En mai 2016, Twitter suspendait le compte parodique
@DarthPutinKGB, qui moque les travers associés au président russe. Pendant les quelques jours qu’a duré la suspension de ce compte populaire (70 000 abonnés), les rumeurs sont allées bon train sur une susceptibilité plus aiguë des autorités russes à l’égard des voix critiques du Kremlin sur les réseaux sociaux. Deux mois auparavant, Twitter rendait public son dernier
Transparency Report, où il apparaît que le nombre de requêtes du gouvernement russe adressées à Twitter a augmenté de 25 fois entre les deux semestres de l’année 2015. Enfin, la mise en ligne récente, par les autorités russes, d’une
vidéo montrant l’arrestation musclée à Saint-Pétersbourg d’un homme au motif d’avoir posté, sur
VKontakte (VK), équivalent russe de Facebook, des commentaires jugés « extrémistes » ne laissait aucun doute sur son objectif : intimider les internautes postant des commentaires contredisant le régime.
À l’évidence, la confrontation entre la Russie et l'Occident autour de l'Ukraine a suscité, chez les autorités russes, une volonté de raffermir le contrôle de l’État sur les médias et tout particulièrement le web. Ce leitmotiv défensif va à l’encontre des objectifs économiques annoncés d'une plus grande contribution des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans la croissance russe.
Le potentiel économique des TIC et de l'industrie du numérique est pourtant reconnu. La pénétration de l’internet en Russie atteint 59,27 % de la population en 2014 (29 % en 2009), et le marché du numérique a crû de 31 % entre 2012 et 2013
. Toutefois, cette tendance – encore modeste lorsque l'on prend connaissance de la part de l'économie numérique dans le PIB russe ? restera certainement secondaire par rapport au mouvement de « souverainisation » du RuNet
. Les autorités russes ont en effet exprimé un « empressement » en matière législative à l'égard d'une régulation plus étroite de l’internet depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.
Cette approche souverainiste, transposée à la sphère numérique, se traduit par un discours plaçant l’internet au sommet des menaces que le gouvernement doit traiter, par le biais d'une myriade de lois. Dans un contexte international marqué par la polarisation autour du mode de gouvernance de l’internet, et dans lequel les grands acteurs privés subissent de fortes pressions de la part des États – et vice-versa —, cet article appréhende les tendances contradictoires qui façonnent le développement de l’internet russe.