qui permet à ses utilisateurs :
  1. de créer des profils publics ou semi-publics en son sein ;
  2. d’articuler ces profils avec des listes d’utilisateurs avec lesquels ils sont connectés ;
  3. de naviguer à travers ces listes de contacts, les leurs et celles des autres.
La nature des liens et les fonctionnalités qu’ils permettent à l’intérieur du système varient d’un réseau social à un autre.
 
Il résulte de cette définition que les réseaux sociaux combinent au moins trois fonctions fondamentales : celle de support de l’identité numérique, celle de moyen de sociabilité sur la base de critères d’affinité, et celle de média réticulaire de communication interpersonnelle et/ou intergroupe.
 
La première fonction permet l’expression de ce que Dominique Cardon appelle le « processus de simulation du soi » (2008), c’est-à-dire « la tension entre les traits qui se réfèrent à la personne dans sa vie réelle (quotidienne, professionnelle, amicale) et ceux qui renvoient à une projection ou à une simulation de soi, virtuelle au sens premier du terme, qui permet aux personnes d’exprimer une partie ou une potentialité d’elles-mêmes ». La deuxième fonction signifie que les usages qui se développent sur les réseaux sociaux sont surdéterminés par les caractéristiques socioculturelles préexistantes des publics qui s’y engagent. Par exemple, comme l’a montré Danah Boyd (2007), le choix qu’opèrent les jeunes Américains entre Facebook et MySpace est en grande partie motivé par leur appartenance ethnique et de classe. Ces deux premières fonctions génériques des réseaux sociaux (support d’identité numérique et moyen de sociabilité par affinité) renforcent leur caractère « communautaire » et expliquent la prolifération des sites spécialisés dans un domaine thématique, une aire culturelle ou linguistique. En revanche, elles n’expliquent pas le succès mondial de services tels que Facebook et, dans une moindre mesure, Twitter.

L’effet de club

L’une des raisons fondamentales de ce succès réside dans la troisième fonction des réseaux sociaux, celle de média réticulaire de communication. C’est à ce titre que les principaux réseaux sociaux bénéficient de l’effet de club : « un effet de club est une externalité positive de consommation qui se manifeste lorsque chaque acheteur présent sur le marché tire avantage, non seulement de sa propre consommation, mais également de celle des autres. Il y a externalité, en ce sens que la satisfaction d’un individu ne dépend pas uniquement de sa décision d’adhérer au réseau, mais aussi de décisions qui lui sont externes, celles des autres individus ; et l’externalité est positive, parce que la satisfaction individuelle s’accroît avec le nombre d’adhésions » (Curien, 2000 : 19).
 
Un réseau social est avant tout un réseau, et de ce fait il bénéficie des effets de club directs et indirects. Dans le premier cas, l’externalité positive provient des avantages que tirent les utilisateurs du fait d’être connectés au même système technique. Autrement dit, plus il y a de membres inscrits sur Facebook, plus son utilité augmente dans la mesure où chacun de ses membres peut y trouver davantage de contacts et d’interlocuteurs. Dans le cas des effets de club indirects, l’externalité positive découle de la diversité de services disponibles au sein d’un réseau qui, à son tour, est proportionnelle au nombre d’utilisateurs. Concrètement, la popularité de Facebook attire sur sa plateforme les principaux développeurs d’applications comme Zynga, Mindjolt ou RockYou, et la grande diversité d’applications que ces derniers rendent disponibles (jeux, widgets, etc.) augmente du même coup l’utilité individuelle de Facebook pour ses membres et en fait venir des nouveaux.
 
Les effets de club, directs et indirects, génèrent ainsi un phénomène de cercle vertueux, désigné souvent comme principe de « winner-take-all » par les économistes de l’information (Shapiro et Varian, 2000). Le marché des réseaux sociaux apparaît alors comme étant sujet à une tendance oligopolistique dont le principal bénéficiaire est actuellement Facebook. Cependant, comme on le verra par la suite, il faut nuancer l’idée d’une domination mondiale absolue de celui-ci.

Facebook domine le marché des réseaux généralistes

Désormais, la bataille des grands réseaux généralistes semble avoir été gagnée par Facebook au détriment de ses challengers, tous américains. En se basant initialement sur l’aire linguistique anglophone (États-Unis, Canada, Australie et Grande-Bretagne), Facebook s’est progressivement déployé à une échelle mondiale. Ainsi, en juillet 2010, la société créée par Mark Zuckerberg en 2004 a annoncé disposer de plus de 500 millions d’utilisateurs actifs dans le monde. Même s’il faut considérer ces chiffres avec précaution, la tendance est confirmée par plusieurs études. Selon Nielsen par exemple, le taux de pénétration de Facebook parmi les utilisateurs de réseaux sociaux dépasse les 50%. Facebook est ainsi le réseau le plus populaire dans les principaux marchés de l’Internet, à l’exception de la Russie, du Japon et de la Chine.


Source : Vincos.it, juin 2010

Facebook dispose non seulement du plus grand nombre d’utilisateurs mais également de ceux qui consultent leurs profils le plus souvent (plus de 19 sessions par personne et par mois en moyenne en février 2010) et qui passent le plus de temps sur le site (5h50 par personne et par mois). L’expansion de Facebook a été à peine entamée par les différentes campagnes de désabonnement lancées contre sa politique d’exploitation de données personnelles. Cette popularité croissante se traduit par une augmentation spectaculaire des recettes de la société qui, selon des informations non vérifiées, doubleraient quasiment en 2010, passant de 800 millions de dollars à 1,4 milliard. Si ces prévisions se réalisent, elles feront de Facebook l’un des rares réseaux généralistes à avoir atteint le seuil de rentabilité. 
 
Dans le même temps, les uns après les autres, les concurrents de Facebook reculent, à l’exception notable de Twitter. MySpace, acquis pour 580 millions de dollars par News Corp en 2005, faisait à l’époque figure de leader sur le marché de réseaux sociaux, mais en 2010, malgré de multiples changements de direction et de stratégie, la société a annoncé une perte annuelle de 575 millions de dollars. Avec un taux de pénétration en baisse, entre 15 et 20 %, MySpace se situe désormais à un niveau comparable à celui de Twitter qui se trouve quant à lui en pleine croissance. De son côté, Bebo, dont les utilisateurs se concentrent essentiellement dans les pays anglophones, a été revendu en juin 2010 à un fonds d’investissement, Criterion Capital Partners, pour 10 millions de dollars — AOL l’avait acquis en 2008 pour 850 millions de dollars. Hi5 enfin, après des restructurations successives, tente de réorienter sa stratégie vers les jeux en ligne afin de conserver ses positions en Amérique latine et en Europe (Portugal et Roumanie).
 
Facebook a réussi non seulement à dépasser ses concurrents pure-players comme lui, mais également à battre sur le marché des réseaux sociaux les géants du web que sont Google, Yahoo! et Microsoft. Ainsi, en août 2010, Google a annoncé que ses ingénieurs allaient arrêter le développement de Google Wave, l’une de ses deux applications de réseau social. L’autre application, Orkut, n’est parvenue à égaler Facebook que dans des marchés émergents comme le Brésil et l’Inde. Malgré son positionnement de leader dans la messagerie instantanée (MSN Messenger) et le courrier électronique (Hotmail), Microsoft quant à lui n’a jamais réussi à fédérer ses utilisateurs au sein de Live pour en faire un véritable réseau social. Enfin, la stratégie de Yahoo! consiste désormais à intégrer au maximum à sa nouvelle plateforme sociale nommé Pulse les fonctionnalités de Facebook, prenant acte de la domination du secteur par ce dernier.

Les réseaux sociaux européens

Malgré la pression qu’ils subissent de la part de Facebook, certains réseaux sociaux qu’on peut qualifier de « nationaux » résistent tant bien que mal. Il s’agit de services qui se déploient essentiellement à une échelle nationale ou dans une aire linguistique spécifique et dont la création a été initiée ailleurs qu’aux États-Unis. Un exemple de cette catégorie est le site Tuenti, créé en 2006 et qualifié par la presse de « Facebook espagnol ». La stratégie de Tuenti se différencie sur plusieurs points de celle des grands réseaux généralistes : l’inscription au site n’est pas libre mais nécessite une invitation par un membre ; la publicité se veut plus ciblée et moins envahissante ; son développement se concentre essentiellement en Espagne où se trouve la plupart de ces huit millions d’utilisateurs. En août 2010, le groupe de télécommunication espagnol Telefonica a acquis 85 % du capital de Tuenti pour 70 millions d’euros dans l’objectif de développer le service en Amérique latine.

La carte mondiale des réseaux sociaux
Mappemonde montrant les différents sociaux par pays
Source : Vincos.it, juin 2010

Un autre exemple de réseau social européen qui connaît un succès certain est Hyves. Créé en 2004 aux Pays-Bas, il y a recruté l’essentiel de ses dix millions de membres. Dans ce pays, Hyves dépasse largement Facebook, MySpace et Twitter en nombre d’abonnés et en volume de trafic. La société Startphone Ltd qui édite Hyves est basée à Amsterdam et est contrôlée par ses fondateurs. En France, en Suisse et en Belgique francophones, c’est Skyrock, et sa plateforme de blogs, contrôlé par une filiale du groupe AXA, qui concurrence sérieusement les acteurs américains sur le marché de réseaux sociaux. Depuis le changement de stratégie intervenu en 2007, Skyrock se présente comme un réseau social avec des fonctionnalités comparables à celles de Facebook, s’adressant principalement à un public d’adolescents. Cependant, avec ses six millions de visiteurs uniques par mois en France selon Médiamétrie, Skyrock est très loin de Facebook (23,5 millions de visiteurs uniques) et même de son concurrent sur le segment de blogs Overblog (10 millions de visiteurs uniques).
 
En Europe germanophone, le réseau social généraliste le plus important après Facebook et MySpace est StudiVZ. Créé à Berlin en 2005, StudiVZ annonce comptabiliser quinze millions de membres, essentiellement en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Destiné initialement aux étudiants, le site présente de nombreuses similitudes avec Facebook. Il est la propriété du groupe d’éditions Verlagsgruppe Georg von Holtzbrinck (Die Zeit, Handelsblatt, Nature, Scientific American) basé à Stuttgart. En Europe centrale et de l’Est, une multitude de réseaux sociaux locaux concurrence les acteurs américains au point de dépasser Facebook et MySpace en nombre d’utilisateurs. C’est le cas notamment de V Kontakte, un clone de Facebook basé en Russie, qui revendique plus de 80 millions de membres, essentiellement en Russie, en Ukraine, en Biélorussie et au Kazakhstan. V Kontakte a été créé en 2006 par la famille Mirilashvili de Saint-Pétersbourg dont le père, Mikhail Mirilashvili, propriétaire entre autres de casinos, de compagnies pétrolières et pharmaceutiques, a été condamné à douze ans de prison pour kidnapping et tentative de meurtre en 2003.
 
En 2008, le contrôle de V Kontakte est passé à Digital Sky Technology, un fonds d’investissements russe spécialisé dans les nouvelles technologies et contrôlé par l’une des plus grandes fortunes du pays, Alisher Usmanov. Digital Sky Technology est devenu progressivement un acteur incontournable du secteur des réseaux sociaux puisque, outre V Kontakte, il contrôle également le second réseau local en Russie, Odnoklassniki, ainsi que les réseaux sociaux leaders dans les marchés polonais (Nasza-Klasa) et lituanien (One) qui revendiquent chacun plusieurs millions d’utilisateurs. Le groupe dispose également des participations dans le capital de Facebook et de Zynga. D’autres réseaux sociaux européens égalent ou dépassent Facebook dans leur pays respectif : Draguiem en Lettonie, avec plus de deux millions d’utilisateurs, Iwiw en Hongrie et Lidé en République Tchèque.

Les réseaux sociaux asiatiques

L’Asie constitue un enjeu économique capital pour les réseaux sociaux généralistes. Cependant, les grands marchés de ce continent restent l’apanage d’acteurs locaux. Les acteurs transnationaux du web doivent en effet non seulement faire face à des particularités culturelles fortement ancrées, mais sont de plus bien souvent obligés de négocier leur implantation avec les autorités locales. L’exemple de la Chine, avec ses 200 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux, est à ce titre très significatif. Facebook et Twitter y sont bloqués depuis 2009, mais même avant la censure, Facebook avait eu beaucoup de mal à s’implanter à cause du succès que connaissaient les quatre principaux services chinois du secteur. C’est le cas notamment de Qzone qui, selon une étude indépendante, est le réseau social le plus populaire en Chine avec plus de 350 millions de membres, essentiellement des adolescents. Qzone, propriété du groupe chinois Tencent, est affilié à la messagerie instantanée la plus répandue en Chine, QQ, d’où il tire une part importante de ses utilisateurs.

Les réseaux sociaux chinois

Source : SoulBeat, avril 2010
 

De son côté, Renren est le deuxième réseau social le plus populaire en Chine, prétendant avoir plus de 100 millions d’utilisateurs dans le pays. Créé en 2005 sous le nom de Xiaonei comme une simple copie simplifiée de Facebook, Renren s’est développé en mettant l’accent sur son offre de jeux en ligne, très prisés en Chine. Le service appartient au groupe Oak Pacific Interactive, qui est en partie contrôlé par le géant des télécommunications japonais Softbank. Deux autres réseaux sociaux très populaires en Chine sont Kaixin001 et 51.com qui correspondent peu ou prou à des groupes sociaux relativement distincts. Selon l’analyste Kaiser Kuo, alors que le premier est principalement fréquenté par l’élite urbaine des grandes métropoles travaillant pour des multinationales et dans des secteurs considérés comme prestigieux (nouvelles technologies, publicité, communication), le second regroupe essentiellement des cadres intermédiaires en provenance des villes secondaires et des régions rurales. Enfin, Wretch est le réseau social le plus populaire à Taiwan et Weibo le clone local de Twitter le plus réussi. L’ensemble de ces réseaux est régulièrement contrôlé par les autorités et activement censuré par leurs propriétaires.
 
Le Japon est l’un des pays où le pourcentage des utilisateurs des réseaux sociaux parmi les internautes est le plus élevé. Pendant longtemps, le marché japonais a été dominé par des acteurs locaux, principalement Mixi, GREE et Mobage Town, chacun affirmant rassembler plus de 20 millions d’utilisateurs. Mixi et GREE, créés en 2004, ressemblent davantage à leurs concurrents occidentaux, à ceci près qu’ils sont très orientés vers des usages mobiles, particulièrement développés au Japon. Mobage Town quant à lui est essentiellement une plateforme de jeux en ligne. Mais il convient de noter la montée récente et très rapide de Twitter qui dispose désormais d’un trafic comparable à celui de Mixi. Selon Nielsen, le taux de pénétration de Twitter au Japon (16 % des internautes), où il affiche de la publicité depuis 2008, est supérieur à celui qu’il obtient aux États-Unis (10 %). On observe une situation similaire en Corée du sud où la domination des acteurs locaux comme Cyworld (plus de 18 millions d’utilisateurs revendiqués) est mise à mal par la montée en puissance de Twitter.
 
Le seul grand pays d’Asie à avoir été conquis par les réseaux sociaux américains, en partie pour des raisons linguistiques, est l’Inde. Malgré l’existence d’une myriade de services locaux (Bharat Student , BigAdda, Fropper), le réseau social le plus populaire est Orkut dont le taux de pénétration dépasse les 10 % des internautes. Orkut est suivi par Facebook qui est en phase de croissance en Inde. Ce dernier domine également le Moyen Orient et les pays arabophones d’Afrique malgré l’existence d’acteurs locaux comme As7ab Maktoob, racheté par Yahoo en 2009. Seule exception notable dans cette région : l’Iran. Après le blocage d’Orkut et de MySpace, très populaires dans ce pays, ce sont des acteurs locaux qui ont émergé comme Cloob, exerçant volontairement une censure pour satisfaire les exigences du régime. Lors du soulèvement de 2009, Twitter a connu une utilisation croissante de la part des opposants grâce à sa rapidité et sa capacité technique à résister à la censure.

Les usages complexes des réseaux sociaux

Ce panorama du marché mondial des réseaux sociaux nuance fortement l’image d’un Facebook omniprésent véhiculée par les médias, même si ce dernier est sans conteste le principal acteur à l’échelle mondiale. En effet, les particularités sociologiques et culturelles des publics influent de manière décisive sur le choix du réseau social. Les usages qui s’y développent sont également relativement différenciés.
 
Pour faire ressortir ces différences de comportements, on peut citer plusieurs comparaisons basées sur l’utilisation des réseaux sociaux dans plusieurs pays. Dans les pays asiatiques, comme le Japon, la Chine et la Corée, le principal moteur des réseaux sociaux est constitué par les jeux en ligne, enrichis par des dispositifs de sociabilité, alors qu’en Inde, c’est l’aspect matrimonial des réseaux sociaux qui en assure la diffusion, notamment parmi les Indiens de la diaspora (Pal, 2010). Si l’on s’intéresse au nombre moyen de contacts, on peut noter que si au Brésil l’étendue du réseau d’amis virtuels est très large, 360 en moyenne, elle est beaucoup plus restreinte en France avec 95 amis en  moyenne. Pour finir, même le temps de connexion sur les réseaux sociaux est très variant dans une zone géographique donnée avec par exemple ici l’Europe où la durée de connexion varie considérablement d’un pays à un autre puisqu’elle est de quasiment six heures et demie par mois en Italie, soit presque trois heures de plus qu’en Allemagne.
 
À ces particularités, il faut également ajouter la diversité des objectifs poursuivis par les publics qui adoptent les réseaux sociaux. Ainsi, les réseaux professionnels comme LinkedIn et Viadeo connaissent un grand succès parmi une population de cadres et de professions intellectuelles. De même, une multitude de sites fondés sur le contenu généré par les utilisateurs (YouTube, Dailymotion, Flickr, SoundCloud, etc.) et sur les jeux en ligne (Gaia Online, Club Penguin, Second Life) intègrent de manière intrinsèque des fonctionnalités de réseau social tout en attirant des millions d’utilisateurs. Il en résulte ainsi un paysage caractérisé par des combinaisons d’usages complexes qui font intervenir une multitude de services en fonction des contextes, des activités et des moments. L’effet de club aussi déterminant qu’il soit ne met pas Facebook à l’abri d’un changement de mode, d’un mouvement d’humeur ou d’une désaffection endémique.
 
En témoignent les résultats d’une étude récente effectuée auprès d’un échantillon d’adolescents américains, considérés comme des précurseurs dans ce segment de marché. Cette étude montre qu’un mouvement de désaffection (quitter Facebook ou l’utiliser beaucoup moins) a déjà gagné un cinquième des personnes interrogées depuis six mois. Les raisons principales évoquées pour expliquer ce phénomène sont le manque d’intérêt du service, l’attrait pour d’autres sites et la surcharge d’information qu’il génère. Dans le même sens, l’American Customer Satisfaction Index (ACSI) publié en juillet 2010 souligne que Facebook, malgré son taux de pénétration très élevé, n’est pas aimé par ses utilisateurs. Son taux de satisfaction le place parmi les 5 % des entreprises américaines les moins bien perçues, loin derrière Google mais aussi Wikipédia. Utiliser un service qu’on n’aime pas parce qu’on y trouve les gens qu’on aime est un argument sérieux. Le temps que ces derniers y restent…

Tableau récapitulatif des principaux réseaux sociaux dans le monde

Pure-players (US)
Groupes (US)
Réseaux locaux
Réseaux spécialisés
Facebook
Twitter
Bebo
Hi5
Friendster
Netlog
 
Myspace (News Corp)
Orkut (Google)
Google Buzz
Yahoo Pulse
Windows Live
 
Skyblog (France)
Badoo (Italie)
Tuenti (Espagne)
V Kontakte (Russie)
Odnoklassniki (Russie)
As7ab Maktoob (Moyen Orient)
Hyves (Pays Bas)
StudiVZ (Allemagne)
Cyworld (Corée du Sud)
Iwiw (Hongrie)
Nasza-Klasa (Pologne)
Lidé (République Tchèque)
Mixi (Japon)
One (Lettonie et Lituanie)
Qzone, Renren, 51.com, Kaixin001 (Chine)
Wretch (Taiwan)
Zing.vn (Vietnam)
 
YouTube (Google), DailyMotion,
Soundcloud, Last.fm (CBS), Blip.fm, Pandora,
Flickr (Yahoo), Fotolog,
Classmates.com, Copainsdavant,
Ning,
LinkedIn, Viadeo, Ziki, Plaxo, Jigsaw, Livejournal, Yelp, Habbo, Flixster, FourSquare
 
 

Références

Danah m. BOYD (2007), « Viewing American class divisions through Facebook and MySpace », Apophenia Blog Essay, 24 juin.

Danah m.
BOYD, Nicole B. ELLISON, (2007), « Social Network Sites: Definition, History, and Scholarship », Journal of Computer-Mediated Communication, 13 (1), article 11.
 
Dominique CARDON, (2008), « Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0 », InternetActu.net, 2 février.
 
Nicolas CURIEN, (2000), Économie des réseaux, Paris, La Découverte.
 
Jiban K. PAL, (2010), « Social networks enabling matrimonial information services in India », International Journal of Library and Information Science Vol. 2 (4), p. 54-64, May.
 
Trebor SCHOLZ, (2007), « The Social Web:Web 2.0 What Went Wrong ? », Collectivate.net.

Carl SHAPIRO, Hal VARIAN, (2000), Économie de l'information. Guide stratégique de l'économie de réseau, Bruxelles, De Boeck Université.
(1)

Trebor Scholz est un écrivain, activiste des medias et enseignant. 

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