L'évolution du paysage médiatique au Kirghizstan et en Asie centrale

L'évolution du paysage médiatique au Kirghizstan et en Asie centrale

Les nouveaux médias sont au coeur de la révolution politique et sociale qui a secoué le monde arabe ces derniers mois - un évènement de même ampleur s'était produit en Asie centrale en 2010.

Temps de lecture : 14 min

En avril 2010, des protestants ont fait irruption à la Maison Blanche de Bishkek, le siège de la République du Kirghizstan, et ont renversé le président Kurmanbek Bakiev. Cet épisode, dont on parle comme de la “Seconde Révolution”, succédant à la “Révolution de la Tulipe” de mars 2005, est unique en son genre, si l'on considère la perspective plus générale des évolutions politiques en Asie centrale. Avant toute chose, cet événement a donné tort à tous ceux ayant prédit le glissement du Kirghizstan vers un cadre autoritaire, sur le modèle des régimes existants dans les pays voisins que sont l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. Une nouvelle fois, cette république située dans les terres a surpris son propre peuple, tout autant que les observateurs étrangers, avec une dynamique politique qu'il était difficile d'imaginer en se tenant à un raisonnement rationnel. Comment la rébellion est-elle possible au Kirghizstan, lorsqu'un mélange de répression et de populisme a réussi à réduire au silence toute forme d'opposition, dans toute la région environnante, et ce depuis à présent deux décennies ?

 
En plus d'une dynamique politique stupéfiante, cet événement présente des caractéristiques qui donnent à réfléchir sur le rôle des médias – et, plus particulièrement, sur le rôle des nouveaux médias et d'Internet dans les affaires de l'Asie centrale moderne. Cette réflexion peut suivre deux angles d'analyse différents. Dans une première perspective, il semble que la Seconde Révolution ait ouvert une nouvelle phase pour le développement des médias au Kirghizstan, pays dont la chaîne de télévision nationale est en train d'évoluer vers un modèle de radiodiffusion public, et où la presse écrite gagne un nouveau lectorat, aujourd'hui moins pris par la peur d'être poursuivi et emprisonné pour cause de diffamation. Dans une région qui, selon Reporters sans frontières, ne peut être perçue que comme une tâche sombre sur le globe, en matière de liberté des médias, ces évolutions doivent être considérées comme un petit miracle. Le second phénomène qui doit être discuté est celui de la nouvelle forme de la politique qui a émergé en Asie centrale, une forme qui a connu sa meilleure description avec l'appellation de “Révolution Twitter”, selon les termes employés par plusieurs observateurs. Malgré l'éloignement des centres mondiaux du développement, il semble que les nouveaux médias et les TIC transforment en profondeur la société d'Asie centrale et produisent de nouvelles règles pour le jeu de la politique.

Une mainmise de l'autoritarisme sur les médias du Kirghizstan et dans les régions environnantes

 

Le régime de Bakiev s'est assuré, pendant longtemps, une influence considérable sur le paysage médiatique du Kirghizstan. En nommant, à l'automne 2007, l'ancien membre de l'opposition Melis Eshimkanov à la tête de NTRK, la Corporation de radiodiffusion nationale publique, il a réussi à s'assurer la coopération d'un fidèle serviteur. Concernant la presse papier, peu développée en Asie centrale, les journaux les plus influents comme  Vechernjy Bishkek (‘Evening Bishkek’) et Moja Stolica Novosti (‘My Capital News’) ont apporté un soutien sans faille au régime, sous la rédaction en chef d'Alexander Kim. Des journaux critiques comme De-Fakto et Alibi ont été fermés en 2008, tandis que d'autres outils médiatiques comme MK Asia et BelyjParus (‘White Sail’) ont été confrontés à une pression constante de la part des autorités tout au long de l'exercice du pouvoir par Bakiev. L'espace virtuel, en expansion constante, seul espace restant pour l'expression d'opinions alternatives, est devenue la cible de la censure à partir de l'année 2008. Des députés issus du parti au pouvoir, Ak-Zhol (le "Chemin blanc") ont proposé des lois permettant de rendre les plateformes en ligne responsables de diffamation et de calomnie. De nombreux observateurs ont considéré ces initiatives comme étant directement dirigées contre les sites Web de l'opposition. Fin 2009, le meurtre du journaliste Gennadiy Pavlyuk a marqué une nouvelle étape dans le processus de répression et de persécution des critiques. La répression toujours plus intense des médias au Kirghizstan à la fin 2009 a été évaluée avec une note record de 6,5 dans le rapport "Nations en transition" de la Freedom House, la pire note attribuée au Kirghizstan dans la catégorie "Indépendance des médias", depuis son accès à l'indépendance.
 
Sur ce point, la situation du Kirghizstan est en parfaite adéquation avec ses voisins, l'Ouzbékistan et le Turkménistan ayant obtenu la plus mauvaise note, un 7 pour chacun de ces deux pays, alors que le Kazakhstan s'est vu attribuer un 6.75. Seul le Tadjikistan s'est vu octroyer une note légèrement plus acceptable, avec un 5,75. Au Turkménistan, les médias sont toujours entre les mains de l'Etat central. Un régime de contrôle absolu et de répression, hérité du premier président du Turkménistan indépendant, l'excentrique Turkmenbashi, a été perpétré sous le président Berdymukhamedov. Une légère libéralisation, avec une poignée de groupes Internet faisant leur apparition et l'acceptation de journalistes étrangers sur le territoire, ne change rien au fait que le Turkménistan est, à l'heure actuelle, l'un des pays les plus fermés au monde(1). En Ouzbékistan, le régime d'Islom Karimov garde les médias sous un contrôle sans faille. Il existe un grand nombre de médias, mais selon la Freedom House, aucun d'eux n'est réellement indépendant. Les journalistes sont harcelés et emprisonnés, comme l'illustrent les exemples récents d'Abdumalik Boboev de "Voice of America" et de Vladimir Berezovskiy, rédacteur pour Vesti.uz, qui ont été condamnés pour diffamation criminelle et insultes(2).
 
Au Kazakhstan, l'économie, plus forte, a facilité l'émergence de nouveaux médias. Cependant, bien que les méthodes utilisées soient moins tyranniques, le contrôle des flux d'information reste strict, au sein de la République : la plupart des médias, chaînes de télévision, stations de radio et éditeurs de presse sont détenus par des membres de la famille du président(3).

Le Tadjikistan, au contraire, a un paysage médiatique peu développé. Les médias indépendants n'existent que dans une faible proportion, mais l'espace réservé à l'information souffre, en règle générale, du manque d'une véritable infrastructure de base. Malgré ces conditions peu favorables aux médias, le régime du président Rakhmon tente tout de même, à l'heure actuelle, de renforcer son contrôle. Par exemple, depuis 2009, une nouvelle réglementation exige que toute personne souhaitant accéder à de l'information publique dépose une certaine somme d'argent sur un compte bancaire, ce qui augmente le risque de corruption et réduit les flux d'information(4).
 
Les restrictions qui pèsent sur la liberté d'expression et le contrôle répressif exercé sur tous les médias ont contribué à alimenter la réputation des cinq pays dont le nom se termine en “Stan” comme étant des dictatures(5). Seul le Kirghizstan, jusqu'ici, a réussi à rompre avec cette tradition, grâce à la “Seconde Révolution”, qui a changé radicalement les conditions appliquées à l'expression des opinions sur la place publique.

Les développements post-révolutionnaires des médias au Kirghizstan

La transformation de la Corporation de radiodiffusion nationale publique (NTRK) en “ Corporation de radiodiffusion TV et radio publique” (ORTK), fin avril 2010, aurait déjà pu être prédite aux tous premières heures de la révolution. Après que les manifestants ont envahi le siège de la NTRK à Bishkek, le 7 avril, les programmes ont été supprimés de l'antenne pendant plusieurs heures, pour ne réapparaître qu'en toute fin de soirée. Les manifestants avaient remis en activité le deuxième studio d'enregistrement et organisé des tables rondes, au cours desquelles les participants pouvaient informer leurs concitoyens et demander la libération de chefs de l'opposition, arrêtés le jour précédent. Cette initiative télévisée, organisée de façon spontanée, s'est transformée en structure durable, le 30 avril 2010, lorsque le Gouvernement provisoire – rattaché au président Roza Otunbaeva – a décrété qu'elle deviendrait un service de radiodiffusion public. Afin de concrétiser le statut public, un Conseil d'administration spécial a été mis en place. Ses quinze membres sont supposés être élus, à parts égales, par des représentants issus d'organisations civiles, le Parlement kirghiz (le Zhogorku Kenesh), et le président, et ils doivent être nommés par le Parlement. Depuis août 2010, le Conseil a œuvré sous la présidence d'Elvira Sarieva, et a réussi à élire un nouveau directeur pour l'ORTK, début décembre : le jeune professionnel des médias Kubat Otorbaev. Malgré le fait que le poids et la structure-même du Conseil fassent toujours l'objet de débats, il est devenu évident que ce nouvel organe offre la garantie d'une indépendance par rapport aux entités politiques influentes ety aux groupes commerciaux. Le but est de tourner la page et d'enterrer une époque où la Maison Blanche, contrôlée par Bakiev, utilisait le NTRK comme son outil de propagande principal, afin de consolider sa mainmise sur le pouvoir.

 
Depuis les événements d'avril 2010, la presse papier tout comme les sites Internet font l'expérience d'une nouvelle vague de liberté et d'innovation. Vecherniy Bishkek et d'autres journaux ont évolué : hier, ils se contentaient de condamner les positions de l'opposition, aujourd'hui ils livrent des commentaires critiques sur les développements de l'Etat et de la société. De nouvelles colonnes parlent de l'avènement d'une ère où l'esprit critique s'exerce de façon quotidienne et où il y a moins de place pour les aventures politiques hasardeuses. Les agences de presse basées sur le Net, comme Akipress ou 24kg ont commencé à développer de nouvelles rubriques, dès les prémisces de la fin du régime Bakiev, en invitant les lecteurs à commenter et à contribuer à la formation de l'opinion publique. Akipress a même baptisé l'une de ses rubriques "Opinions de lecteurs", où chacun peut faire part de son avis sur un sujet en cours de discussion(6). Parallèlement à la nouvelle OTRK, des chaînes de télévision comme Channel Five et NTS ont diffusé des émissions dédiées au débat et à la discussion, offrant ainsi au public du Kirghizstan, au sens large, à de nouvelles formes d'échange et de réflexion politique.
 
Les récentes élections parlementaires, qui ont eu lieu en octobre 2010, viennent confirmer ces évolutions. Avec plus de 25 partis politiques qui ont pris part aux élections, la demande du public concernant l'échange d'opinions était grande. Afin de répondre à la soif d'information et d'offrir un vrai espace au débat, l'OTRK a organisé des tables rondes quotidiennes avec des leaders de partis politiques, dès la fin du mois de septembre. Ces tables rondes, qui ont reçu le soutien de donateurs représentant l'Europe de l'Ouest, comme l'USAID et l'antenne de l'OSCE à Bishkek, ont été modérées par Otorbaev, futur dirigeant de l'OTRK, et Dinara Suymalieva, chef de la version kirghiz de la chaîne World, Mir dans sa version locale. On a eu recours, pour cette émission, à un format inédit, les spectateurs ayant la possibilité de poser directement leurs questions, ou de les préparer en avance sur des forums en ligne. Même si les habitudes politiques de longue date ont empêché les participants aux débats de faire des accusations directes, cette nouvelle émission et son approche non conventionnelle ont contribué à donner l'impression d'une diversité politique à travers le pays. En comparaison à la situation oppressante qui marque les pays voisins comme le Kazakhstan ou l'Ouzbékistan, par exemple, cette nouvelle liberté, des médias et de l'expression, doit être considérée comme un pas en avant.

Nouveaux médias et technologies de l'information en Asie centrale

Lorsque se sont produits, à la mi-juin 2010, les affrontements mortels entre Ouzbeks et Kirghizes, dans la ville d'Osh, au sud du Kirghizstan, de nombreux analystes ont fait le lien avec le conflit qui a opposé les deux ethnies en juin 1990. En effet, les similarités sont frappantes. Le conflit de 2010 reste cependant marqué par une dynamique différente, qui doit être expliquée en prenant en considération l'existence de nouveaux modes de communication. L'un des contributeurs de diesel.elcat.kg, le plus gros forum en ligne au Kirghizstan, une femme qui craignait pour la sécurité de ses proches et observait les événements depuis Bishkek, a fait référence aux changements en mettant en avant le rôle des téléphones portables dans le conflit. Selon elle, les téléphones portables ont transformé l'environnement social, modifiant les attentes vis-à-vis des flux d'information. En effet, la population a commencé à paniquer durant les événements, lorsque le gouvernement a réagi "à la soviétique" et a mis en veille les chaînes de télévision locales pour restreindre l'accès à l'information. Mais, les téléphones portables étant restés utilisables, les nouvelles ont pu malgré tout se répandre, sans passer par les filets des organes étatiques. Au final, les citoyens ont trouvé la motivation de se mobiliser pour sauver ceux qui leur étaient chers, défendre la nation ou saisir l'opportunité de piller et saccager – en d'autres termes, de permettre au conflit de se poursuivre, par tous les moyens. Les téléphones mobiles et Internet ont relayé les rumeurs et ont permis de maintenir la communication avec les proches, pour faire part du meilleur comme du pire, comme l'ont relaté les forums. Par-dessus tout, ils ont initié un nouveau rythme pour le flux d'information. Le gouvernement provisoire n'a, au final, pas réussi à se faire à cette nouvelle donne.

 
On peut étendre à toutes les autres nouvelles technologies le commentaire concernant l'importance des téléphones portables dans les sociétés d'Asie centrale. Au Kirghizstan, comme dans la plupart des républiques d'Asie centrale (à l'exception du Turkménistan, qui constitue un cas isolé), l'infrastructure nécessaire aux nouveaux médias et aux nouvelles formes de communication s'est considérablement développée. Depuis 2004, le Kirghizstan, le Kazakhstan, et même l'Ouzbékistan et le pays appauvri qu'est le Tadjikistan, ont connu un développement considérable de l'usage des téléphones portables et de l'accès à Internet. Selon des statistiques fournies par l'Union internationale des télécommunications (rattachée à l'Organisation des Nations Unies), le Kirghizstan, par exemple, a atteint un taux de pénétration Internet de presque 40 % en 2010. Le Kazakhstan se situe à environ 35 %, et même l'Ouzbékistan, qui connaît un régime autoritaire, obtient un pourcentage surprenant de 16,8 %. Une large part des accès Internet se fait par téléphone mobile, un marché qui est devenu considérable pour les opérateurs locaux. Selon une agence de presse locale, spécialisée sur les sujets business, plus d'un million d'utilisateurs, au seul Kirghizstan, ont accès à Internet par le biais d'un appareil de communication mobile. Le marché des nouvelles technologies, dans sa globalité, se développe rapidement dans la région, et les nouvelles formes de communication laissent leurs marques sur les affaires sociales et politiques.
 
Les événements d'avril 2010 sont largement suffisants pour donner raison aux observations précédentes. Sur Registan.net,Sarah Kendzior a qualifié les événements d'avril de “révolution Twitter”, et a posé la question de savoir dans quelle mesure ces événements seraient archivés sur la sphère Internet. Il est vrai que les premières nouvelles concernant les manifestations sont apparues sur Twitter, suivies par de courtes vidéos postées sur YouTube et, plus tard, postées à nouveau sur des sites vidéo plus régionaux. Il était possible de suivre les événements en consultant Twitter, où des tags de suivi comme #freekg and #newskg ont organisé le flux d'information pour les “suiveurs” (“followers”). Les services d'information professionnels comme Russian RT se sont rapidement accrochés au mouvement et ont utilisé le matériel mis en ligne pour couvrir les événements. Une production de l'information décentralisée, par les participants aux événements, s'est ajoutée aux processus classiques de couverture de l'actualité, créant une sorte de règne de l'information qui a rapidement dépassé les capacités de suivi de l'observateur quotidien. Afin de canaliser la diffusion des rumeurs, certains participants d'un chat via Skype, qui impliquait plusieurs centaines de contributeurs, ont décidé de créer un site Internet dédié, inkg.info. Sur ce site, l'information a été centralisée, vérifiée, et postée en donnant la référence des sources. De telles initiatives ont contribué à donner un sens au traitement des nouvelles – en plus d'accroître encore le volume d'informations fournies.
 
 
 
 Vidéo: Les manifestations anti-gouvernement à Bichkek au Kirghizistan, le 7 avril 2010.

 
 
Vidéo: la police tire sur des manifestants à Bichkek où les émeutes prennent un tour violent.
 
Depuis les événements d'avril, la communauté numérique, au Kirghizstan, a influencé les développements politiques du pays, tout simplement en faisant augmenter le nombre d'utilisateurs. D'une part, les agences de presse existant sur le Web, comme Akipress  ou 24.kg, ont élargi leur lectorat. D'autre part, des sites d'information comme Atameken.kg (Le site Internet du parti politique Ata-Meken, ou "patrie"), Centrasia.ru et Fergananews.com ont repensé leurs structures ou proposé leurs travaux sous de nouvelles formes. Ces développements connaissent leur forme la plus aboutie avec la mise en place de plateformes de discussion et de cercles d'experts comme Expertkg.info. Le développement le plus fascinant, cependant, reste l'utilisation des nouveaux médias sociaux par un groupe en constante expansion de Kirghizes et d'autres citoyens d'Asie centrale. Les utilisateurs de Twitter au Kirghizstan ont très tôt fait preuve d'une bonne organisation et d'un traitement critique des développements politiques, contribuant de fait à diffuser les nouvelles des derniers changements. Facebook aide à mettre en contact les nombreux jeunes Kirghizes qui étudient à l'étranger, et qui ont découvert de nouveaux moyens pour suivre les développements politiques et sociaux de leur pays. Selon une étude récente réalisée par Kloop.kg, on compte encore plus de Kirghizes connectés via les outils Moi Mir et Odnoklassniki, en langue russe. La blogosphère se développe rapidement. Cela contribue à unir les activistes à travers le monde, ceux qui s'intéressent aux problématiques d'Asie centrale et qui font part de leurs commentaires sur les événements, souvent tortueux, qui touchent le Kirghizstan.

Vers une nouvelle responsabilité pour les politiques

Ce nouveau public en ligne fait siennes les vieilles méthodes de construction de l'opinion publique et crée un climat dans lequel la nature profonde de la politique est en train de changer. Les élections d'octobre ont vu les premières tentatives des politiques dirigeants de réagir contre la demande d'information publique. Temir Sariev, chef du parti Ak-Shumkar ("Faucon blanc") est un utilisateur actif de Facebook, de même que Shirin Aitmatova, fille du célèbre écrivain kirghize Chingiz Aitmatov et membre de Ata-Meken. L'ancien ministre chargé des situations d'urgence et chef du parti Ata-Zhurt ("Patrie"), Kamchybek Tashiev, a ouvert un compte Twitter et a été suivi par de nombreux autres politiciens au Kirghizstan, qui ont découvert dans le Web 2.0 un nouveau moyen de trouver le soutien de l'opinion publique.

 
Parallèlement, les réflexions et le débat public ont lieu selon un rythme de plus en plus rapide ; cette nouvelle cadence exige des politiques et des activistes qu'ils s'adaptent à un environnement poltique qui fait plus facilement une place à la critique et qui soulève les questions de façon plus directe. Un système politique qui était habitué, pour une large part de son passé, à des formes d'action politique représentative, à des débats réduits souvent à des discours unipersonnels, et à des rassemblements de partisans dans des parcs, doit à présent répondre à la double tâche qu'imposent l'ouverture démocratique et la transformation des médias et de la sphère publique. Faire part de ses idées personnelles sur Facebook ne signifie pas seulement réunir une série de clics “like” (“j'aime”), il s'agit aussi d'ouvrir de nouveaux canaux pour la critique directe. Le moindre mouvement de n'importe quelle force politique peut être retracée sur Twitter et porté à la connaissance d'une audience large, et créer un scandale si besoin. La publication récente de la liste préliminaire de répartition des positions du gouvernement donne une preuve de la nouvelle forme que prend l'attention et l'examen publics. Kgcompromat, un utilisateur de Twitter, a partagé un lien vers une page scannée faisant état de toutes les grandes positions dans les hautes sphères politiques du Kirghizstan, au sein des trois partis de coalition, avant même que le traité de coalition lui-même ait été signé. Cette information a choqué de nombreuses personnes au Kirghizstan, dans la mesure où le document montrait que les politiques kirghizes étaient bien plus intéressés par le fait d'obtenir un des portefeuilles prestigieux – c'est-à-dire des postes haut placés dans la dernière compagnie acquise par l'Etat ou au sein des organes de gouvernance locale, par exemple – que par le fait de participer au bon développement politique du pays lui-même.
 
 
Dans le futur, les politiques présents au Kirghizstan devront prendre en considération le regard critique exercé par le nouveau public, puisque sa voix gagne en ampleur grâce aux nouveaux médias et aux nouvelles structures médiatiques. Il s'agira sans aucun doute d'un défi important, dans un pays où la prise de décisions politiques suit, de coutume, un chemin unique – des sommets vers le bas de l'échelle – et ne laisse pas de place à un véritable processus de discussion entre les deux sphères. L'idée d'une obligation de rendre des comptes sur les orientations à suivre pour le futur , de même que l'exercice de la critique et de la réflexion, sont des principes encore moins bien familiers à l'esprit politique du pays. Dans une perspective plus concrète, les changements introduits en Asie centrale par le développement rapide des nouvelles technologies promet d'apporter de nouvelles possibilités à l'action politique. Même si la nature fermée des régimes au niveau des régions ne permet pas de prédire facilement des événements comme la Seconde Révolution, on peut s'attendre à ce que l'opinion publique sera, à l'avenir, directement connectée à ces événements et déterminera leur déroulement. L'Internet et les téléphones mobiles, ainsi que les réseaux du type Facebook, Moi Mir et Twitter, transforment la façon dont la société communique sur elle-même et garantissent, pour le futur, une implication et une mobilisation de l'opinion publique à des rythmes inouïs. L'Asie centrale, de façon générale, et le Kirghizstan, en tant que cas particulier, pénètrent dans une nouvelle phase de développement de leurs politiques publiques et, à l'heure actuelle, la signification exacte de cette nouvelle dynamique pour les populations de la région n'est pas encore certaine.
 
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Traduit de l'anglais par Kévin Picciau.
 

Kazakhstan

 

 

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Références

 

Articles et sites Web
 

Freedom House, Nations in Transit 2010. Tajikistan, 2010.
 

Sarah KENDZIOR, "Let the Revolution Be Archived", 7 Avril 2010.
 

Presse et médias
 
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Médias sociaux
 
 
 
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Vidéos
 
 
 
 
 
(1)

Lire l'“Alternative Report on the Human Rights Situation in Turkmenistan”, Universal Periodic Review, 2009. 

(2)

Voir l'OSCE: ???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????, 2010 , et Two Journalists under fire in Uzbekistan, par Erkin Akhmadov, analyste pour les zones Asie centrale et Caucase, publication du 27 octobre 2010. 

(3)

Selon Wikipédia  

(4)

Freedom House, Nations in Transit. Tajikistan (par Payam Foroughi), 2010. 

(5)

Freedomhouse appelé en Asie centrale comme des Etats au 'Consolidated Authoritarian Regimes' en 2010. 

(6)

‘Reader Opinions', where any visitor can post his or her view. 

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